À Strasbourg, en 2025, quelques commerces indépendants exclusivement dédiés au prêt-à-porter et à la chaussure subsistent encore. Face aux ogres de l’ultra-fast fashion, ils sont nos irréductibles Gaulois. On a rencontré Laurent Zentz, le patron emblématique des boutiques Goodvibes et Elan, pour qu’il nous parle de mode, de tendances et d’adaptation aux changements dans un secteur ultra-concurrentiel.
Depuis quelques années, le prêt-à-porter strasbourgeois n’est pas à son top niveau, et c’est un euphémisme. Le Printemps a fermé depuis belle lurette, la Galerie Austerlitz n’est plus qu’un lointain souvenir, et même les enseignes de milieu et haut de gamme, installées depuis longtemps à Strasbourg, ferment progressivement leurs portes.
Au milieu de tout ça, alors que certaines marques internationales sortent des dizaines de collections chaque année, vendues à prix cassés, quelques boutiques strasbourgeoises indépendantes, comme Elan et Goodvibes, continuent de tirer leur épingle du jeu.
© Bastien Pietronave / Pokaa
Mais alors, comment font-elles pour continuer d’exister ? On a posé la question à Laurent Zentz, l’un des visages du monde de la sape à Strasbourg, pour qu’il nous parle de ses boutiques, de sa passion et de création.
On évoquera aussi ses astuces pour continuer à habiller les Alsacien(ne)s avec des fringues originales, de qualité, mais surtout que l’on ne retrouve nulle part ailleurs à Strasbourg.
© Bastien Pietronave / Pokaa
Colorbox (Goodvibes) : un précurseur dans le prêt-à-porter strasbourgeois
En 1993, la boutique Colorbox (devenue Goodvibes) s’implantait au beau milieu de la Grand’Rue. À cette époque, dans cette artère, la bagnole vivait son âge d’or, même au cœur de la ville.
Dans cette ambiance qui annonçait déjà le chamboulement du passage à l’an 2000, deux jeunes hommes observaient avec attention l’émergence de certaines tendances, non pas à Strasbourg, ni en France, mais de l’autre côté de la Manche.
© Goodvibes / Document remis
Ces jeunes hommes, c’étaient Laurent Zentz et Mathieu Roth, deux potes qui lançaient leur marque et comptaient bien s’installer durablement dans le monde de la sape strasbourgeoise.
« Quand on s’est installés, on vivait en direct l’émergence du hip-hop et de la techno, et ça a été une déferlante. Avant ça, dans le monde du streetwear, les vêtements étaient très standardisés et pas très funky, mais ces deux mouvements ont tout chamboulé. En fait, les jeunes se sont appropriés leurs vêtements, comme les punks à l’époque, mais avec leurs propres codes. Quand on a compris ça, on a commencé à faire des allers-retours entre Strasbourg et Londres pour dénicher des pièces qui n’existaient nulle part ailleurs en France. C’était l’époque des baggys et des marques émergentes indépendantes, il y avait un vrai enthousiasme créatif qui se dessinait, c’était de la folie », nous raconte Laurent, avec un brin de nostalgie.
© Goodvibes / Documents remis
Alors que les courants musicaux et la culture skate imposaient de plus en plus leurs codes vestimentaires dans le monde de la mode, la boutique Colorbox s’est développée, et des collections entières sont même sorties des ateliers de la marque strasbourgeoise. Laurent poursuit, non sans une dose d’autodérision :
« À l’époque, les marques étaient créées par deux-trois personnes qui imaginaient des fringues dans leur garage, alors on a commencé à créer nos propres collections. On dessinait des fringues, on s’inspirait de ce qui se faisait aux US, et on achetait du tissu de qualité chez Velcorex pour les réaliser. On faisait tout nous-même. On ajoutait pas simplement un logo sur un t-shirt, on mettait de la couleur, on ajoutait des imprimés, on essayait d’inventer quelque chose. »
© Bastien Pietronave / Pokaa
« Au début, la boutique Goodvibes était spécialisée dans la mode homme, mais les femmes ont commencé à s’intéresser à certains modèles présents en boutique. Alors, un vrai tournant s’est opéré, il a donc fallu s’adapter, innover, et réinventer à la fois nos lignes de vêtements et notre boutique. »
« Plus créative, plus colorée et plus osée » selon Laurent, la mode femme a petit à petit supplanté celle qui était dédiée aux hommes, et une boutique femme a alors ouvert ses portes juste en face de la première adresse.
« Il faut aussi dire que les femmes osent plus et sont plus créatives lorsqu’il s’agit de s’habiller. C’est aussi pour ça qu’il existe une boutique femme Goodvibes, avec des pièces colorées qui rafraîchissent un peu les garde-robes. En fait, même si on s’est forcément inspiré des grandes tendances, on a toujours voulu se démarquer et proposer autre chose, sinon on s’emmerde et nos clients aussi. »
© Bastien Pietronave / Pokaa
Elan, Goodvibes, des enseignes qui continuent d’innover
Après avoir développé la marque Goodvibes, Laurent s’est lancé dans l’univers de la chaussure. En 2015, il a alors repris la boutique Elan située rue Thomann, entre les Halles et la place de l’Homme-de-Fer.
Enseigne historique présente depuis plus de 30 ans, il a souhaité donner un nouveau souffle à cette discrète boutique hors des sentiers connus des Strasbourgeois(es).
© Bastien Pietronave / Pokaa
Lui et ses collaboratrices (notamment Céline Graziella) y ont apporté de la couleur, une petite touche de folie, et surtout : il et elles ont déniché des marques et des créateurs/rices peu connu(e)s qui proposent des chaussures à la fois originales et de qualité.
« Nos forces chez Elan, c’est de proposer des chaussures et des baskets que tu n’a jamais vues ailleurs, même pas sur Internet. Elles sont non seulement de très belle qualité et résistantes, mais elles sortent aussi des standards, c’est très important pour nous, et c’est pour ces raisons-là que les gens viennent chez nous. En fait, on a une clientèle de curieux. On sait que la majorité des clients viennent chez nous pour ça, pour l’originalité des produits, leur rapport qualité-prix, et les conseils personnalisés que l’on donne. Que ce soit dans nos boutiques ou sur les fringues, on aime mettre de la joie et de la couleur partout, et on en a bien besoin en ce moment. Et puis, on a quand même de très belles boutiques, non ? »
Goodvibes / Elan Chaussures
Quoi ?
Boutiques de vêtements / chaussures
où ?
Goodvibes femme, 66 Grand’Rue à Strasbourg + 5 rue des Marchands à Colmar
Goobvibes homme, 57 Grand’Rue à Strasbourg
Elan Chaussures, 2 rue Thomann à Strasbourg
Plus d’infos ?
Le site web des boutiques Goodvibes à Strasbourg
Le site web de la boutique Goodvibes à Colmar
Le site web de Elan
La boutique Goodvibes dédiée aux femmes. © Bastien Pietronave / Pokaa
La boutique Goodvibes dédiée aux hommes. © Bastien Pietronave / Pokaa
La Boutique Elan Chaussures/ © Bastien Pietronave / Pokaa