• On dénombre chaque jour, en moyenne, quatre agressions de chauffeurs de bus en Île-de-France.
  • Le phénomène s’intensifie et touche toutes les grandes villes, pour des motifs aussi variés qu’un bus en retard, jugé trop rapide ou trop près des piétons.
  • Le journal de 20H de TF1 a recueilli plusieurs témoignages.

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Le 20H

Aymeric, chauffeur de bus, ne sort presque plus de chez lui depuis sa dernière agression il y a quatre ans. En quinze ans, il a été insulté, frappé près d’une dizaine de fois. Aujourd’hui, après trois ans d’arrêt de travail, la durée maximale, il n’est plus rémunéré. Incapable de reprendre le volant, il souffre toujours de stress post-traumatique. « Dès que je suis dans la rue, j’ai une hyper vigilance. S’il y a quelqu’un derrière moi, ça me fait sursauter. On se sent en insécurité totale », décrit ce dernier dans le reportage en tête de cet article. « Quand on a trois personnes sur soi, on se dit, chaque seconde dure une éternité. Et on se dit, comment je vais finir ? Dans quel état ? », poursuit-il. Et de lancer : « On est des punching-balls qui se baladent dans Paris. » 

Sur les réseaux sociaux, les vidéos d’altercations violentes visant des agents se multiplient. Comme dans la vidéo ci-dessus, où l’on voit un chauffeur pris à partie pendant son service à Paris. Bus en retard, qui roule trop vite, ou encore trop près des piétons… les motifs sont nombreux. 

« Pour un oui ou pour un non »

Pour comprendre l’ampleur de ce phénomène, notre équipe de journalistes a lancé un appel à témoins. Près d’une centaine de chauffeurs de bus, tramways ou métros y ont répondu, évoquant tous un même sentiment d’angoisse. « Chez nous, les agressions sont quasi quotidiennes, pour un oui ou pour un non », lance l’un. Un second explique : « J’ai subi deux agressions graves en huit mois et j’ai préféré démissionner. » Puis un troisième : « J’ai été roué de coups de pied il y a six mois. Depuis, je suis en accident de travail et j’ai peur. »

Ces agressions en hausse, notamment en Ile-de-France, ont presque doublé en 5 ans. Pour lutter contre ces violences, chaque jour, un peu plus de 3000 agents de sécurité privée patrouillent de manière aléatoire sur le réseau francilien. D’ici 2027, ils seront 1000 de plus. Leur rôle : intervenir en première ligne en cas de besoin avant les forces de l’ordre, et les chauffeurs peuvent directement faire appel à eux. « On a un bouton d’appel d’urgence à côté de nous. On les appelle, on leur explique la situation tout calmement. Et en parallèle, on a les caméras à l’intérieur du véhicule qui filment tout ce qui se passe à bord en continu. Ça rassure un peu quand même parce qu’on sait qu’on n’est pas seul », témoigne l’un d’eux.

« Cette fameuse vitre, je lui dois tout »

Autre équipement : la vitre de protection testée depuis le Covid. Rachel, conductrice de bus, en est convaincue, elle est indispensable. Il y a quelques semaines à Belfort, un passager déséquilibré s’en est violemment pris à elle, sans raison. « Il m’a regardée, il m’a dit je vais t’égorger, je vais te tuer, toi et ta famille, tes enfants, tes parents. Et là, il a commencé à frapper du poing sur le plexi », détaille-t-elle. « Cette fameuse vitre, je lui dois tout en fait. Elle n’aurait pas été présente à ce moment-là. C’est moi qui prenais les coups de poing, je pense », poursuit-elle.

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Le territoire de Belfort veut aller encore plus loin. Tous les nouveaux bus seront équipés d’une cabine de conduite entièrement protégée par une vitre incassable. « À Belfort, on a une particularité, c’est qu’on ne vend plus de titre à bord. Donc ça isole un peu le conducteur. Pour autant, ça n’empêche pas de s’adresser à lui quand on a une question à lui poser. Mais comme on a moins d’interactions, notamment de rendus d’espèces que dans d’autres réseaux, ça ne pose pas de souci ici », explique Yannick Monnier, directeur de la régie des transports du territoire de Belfort. 

Pour renforcer la sécurité des chauffeurs dans les transports publics, une loi votée le 28 avril dernier prévoit aussi des caméras piétons portées par les chauffeurs et contrôleurs et des micros qui enregistrent en temps réel toutes les conversations à bord des bus, tramways ou métros. Pour Île-de-France Mobilité, c’est une première avancée. « La caméra piéton, c’est utile. Ça fait baisser la pression quand il y a une discussion qui peut s’envenimer un petit peu », explique Grégoire de Lasteyrie, vice-président Ile-de-France Mobilités. Mais ce dispositif n’est pas encore appliqué ni même expérimenté. Cinq mois après le vote de cette loi, les décrets ne sont toujours pas publiés.

La rédaction de TF1info Reportage | Ani BASAR, Khélian YOUSFI et Bixente HACALA