La Fédération du BTP Loire a tenu sa traditionnelle assemblée générale, vendredi dernier, à l’Opéra de Saint-Étienne devant plusieurs centaines de personnes dont une grande part d’institutionnels et d’élus locaux. Entretien avec son président, Didier Brosse, rencontré en amont.
Didier Brosse, président de la Fédération du Bâtiment et des Travaux Publics de la loire (FBTP 42). ©If Saint-Etienne / Xavier Alix
Il y a un an, lors de votre AG 2024, vous aviez dressé des perspectives bien sombres pour le secteur du Bâtiment et des Travaux publics dans la Loire, à l’image du pays d’ailleurs. Où en est-on début octobre 2025 ?
« L’année écoulée – nous parlons de bilans allant de fin juillet à fin juillet – a été plutôt moins pire qu’initialement prévue. Mais ce n’est pas du tout l’euphorie d’un période post crise avec même, hélas, avec un constat final moins favorable que l’on pouvait espérer à la fin du printemps. Prenons une donnée essentielle que sont les logements neufs construits dans le département, donnant bien la température : nous étions fin juillet 2025 dans la Loire à environ 2 900, soit + 23 % par rapport à 2023/2024. C’est mieux oui, et d’ailleurs bien au-dessus de la moyenne régionale (+ 3,27 %) mais on espérait faire plus de 3 000 au regard des tendances de la fin du printemps. Le « rebond » est décevant, et par-dessus tout, à comparer à une année moyenne satisfaisante dans la Loire pour le secteur : c’est-à-dire 3 400 /3 500 logements neufs… »
« Personnellement, la ZAN, j’y suis favorable »
La conjoncture, toujours difficile donc, se traduit elle de manière significative par des défections d’entreprises dans la Loire ?
« Des entreprises ferment et d’autres ouvrent chaque jour mais non, dans la globalité, il n’y a heureusement pas encore ce signal là pour ce qui est, du moins, des entreprises relevant de notre ressort. Pour rappel : 1 220 adhérents pour 10 400 salariés. Ce qui ne veut pas dire qu’elles ne souffrent pas. Le personnel est comprimé : on ne recrute pas et même l’apprentissage va s’en ressentir. Au niveau de l’intérim, je n’ai pas de chiffre local à vous donner mais le signal lui est bien là et on sait que la Loire suit, à son échelle, la chute vertigineuse des postes proposés au niveau national : 33 000 intérims de moins fin 2025 que fin 2022 ! Il est vrai que côté travaux publics (TP), une fin de mandat telle que nous vivons est favorable et cela se vérifie cette fois-ci encore : ce côté-là travaille bien en ce moment. La rénovation/entretien (15 % environ de notre activité dans la Loire) progresse de 0,3 %.
Nous avons des entreprises qui sont solides mais tout cela, aussi, a ses limites.
Mais après ? Nous avons des entreprises qui sont solides mais tout cela, aussi, a ses limites. Ce n’est pas la première crise que nous affrontons, j’ai toujours évolué avec celles-ci depuis que je suis professionnel. On peut la surmonter comme les autres à la différence très notable que l’instabilité gouvernementale bloque la visibilité, les investissements, et que les factures sociales semblent, criantes, les conflits profonds comme jamais… »
A vos yeux, la situation réclame davantage de pragmatisme vis-à-vis de la vie quotidienne des entreprises…
« Nous le répétons : il faut mettre fin à cette inflation normative et réglementaire qui perd tout le monde et capte une énergie folle dans le public comme le privé au détriment de l’efficacité. Cette escalade correspond à elle seule à + 20 % de nos coûts de production en quelques années. Pour le grand public, l’accès à la propriété reste très compliqué et on espère le maintien à long terme du prêt à taux zéro prolongé récemment jusqu’en 2027. Il y a eu des fraudes sur le dispositif MaPrimeRénov oui, parce que mal encadré, mal ficelé ? Reste que derrière, on suspend, on arrête, on reprend, on restreint, on modifie, on ne sait plus ! Il n’y a pas de logique technique et économique. Cette logique de recourir systématiquement à un jeu de défiscalisation est, elle, complètement à bout. Il y a besoin d’une vision plus forte, plus ferme. »
La ruralité, thème de cette AG 2025 du BTP
A propose d’horizon, le déploiement progressif, déjà d’actualité, de l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050. Cela va-t-il fatalement handicaper la construction ?
« Pas forcément. Alors oui, le ZAN pourrait, lui aussi, être assoupli pour le législateur pour avancer de manière plus réaliste sur le sujet de la lutte contre l’étalement urbain, lui aussi une réalité indéniable : on ne peut plus consommer autant de foncier comme on l’a fait, c’est ainsi. La nature, l’agriculture ont besoin d’être préservées. Personnellement, la ZAN, j’y suis favorable. Pour la BTP, il faut l’aborder non comme une contrainte mais comme une opportunité, l’occasion de se réinventer. Reconstruire sur ce qui a été construit : c’est vrai aussi bien pour les centres-villes des communes moyennes, des grandes métropoles que pour des centre bourgs ruraux, tous désertés, tous souffrant de toujours plus de taux de vacances. La ruralité, c’était le thème de cette AG 2025 : elle a été délaissée au profit des Métropoles, de politiques de la ville sur politiques de la ville. Elle a pourtant de quoi inspirer avec de belles réussites sur le sujet du Bâtiment. Urbain ou rural, il y a de quoi, à la fois rénover massivement, comme démolir et en partie reconstruire. C’est la politique défendue par la municipalité stéphanoise ? Certes, mais concrétisée dans la réalité de manière bien, bien timide par rapport aux enjeux. »
Vis-à-vis de la Métropole stéphanoise, vous aviez fustigé l’an passé la suspension, depuis actée, du projet de patinoire. Reste que ses investissements auront bel et bien doublé par rapport au mandat précédent, et que pour le prochain, un UTVE (incinérateur de déchets) à plus 200 M€ va obligatoirement se faire…
« C’est vrai que des projets majeurs peuvent continuer à sortir de décisions métropolitaines. Cependant, avoir longtemps fait miroiter aux communes et aux entreprises jusqu’à 1,2 Md€ d’investissements métropolitains (pour finalement environ 800 M€, 700 selon certaines estimations en retirant, soit x 2 par rapport à 2014 /2020, Ndlr) durant le mandat qui s’achève ce n’était pas responsable. Aujourd’hui, nous restons inquiets pour la commande publique qui compte tant pour nos activités et, par cascade, pour celles des autres. L’exécutif de Métropole a fait part de ses inquiétudes sur les finances jeudi ? Le plus inquiétant, de loin, au niveau des collectivités, c’est la situation du Département de la Loire. Pour revenir à Saint-Etienne Métropole, derrière cette problématique centrale de gouvernance au sommet qui persiste et impacte les entreprises – je n’y reviens pas (problématique liée à l’affaire de chantage et au retrait plus au moins « total » du président, Ndlr) –, il y a cette lourdeur administrative structurelle, cette incapacité à aller plus vite vis-à-vis d’un monde économique soumis à un rythme, des impératifs qui ne pardonnent pas. Des notifications de marché aussi longues, ce n’est pas possible. »