« Mouans-Sartoux me fait penser à une île enchantée au milieu de la Terre. Il y a cette sublime Méditerranée, ces flux de touristes, et puis il y a Mouans-Sartoux. Et depuis toujours, on se demande : est-ce que cette fragilité, on va pouvoir la sauver ? Ce climat de bienveillance, où l’on est comme des frères, comme des marins sur des bateaux. Ici, c’est le bateau Terre en réduction, celui où l’on prend soin de la terre, sans se prendre au sérieux, tout en sonnant l’alerte. »

Volubile en évoquant ce festival où il se sent comme un poisson dans l’eau, Erik Orsenna, doublement honoré par l’inauguration de la médiathèque portant son nom à Châteauneuf de Grasse et l’attribution du Prix du livre engagé pour la planète pour Adopte ta rivière (éditions L’iconoclaste) est forcément inspiré par le thème de cette 38e édition : Quel monde demain.

« Je suis économiste des matières premières et, il y a 20 ans, j’ai réalisé que la première des matières premières, à savoir l’eau, on s’en foutait. Car j’avais écrit un livre intitulé L’avenir de l’eau, et on m’a dit : ‘‘ce que tu racontes est intéressant, mais ça ne nous concerne pas. Nous sommes un pays tempéré, jamais nous ne souffrirons de sécheresse ni d’inondations’’. J’ai donc décidé de m’occuper des fleuves et des rivières, parce que ce sont des êtres vivants, alors que l’eau est une matière. Et que cela pouvait davantage émouvoir. »

Les rivières après la grammaire

Dans la foulée, l’Académicien crée en 2017 l’ONG Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF). Eprouve l’envie de sensibiliser les grand-enfants : les CM2-6e.

De la même façon qu’il avait apprivoisé les plus revêches avec La grammaire est une chanson douce, il passe une année complète sur le terrain avec des classes de CM2, au bord de la rivière la plus proche de l’école. Pour y observer la faune, la flore, les méfaits de la pollution aussi.

C’est ainsi qu’est née l’idée de ce véritable conte qu’est Adopte ta rivière, dont la magie a si bien opéré que grâce à l’association du même nom, une centaine d’écoles en France sont en cours d’adoption d’une rivière.

Quant à son livre Ces fleuves qui coulent en nous (éditions Julliard) il est né de l’idée selon laquelle il y avait des similitudes entre le métier de son épouse, médecin vasculaire, et le sien : « Je m’occupais des fleuves, de la planète, et elle des artères, des veines qui régulent le corps, et selon une vieille philosophie du Moyen Âge, la planète et le corps, c’est la même chose. »

À partir de là, cet éternel explorateur nous embarque dans un fabuleux voyage, parfaitement sourcé auprès d’experts tels que le professeur de géologie Pierrick Graviou, où il est question de similitudes entre le réseau cosmique des galaxies et celui des cellules neuronales de notre cerveau.

D’Hildegarde Von Bingen, cette sainte musicienne et naturaliste, dont une miniature a inspiré Leonard de Vinci pour son Homme de Vitruve.

Du combat de Robert Hue pour sensibiliser le public à la maladie génétique de la drépanocytose.

Mais aussi et surtout de cette idée, qui traverse d’un bout à l’autre cet ouvrage : « Ces fleuves qui coulent en nous ne sont pas faits que d’eau, mais aussi d’émotions. Et le plus vital, c’est celui de l’amitié. » Dixit Erik Orsenna.