C’est du jamais vu : l’Union européenne a dévoilé un arsenal sans précédent pour sauver sa production d’acier. Le secteur est menacé par la concurrence écrasante de la Chine. Selon le plan de la Commission, les quotas d’acier étranger qui peuvent être importés chaque année dans l’UE sans droits de douane vont être réduits de moitié. Et surtout les droits de douane sur les importations vont doubler. Au Parlement européen de Strasbourg, les députés attendaient cette riposte.

Il faut sauver un secteur « au bord de l’effondrement ». La Commission européenne sonne la charge, rapporte notre envoyé spécial à Strasbourg, Julien Chavanne.

« Il était temps », pour Kathleen Van Brempt. Cette députée belge suit le dossier pour le groupe des socialistes et démocrates. « C’est un bon premier pas. Il est essentiel que nous ayons un plan », souligne-t-elle. « Nous voulons notre propre acier, car nous voulons un acier vert fiable. Pour ça, il nous faut un nouveau plan de relance complet. Donc, aujourd’hui, c’est un premier pas, certes, mais il en faut plus. »

Riposter, mais jusqu’à quel point ? Certains députés s’inquiètent d’un plan protectionniste qui pénaliserait les industries européennes. Ce n’est pas le cas, assure la députée française du groupe centriste Renew Marie-Pierre Vedrenne. « Parce que le protectionnisme, à mon avis, c’est ce que peut faire Donald Trump et c’est mortifère », juge-t-elle. « Donc non, nous, on engage tout le monde pour pouvoir travailler sur un commerce qui soit juste et qui soit gagnant-gagnant pour tout le monde. »

Attendu, ce plan est aussi un signal envoyé à Washington. L’Union européenne a mis du temps à réagir, mais elle est prête à se défendre. C’est ce que retient la socialiste Kathleen Van Brempt. « C’est une réponse politique, et j’apprécie que la Commission donne des réponses politiques, mais il faut maintenant aller de l’avant. Donc, on est encore à mi-chemin », estime-t-elle.

Le plan de la Commission doit encore être approuvé par les 27 pays de l’Union et par le Parlement européen, ce qui prendra encore plusieurs mois.

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Londres craint les mesures européennes sur l’acier

La mesure ne concernera pas seulement les importations venues des États-Unis. L’acier britannique sera aussi affecté. Outre-Manche, le secteur s’est immédiatement inquiété. Les mesures européennes représentent une « menace existentielle » pour l’acier britannique, selon le syndicat des travailleurs métallurgiques Community, rapporte notre correspondante à Londres, Emeline Vin.

L’Union européenne représente 80 % des exportations du secteur, soit près de 4,5 milliards d’euros chaque année. Les droits de douane américains, qui inquiètent depuis des mois la sidérurgie britannique, apparaissent comme une menace mineure en comparaison des tarifs européens annoncés.

Le principal représentant du secteur, UK Steel, appelle le gouvernement britannique à prendre ses propres mesures de représailles ; son patron rappelle que le Royaume-Uni est aussi le premier marché d’export pour l’UE et à entamer des négociations pour éviter un déséquilibrage mondial dans les échanges commerciaux. Le risque, selon lui, c’est que les autres pays producteurs d’acier comme la Chine ne se détournent des marchés américain et européen et n’inondent le reste du monde avec leurs produits, noyant de fait l’industrie britannique.

Le secteur espère une exemption nationale des nouveaux droits de douane. Sans quoi, les 37 000 emplois liés à l’acier britannique pourraient tout simplement disparaître.

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