Retailleau à Beauvau : en avant la saison 3 ! Nommé ministre de l’Intérieur par Michel Barnier il y a un an, reconduit par François Bayrou l’hiver dernier, voilà l’ancien sénateur une nouvelle fois confirmé dans ses fonctions régaliennes, cette fois-ci par Sébastien Lecornu. Un jour sans fin ? Pas vraiment.

Le costume reste le même, mais la situation, elle, change à chaque fois. Ses débuts ministériels avaient servi au Vendéen à imposer sa marque et sa bobine – dans les pas de l’hyperactif Nicolas Sarkozy d’antan –, jusqu’à le propulser nouveau chouchou des LR et parmi le cénacle des hommes forts de la droite tout court. Ascension expresse, et de fait, fragile.

Au crépuscule du mois d’août, alors que le sort du maire de Pau semble déjà scellé, les proches du ministre font la moue. « On savait qu’il faudrait partir à un moment, mais là c’est un peu tôt », glisse un proche du président de LR.

Nécessité stratégique et pression des ministres LR ont joué

Tout le monde n’a rien d’autre en vue que la prochaine présidentielle, et si le retour aux affaires de la droite a permis de lui redonner un semblant d’oxygène, elle aimerait que ce tremplin mène le plus possible près du début de la course élyséenne. Soit peu après les municipales de mars 2026. En cas d’éjection du gouvernement dès cet automne, les Cassandres ou les anxieux prédisaient une disparition de l’atmosphère, un billet retour vers le demi-oubli dans lequel végétait la droite.

« On n’est pas des abonnés perpétuels » au gouvernement, a pris soin de rappeler Bruno Retailleau mi-septembre, façon de rappeler que non, lui et les siens ne s’accrocheraient pas coûte que coûte aux ors de la République et ses voitures gyrophares.

Début octobre encore, il assurait aux élus LR réunis en visio s’interroger sur son maintien ajoutant : « le compte n’y est pas ». Si Matignon y a vu « un coup de bluff », les élus LR se sont agacés de ne pas être suffisamment traités ni voir leurs exigences régaliennes prises en compte.

Pour autant la nécessité stratégique et la pression des ministres LR sortants ont joué en faveur d’une participation au gouvernement. Dimanche, après avoir reçu une lettre du Premier ministre, les élus LR se sont retrouvés une nouvelle fois en visio et ont fini par toper pour une nouvelle aventure ministérielle. Tout ça pour ça ?

Pour des résultats visibles, un temps compté

Septembre aura en tout cas permis à Bruno Retailleau de cogiter : au gouvernement, le temps est compté, il lui faudra donc réussir à gagner sur quelques points faute de pouvoir entreprendre de grandes réformes.

Un objectif est acté : il faudra s’attaquer aux « urgences du quotidien » des Français, notamment en matière de sécurité. « Des choses qui permettent d’avoir des résultats rapides et visibles », confiait en septembre un député LR, sondé avec quelques autres par le ministre lors d’un déjeuner à Beauvau.

Retailleau doit pouvoir, au moment où il rendra sa plaque, au printemps, montrer de manière extrêmement concrète ce que lui et la droite auront apporté. Un trophée dont il rêve : mettre définitivement hors d’état de nuire la « DZ Mafia », cette organisation criminelle de narcotrafiquants originaire de Marseille.

C’est une question de crédibilité et de survie politique, alors que le Rassemblement national a fait de lui son punching-ball préféré, révélant par là une certaine inquiétude dans le camp frontiste, quant à la capacité du chef de file des LR à aguicher leur électorat.

Sous François Bayrou, Retailleau avait dû s’asseoir sur sa volonté de faire voter un « grand projet de loi immigration » ; Sébastien Lecornu ne lui a pas cédé sur ce point mais acté par écrit une « stratégie de pilotage des visas », donc restrictive comme le réclamait Beauvau, aussi accepté le projet de loi actuellement dans les tiroirs sur la police municipale et l’option de durcir les conditions d’accès aux prestations sociales pour les étrangers. De quoi pour Retailleau accepter de rempiler.

L’homme de Beauvau ne manque pas d’idées mais de temps et de marges de manœuvre politique avec un socle commun friable. Son troisième bail ministériel commence, mais sa durée comme le bénéfice politique qu’il pourra en tirer demeurent hautement incertains… avec son meilleur ennemi Laurent Wauquiez en embuscade.