L’Ukraine enchaîne depuis quelques semaines les succès sur plusieurs plans, entre rapprochement avec Washington et fragilisation du pouvoir russe en raison de la campagne de Kiev contre ses infrastructures énergétiques. Mais les assauts russes le long du front terrestre continuent en parallèle de ces réussites, forçant l’armée de Volodymyr Zelensky à faire des choix difficiles après trois ans d’attrition sévère.
Pokrovsk, une forteresse qui ne tombe pas
Les forces ukrainiennes sont parvenues à ralentir le rythme de l’avancée russe dans le centre du Donbass. La percée de l’armée de Moscou début août à proximité de Dobropillia, qui menaçait une ligne logistique cruciale, la route T0514, a été contenue suite à une vigoureuse contre-attaque des soldats ukrainiens. La ville de Pokrovsk, cible majeure du Kremlin dans la région de Donetsk menacée par le sud, l’est et le nord, n’est pas non plus tombée, malgré la percée russe isolant un peu plus la forteresse ukrainienne, et des combats signalés jusque dans le sud de la commune elle-même.
Cette reprise de terrain s’est faite au prix d’un acheminement de renforts dans la région : selon le média russe indépendant Meduza, des réserves en provenance des zones de Soumy, Koupiansk, Tchassiv Iar et de la région de Dnipropetrovsk ont permis aux Ukrainiens de disposer des forces suffisantes pour repousser l’armée russe et menacer les flancs de la percée. Moscou a aussi acheminé de nouvelles troupes dans la zone, sécurisant une partie du terrain conquis, tout en continuant ses opérations sur le reste du front, mettant les soldats de Kiev en difficulté dans plusieurs zones.
Un ravitaillement perturbé
Au nord de la « ceinture de forteresses » de la région de Donetsk, les forces russes sont parvenues pendant l’été à avancer en direction de la rivière Donets, et s’approchent des villes de Lyman et Siversk, menaçant les lignes de communication les reliant au reste du pays.
Selon Meduza, le ravitaillement de Lyman ne peut ainsi s’effectuer que par bateau, en franchissant le fleuve via un passage près de Raihorodok. En cas d’évacuation de ces positions après une prise de Lyman, l’armée russe risquerait cependant d’être bloquée pendant un temps dans la région, les forces ukrainiennes profitant des défenses naturelles offertes par la rivière Donets.
La progression russe dans l’oblast de Dnipropetrovsk doit également être soulignée. L’Ukraine a reconnu que des troupes de Moscou avaient franchi la frontière de cette région pour la première fois en août, soulevant des interrogations sur la stratégie du Kremlin : à l’inverse des régions de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia, Kherson et de la Crimée, la Russie ne maintient aucune revendication sur Dnipropetrovsk.
La prise de terrain dans cette zone peut être interprétée de différentes manières, entre création d’une « zone tampon« , obtention de gages en vue d’un échange territorial avec Kiev, ou volonté de conquérir de nouveaux territoires une fois la mainmise sur le Donbass assurée.
Des gains dans le sud de l’Ukraine
Quel que soit l’objectif de leur manœuvre, les forces russes ont en tout cas progressé en direction de la rivière Vovcha, et menaçent également depuis ces positions la route reliant Hulyaipole, une ville forteresse de l’oblast de Zaporijjia frontalière avec la région de Dnipropetrovsk, et Pokrovske, un centre logistique de l’armée ukrainienne.
Enfin, plus au sud, dans la région de Zaporijjia, les troupes russes ont relancé leur offensive en direction d’Orikhiv, une des bases ukrainiennes majeures lors de la contre-offensive de 2023, mais n’ont pas encore accompli d’avancées notables dans une région dévastée par la contre-attaque ukrainienne il y a deux ans.
Trente kilomètres à l’ouest, l’armée de Moscou affronte les forces de Kiev pour le contrôle des villages de Stepnohirsk et Prymorske, après avoir capturé Kamiansk début juillet. En cas de prise de ces communes, les soldats du Kremlin seraient en mesure d’atteindre la rivière Konka, quelques kilomètres plus au nord, permettant aux drones de l’armée russe de frapper la ville de Zaporijjia elle-même.