L’Europe vit une période d’instabilité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. La Russie mène une guerre d’agression en Ukraine et multiplie les tests de notre système de défense aux frontières de la Pologne, de la Roumanie, des pays baltes, en Norvège, etc. Le recul de l’engagement étasunien s’accélère et met l’Europe au pied du mur. La souveraineté du continent exige la coordination de capacités militaires crédibles et interopérables, qui se construisent grâce à des projets industriels communs comme l’Eurodrone, le MGCS (Main Ground Combat System) et le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur). Le SCAF n’est pas seulement un avion de 6e génération. C’est un système intégré : avions, drones, cloud de combat.

À l’heure où les budgets militaires explosent, il est préférable de financer un projet européen commun plutôt que trois ou quatre programmes concurrents, chacun plus coûteux et moins efficaces. La coopération européenne a déjà permis par le passé de mener des projets industriels ambitieux. Les Écologistes défendent une vision exigeante : tout euro investi dans l’armement doit l’être de manière responsable, dans un cadre européen transparent, sans générer des profits de guerre. Les efforts en matière de défense ne peuvent servir à enrichir les actionnaires des industries militaires. La puissance publique doit donc jouer pleinement son rôle en donnant un cap aux industries européennes, tout en assurant que les coûts restent maîtrisés. 

Abandon du SCAF, un désastre stratégique

Nous sommes conscients des difficultés présentes et de la nécessité de donner une nouvelle impulsion aux coopérations européennes de défense. La crise actuelle du SCAF ne vient pas de la pertinence du projet, sur lequel des ingénieurs européens travaillent de concert, mais de querelles de gouvernance. Dassault revendique un rôle d’architecte exclusif ; l’Allemagne et l’Espagne rappellent que le programme repose sur un partenariat équilibré. Une répartition équitable implique des compromis industriels. L’avenir du SCAF dépend donc moins des capacités techniques respectives des partenaires industriels que de la capacité des partenaires politiques à assurer un cadre commun pour une gouvernance coopérative, efficace et équitable. 

L’abandon du SCAF sans solution de remplacement serait un désastre stratégique pour l’Europe. Le plan B reste flou : il se limiterait à l’amélioration continue du Rafale, au risque d’isoler la France avec un appareil progressivement dépassé face aux avions de nouvelle génération développés ailleurs. Le surcoût pourrait se faire au détriment d’autres investissements dans l’Armée de Terre et dans la Marine. 

Combat cloud, un élément clé de la souveraineté

Un échec du SCAF aurait des conséquences lourdes : retour vers des solutions étasuniennes, renforcement de la dépendance technologique, repli sur soi, fragilisation de l’industrie européenne. L’abandon du « cloud de combat », en particulier, signifierait la perte d’un savoir-faire clé dans les conflits de demain, marqués par la dronisation, l’intelligence artificielle, le spatial. 

Comment justifier un nouveau fardeau budgétaire de 100 milliards d’euros, quand sont nécessaires des investissements dans la protection sociale et la transition écologique ? Comment justifier la duplication et la dispersion des savoirs-faire et des compétences quand l’Europe fait face à la concurrence de la Chine et des États-Unis dans les technologies de demain  (satellites, IA, cloud de combat, etc.) ? 

Le programme SCAF n’est pas parfait et doit faire l’objet de réajustement politique. Il serait périlleux de l’abandonner sans solution de remplacement d’une ambition européenne équivalente. Son abandon pourrait infléchir l’Europe de la défense dans une logique de course aux subventions entre champions nationaux ou de réflexe atlantiste à l’achat sur étagère. Nous avons la responsabilité de trouver des solutions pour renforcer la coopération industrielle et militaire européenne, et de donner à chaque pays un rôle pour parfaire notre défense commune.  

Députés français membre du groupe écologiste et social: 

  • Cyrielle Châtelain (présidente du groupe, membre commission défense)
  • Damien Girard (membre commission défense)
  • Catherine Hervieu (membre commission défense)

Députés verts allemands (Bundestag, Grünen):

  • Chantal Kopf
  • Sara Nanni 
  • Anton Hofreiter

Les députées allemandes sont membres de l’assemblée parlementaire franco-allemande et de la délégation UE du Bundestag.