Ce mardi, la Cour suprême des États-Unis entendra les plaidoiries dans l’affaire Chiles contre Salazar. Un dossier qui vise à revenir sur l’interdiction faite par le Colorado aux professionnels de santé agréés de fournir une « thérapie de conversion » aux enfants et adolescents LGBTQ.

En 2019, après quatre années de débats, l’État – progressiste – du Colorado a adopté une loi interdisant aux soignants de pratiquer sur une personne mineure des thérapies visant à éliminer toute attirance pour des personnes du même sexe.

Comme 16 États auparavant, la loi s’appuyait sur les conclusions de l’Académie américaine de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, estimant que la thérapie de conversion « manquait de crédibilité scientifique » et provoquait des risques accrus de « dépression, d’anxiété, de pensées suicidaires, voire de tentatives de suicide ».

Le lobby chrétien conservateur aux avant-postes

Kaley Chiles, conseillère en psychologie à Colorado Springs, chrétienne pratiquante, a porté plainte contre la loi, affirmant que des enfants « motivés intérieurement » sollicitaient volontairement auprès d’elle une « thérapie chrétienne ».

Elle souhaitait les aider à « réduire ou éliminer les attirances sexuelles non désirées, à modifier leurs comportements sexuels ou à développer une harmonie avec leur corps physique », correspondant au « dessein de Dieu » pour eux. Elle accusait la loi de l’obliger à limiter ses propos au détriment de sa liberté d’expression, protégée par le premier amendement de la Constitution.

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Fin 2022, en première instance, la justice a reconnu au Colorado le droit d’interdire certains traitements aux personnes titulaires d’une licence professionnelle. En 2024, une cour d’appel fédérale a estimé que la loi posait une règle de déontologie professionnelle qui n’affectait qu’« accessoirement » la liberté d’expression. Mike Johnson, qui préside la Chambre des Représentants, en a été l’un des avocats.

Kaley Chiles a saisi la Cour suprême avec l’aide de la très conservatrice Alliance Defending Freedom (ADF), un groupe de défense conservateur qui s’oppose aux droits des personnes LGBTQ et transgenres, à l’avortement, au mariage homosexuel.

L’ADF affirme que le Colorado n’a pas prouvé les risques présentés par ce type d’accompagnement psychologique. « Le Colorado a réduit au silence ces conseillers psychologiques, privé des familles en détresse de l’aide qu’elles recherchent et porté préjudice aux jeunes qui bénéficieraient des voix de ces conseillers psychologiques », affirment-ils, exhortant les neuf juges de la Cour suprême à « mettre fin à cette censure insensée et nuisible ».

Des chercheurs accusent l’ADF d’avoir « déformé » leur travail

Dans le quotidien britannique The Guardian, lundi, des chercheurs ont accusé l’ADF d’avoir « profondément » déformé leurs recherches, qui mettaient en avant les « dommages psychologiques » des thérapies de conversion. La famille d’un chercheur décédé, également citée par l’ADF, s’est dite « profondément troublée » par la « déformation » de son travail.

Depuis 2018, la Cour suprême s’est prononcée dans deux affaires impliquant les lois anti discriminations du Colorado prises dix ans plus tôt. En 2018, dans l’affaire Masterpiece Cakeshop, un pâtissier chrétien avait refusé de confectionner un gâteau de mariage pour un couple homosexuel. Les Sages avaient botté en touche sur la question de savoir si la liberté religieuse du pâtissier était supérieure au droit coloradien.

En 2023, dans l’arrêt 303 Creative, ils ont reconnu au nom du Premier amendement le droit pour une créatrice de sites web de mariage d’inscrire sur son propre site qu’elle ne travaillait pas pour les couples de même sexe. Lorie, la plaignante, n’avait pourtant jamais été sollicitée par des amoureux homosexuels. L’AFD avait plaidé dans les deux affaires.