Des flashs qui crépitent et des modèles qui prennent la pose plus ou moins patiemment. Il y aurait presque un air de Fashion Week sur les Champs-Élysées, ce dimanche après-midi. Sauf que les stars du jour… ont quatre pattes et des poils.

Foulards en soie noués autour du cou, Tuski, 5 ans et Tara, 4 ans, posent fièrement au beau milieu de l’avenue. Leurs boucles châtains soigneusement domptées avec des élastiques assortis au tissu. Tout un attroupement s’est formé autour des deux caniches géants. « J’ai jamais vu des chiens comme ça, ils sont magnifiques », s’émerveille l’un des curieux.

« Faire un événement consensuel »

Lateefa, leur maîtresse, le confie dans un sourire : elle veille à ce qu’ils soient « toujours à la mode ». Cette habitante du XVIe – silhouette longiligne et longs cheveux bruns – a plutôt l’habitude de les emmener parader au bois de Boulogne.

Mais la quadragénaire tenait, ce dimanche, à participer à la toute première marche des animaux de Paris. Comme elle, des centaines d’autres promeneurs sont venus déambuler sur l’avenue entièrement piétonnisée – comme c’est le cas une fois par mois – avec leur chien mais aussi leur chat. « C’est génial de pouvoir échanger avec plein d’autres propriétaires », s’enthousiasme Lateefa.

À l’initiative de ce défilé gratuit, l’ex-journaliste et écrivain Henry-Jean Servat. En 2022, celui qui est également conseiller municipal à Nice (encarté au parti animaliste) avait eu l’idée de lancer une première marche des animaux sur la promenade des Anglais. Près de 500 chiens, des ânes, des chevaux et même des lamas avaient déambulé le long de la mer. Un rassemblement qui a depuis lieu chaque année.

Des centaines de chiens ont défilé sur les Champ-Elysées pour la première marche des animaux.Des centaines de chiens ont défilé sur les Champ-Elysées pour la première marche des animaux.

Transposer le concept au pied de l’Arc de triomphe ? Cet amoureux des bêtes en rêvait. « Les Champs-Élysées, pour moi, c’est de Gaulle qui les remonte pour la Libération, c’est l’honneur de la France, martèle le septuagénaire. Faire en sorte que les animaux y tiennent le haut du pavé pendant une journée, c’est vraiment une première historique. »

Une histoire qui aurait pourtant failli ne pas s’écrire. « Ce matin encore, cette manifestation était interdite, soupire Henry-Jean Servat. La préfecture de police craignait des débordements. Ils ne savaient pas à quoi s’attendre. »

Le défilé s’est finalement fait sans la sono et l’estrade, qui étaient initialement prévues pour les discours. Qu’importe. L’organisateur ne voulait de toute façon surtout pas d’une « marche revendicative » avec panneaux ou slogans. « Je suis végétarien, contre la corrida ou les combats de coqs, liste l’écrivain. Mais l’idée, c’était vraiment de célébrer les animaux et de faire un événement consensuel. »

« Il faut développer des espaces appropriés pour les chiens »

Nabil aurait pourtant aimé que la journée ait une portée plus politique. « Les Champs, on s’en fiche, s’agace cet habitant de l’avenue, qui y promène quotidiennement sa chienne. Ce qui aurait eu du sens, c’est d’organiser ça aux Tuileries ou dans un autre parc parisien, où les chiens sont interdits. »

Une cause que le quadragénaire défend au sein d’un collectif de riverains qui rassemble « 400 propriétaires de chiens ». « Il faut vraiment développer des espaces appropriés pour eux », martèle-t-il.

À ses côtés, Chrisland Bellivier, éducateur canin à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), nuance : « Cet événement permet quand même de montrer que les chiens ont aussi leur place en ville. » Gilet orange sur le dos, ce professionnel fait partie des éducateurs canins et des vétérinaires qui encadrent la marche. Un service de sécurité spécial compagnons à quatre pattes.

« On a dû gérer quelques altercations entre chiens, résume Chrisland Bellivier. Mais dans l’ensemble, ça se passe très bien. » Une manifestation qu’Henry-Jean Servat espère bien pouvoir reconduire chaque année sur les Champs… et, pourquoi pas, « dans toutes les villes de France ».