L’autrice espagnole dresse un inventaire précis des pressions subies par une adolescente d’aujourd’hui. Une vraie découverte.

Une fille attend un bus et le bus n’arrive pas. Catalina, 16 ans, va devoir se résoudre à faire du stop si elle ne veut pas arriver chez elle après l’heure limite fixée par ses parents. Mais, on l’imagine, elle a peur de faire de mauvaises rencontres. Une situation d’autant plus angoissante quand on découvre pourquoi elle s’est enfuie précipitamment de chez sa copine, en refusant d’être raccompagnée.

Traduite pour la première fois en français, Rosario Villajos a construit ce roman intimiste comme un thriller. Heure après heure, alors que la nuit tombe, elle nous conduit dans le labyrinthe des pensées de Catalina. Injonctions contradictoires, pression scolaire, violence sourde des garçons au tournant de la puberté, interdictions parentales, Catalina revisite sa courte vie en examinant tous les événements incompréhensibles qu’elle a dû affronter. Jusqu’au père de sa copine, bourgeois respectable en apparence rassurant, qui d’enjôleur s’est transformé en agresseur.

Ce texte féministe, qui met brillamment en scène les questions de genre et de classe sociale, est avant tout un excellent roman. C’est-à-dire que l’autrice andalouse, installée aujourd’hui à Madrid, a su créer des personnages crédibles, incarnés, une Catalina que lecteur·rices ne sont pas prêt·es d’oublier. Elle a su aussi, de son écriture tranchante, et sans éclat superflu, décrire les situations humiliantes ou effrayantes qui constituent le quotidien de sa jeune héroïne. Ainsi son livre est une démonstration implacable de ce que signifie naître et grandir dans un corps de fille.

L’Éducation physique de Rosario Villajos. Traduit de l’espagnol par Nathalie Serny (Métailié), 256 p, 22 €. En librairie.