La fête de Souccot, dite des cabanes, a commencé ce 6 octobre et dure une semaine. Les commémorations du 7 octobre 2023 tombent donc au tout début de cette fête juive. Dans la communauté azuréenne, si certains n’ont cure des consignes sécuritaires de discrétion, d’autres affichent sans inquiétude leurs traditions et leur volonté de commémorer le massacre qui s’est tenu sur les lieux du Festival Nova.
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Debbie a peur et cette peur, elle l’a transmise à sa petite fille de 7 ans.
Toutes deux vivent à Nice : « L’autre jour, on était dans le tramway et ma Magen David (l’étoile juive en pendentif) sortait du col de ma robe. Je voyais assise en face de moi, ma fille qui me faisait les gros yeux en tirant sur le col de son tee-shirt. Au bout d’un moment, j’ai fini par comprendre ce qu’elle voulait me dire en silence… Et j’ai rentré mon étoile à l’intérieur. Après, le soir, en rentrant à la maison, je me suis posé la question de savoir qu’est-ce que j’avais transmis, moi ou son école, à mon enfant pour qu’elle craigne à ce point de voir sa mère agressée dans des transports publics parce qu’elle est juive…
Rétrospectivement, et après en avoir parlé avec mon mari, on a décidé d’être prudent en essayant de ne pas dramatiser plus que de raison… Mais on ne se sent pas en sécurité…
Debbie n’est pas la seule à vivre dans ce sentiment d’insécurité. Esther le raconte différemment, mais le ressenti est identique : « On a peur, parce que pour nous, c’est toujours le 7 octobre et qu’en France, depuis, les actes antisémites se sont multipliés de manière exponentielle. On s’interroge s’il faut porter la kippa ou pas. On se demande s’il ne vaudrait pas mieux enlever les mézouzot aux portes de nos maisons… On est bloqué sur les infos toute la journée. Nos enfants vivent au gré des journaux et des infos sur les réseaux. On ressent, en tant que juifs, de l’intérieur de notre communauté, que plein de gens autour de nous détestent les juifs, que le monde entier nous hait. Nous vivons dans la crainte d’une agression ou d’une menace et cette peur, on la transmet involontairement à nos enfants. »
On leur demande de ne pas dire qu’ils sont juifs et, selon leur âge, de ne pas s’exprimer sur le conflit. C’est pour tout cela aussi que nous avons ce sentiment de solitude. Nous sommes les seuls à ressentir ce mal-être et à voir qu’on ne peut pas être compris, à l’extérieur, dans ce mal-être.
La fête des cabanes est une date importante dans la religion juive. Elle célèbre la dernière récolte de l’année et l’exode hors d’Égypte, or comme cette année, son 1er jour est le 7 octobre, toutes les commémorations en Israël, sont repoussées au 13 octobre.
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© Hélène France FTV
Pour Esther : « Célébrer la fête de Souccot c’est une autre manière d’être ensemble, de commémorer l’horreur du 7 octobre, d’être proches les uns des autres et d’élaborer une réflexion loin du sentiment de solitude qui nous dévore depuis 2 ans. »
Or, une nouvelle attaque a eu lieu le 2 octobre, jour de Yom Kippour, fête la plus sacrée du calendrier juif, au Royaume-Uni devant une synagogue, causant deux morts et trois blessés.
Tous les esprits de la communauté juive sont sous le choc de cet attentat, à Manchester.
Alors que des pourparlers indirects entre Israël et le Hamas en vue de libérer les otages et mettre fin à deux ans de guerre à Gaza ont commencé ce lundi en Égypte, lundi soir, pour les juifs, c’est la fête de Souccot qui a démarré.
Et ce mardi 7 octobre, tous ont dans le cœur l’horreur du massacre au Festival Nova perpétré il y a 2 ans. Israël se cale généralement sur le calendrier hébreu pour observer les journées commémoratives importantes.
Pour éviter que les deux événements ne se télescopent, la Journée nationale officielle du Souvenir a été fixée au 16 octobre. Seul un rassemblement s’est tenu près de Beeri sur les lieux du festival de musique ce matin.
À Nice, la 2ᵉ cérémonie commémorative en mémoire des victimes du 7 octobre 2023 aura lieu le 13 octobre à 12h30 sur la Colline du Château.
« Je n’irai pas, explique Leonard. Ma famille et moi, on est franco-israélien et on vit dans notre monde. Mais ce soir, on fait un repas avec une amie pour y penser et en discuter, encore et encore.
Ce que j’entends de mes amis, c’est qu’ils ont la trouille. Les ultraorthodoxes, eux, ils assument et sont encore plus visibles. Nous, on parle en hébreux dans la rue, on n’a rien changé à nos habitudes.
Il développe : « En même temps, on est tellement assimilé qu’on n’est pas identifié ni identifiable, ni par nos prénoms, ni par nos noms. Cela dit, on ne cache pas qu’on est Israéliens. Peut-être même plus Israéliens que juifs. On prend le bon des deux côtés, car on sait ce que c’est mais, notre réalité est sans doute ultra-minoritaire.
Pendant longtemps, j’étais halluciné de ce que les juifs autour de moi disaient car je n’ai pas été confronté à quoi que ce soit à force d’être dans ma bulle, aucune crainte. Un jour, une vieille copine m’a dit que j’étais dans le déni. Maintenant, je vois davantage que l’explosion de l’antisémitisme en Europe et dans le monde fait que des amis nous disent qu’ils ne vont plus pouvoir voyager nulle part par peur d’être des cibles. Beaucoup même pensent à quitter la France. Ils ne se sentent plus du tout protégés. »
Pour rappel, l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1 219 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l’AFP à partir de données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 48 sont toujours retenues à Gaza dont 20 seraient vivants, selon l’armée.
En réponse, plus de 67 160 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza dans la campagne israélienne de représailles militaires, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l’autorité du Hamas.