Le gouvernement de Sébastien Lecornu, qui a démissionné avant même de dévoiler sa composition entière, peut principalement assurer la continuité de l’Etat et s’occuper des urgences.

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Publié le 06/10/2025 15:10

Temps de lecture : 5min

Le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu s'exprime après avoir remis sa démission à Emmanuel Macron, dans la cour de l'hôtel Matignon, le 6 octobre 2025. (STEPHANE MAHE / AFP)

Le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu s’exprime après avoir remis sa démission à Emmanuel Macron, dans la cour de l’hôtel Matignon, le 6 octobre 2025. (STEPHANE MAHE / AFP)

Ils n’auront même pas eu le temps de se pencher sur leurs dossiers. Les ministres du gouvernement de Sébastien Lecornu, nommés dimanche 5 octobre au soir, ont rejoint la case « démissionnaire » sans passer par celle du « gouvernement de plein exercice », après la démission du Premier ministre lundi 6 octobre au matin.

Ils ne quittent pas leurs fonctions pour autant. En effet, le locataire de Matignon comme ses ministres doivent attendre la nomination de leurs successeurs avant de pouvoir lâcher complètement les manettes. Un gouvernement démissionnaire « reste en place, tant qu’il n’est pas remplacé par un nouveau gouvernement, pour assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement minimal de l’Etat », résume le secrétariat général du gouvernement (SGG) dans une note publiée en juillet 2024.

Des ministres officiellement en poste pendant moins de quinze heures peuvent-ils vraiment prétendre à cette charge ? « C’est le décret de nomination qui vaut », affirme sur franceinfo Olivier Rouquan, politiste, constitutionnaliste et chercheur associé au Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques. Dans l’intervalle, quels sont donc les pouvoirs de ces ministres en sursis ?

Assurer la continuité de l’Etat

Selon la formule, les ministres démissionnaires sont simplement chargés d' »expédier les affaires courantes ». Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? La notion s’étant construite sans cadre détaillé, et notamment à travers la jurisprudence, il reste « une part irréductible d’appréciation », selon le SGG. Et plus les périodes d’affaires courantes ont été longues, plus la notion a été « appréciée de façon extensive », relève le SGG.

Les affaires courantes sont principalement les « affaires ordinaires », celles qui concernent « la marche normale de l’Etat », et qui ne nécessitent « aucune appréciation de nature politique ». Les ministres ne peuvent donc prendre des mesures réglementaires (circulaires, communiqués, instructions ou notes de service) que si elles sont indispensables au fonctionnement normal de l’Etat, selon le SGG.

Ces affaires courantes incluent également les « affaires urgentes », dont l’adoption est dictée par « une impérieuse nécessité ». Par exemple, la réponse à une catastrophe naturelle comme une inondation, à des troubles à l’ordre public, ou encore à un attentat terroriste.

Prendre des mesures budgétaires d’urgence

Comme lors de la chute des gouvernements Barnier et Bayrou avant lui, la démission de Sébastien Lecornu rebat les cartes des discussions autour du budget de l’Etat pour 2026. Il sera donc impossible pour un gouvernement de plein exercice de présenter dans le respect des délais constitutionnels un projet de loi de finances, car celui-ci doit être déposé à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi du mois d’octobre, soit le 7 octobre.

Or, sous la Ve République, aucun projet de loi n’a jamais été délibéré en Conseil des ministres ni adopté par le Parlement en période d’expédition des affaires courantes. Toute mesure législative, a fortiori le budget de l’Etat, est considérée par nature comme « importante et politiquement sensible », souligne le SGG. D’autre part, l’Assemblée nationale n’a pas le pouvoir de renverser un gouvernement démissionnaire, par nature déjà renversé. Il peut alors « sembler inadéquat de saisir le Parlement, alors même qu’il est privé de sa prérogative la plus forte », soulève le SGG.

Le secrétariat général du gouvernement n’exclut pas la prise de « mesures financières urgentes », comme une loi spéciale, afin de « doter la France d’un budget ». Le SGG envisage également qu’un gouvernement démissionnaire puisse adopter un texte par ordonnances. Sans jurisprudence, le constitutionnaliste Benjamin Morel affirmait à franceinfo début septembre qu’il fallait faire preuve d’une « grande prudence » à ce sujet.

Se réunir en Conseil des ministres

Même cantonné aux affaires courantes, un gouvernement démissionnaire peut se réunir à l’appel du président de la République. Il ne pourra simplement pas discuter de grand-chose : le Conseil des ministres aurait alors un ordre du jour « particulièrement léger », précise le SGG.

Les réunions de travail interministérielles ou les saisines d’instances consultatives ne sont pas non plus prohibées, mais le SGG précise qu’il ne « paraît pas opportun de lancer des travaux dont l’échéance serait trop lointaine ou la sensibilité politique trop forte », et recommande de ne pas générer « une charge de travail inutile pour les administrations ».

Le président de la République peut également procéder à des nominations, sauf « les plus politiquement sensibles », comme celles des directeurs d’administration centrale. Le périmètre des nominations sensibles a déjà fait l’objet de débats sous le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, lorsque Emmanuel Macron avait nommé le nouveau gouverneur militaire de Paris ou le nouveau chef d’état-major de l’armée de l’air, suscitant les critiques des oppositions.