Le 8e arrondissement de Paris. Ses monuments, ses Champs-Élysées, sa place de la Concorde, son parc Monceau et… sa maire « bien sapée ». Depuis quelques jours, Jeanne D’Hauteserre doit bien se demander ce qui lui tombe sur la tête. Comme tous les maires de la capitale, ses 35.779,65 euros de frais de vêtements en quatre ans et demi ont été révélés par nos confrères de Libération.

Discrète et plutôt diplomate dans la guerre déclarée depuis des années au Conseil de Paris, la maire du 8e arrondissement s’est retrouvée au centre de la polémique sur les frais de mandat lancée entre élus et qui a déjà touché Anne Hidalgo et Eric Lejoindre. La cause ? Son interview bien maladroite chez nos confrères de BFM TV et dans laquelle elle remercie même les contribuables qui travaillent pour lui « permettre d’avoir toutes ces indemnités ».

« Ravie de savoir qu’on participe à sa bonne tenue »

Premiers concernés, les habitants du 8e arrondissement que 20 Minutes est allé interroger pour savoir ce qu’ils pensaient.

« C’est vrai qu’elle est toujours très apprêtée », rit Anne-Colombe qui vit près de la rue Murillo au nord de l’arrondissement. « Ravie de savoir qu’on participe à sa bonne tenue ! » Comme elle, plusieurs habitants du quartier préfèrent rire de la situation. D’abord pour l’extrême franchise de leur maire devant les caméras, qui a surpris et presque attendri certains, mais surtout pour l’impression que l’édile a été mettre ses escarpins dans la boue toute seule, sans qu’on lui ait demandé. « Quel besoin avait-elle d’aller s’expliquer comme ça, tout le monde s’en fiche », s’indigne Catherine.

Plus concerné, Aubin sourit aussi à l’évocation de la sortie de sa maire mais trouve le « procès » qui lui est fait un peu sévère : « D’abord c’est une élue de la République, donc c’est normal qu’elle présente bien. Et puis ici c’est le 8e. C’est chic, ce sont les Champs-Elysées, les palaces, beaucoup de sièges de grandes entreprises. Elle se retrouve souvent devant les caméras. Elle se doit de représenter l’élégance parisienne, et franchement, les habitants du 8e n’en attendent pas moins. »

Des montants et des achats qui choquent peu…

Charlie, 21 ans et étudiante originaire de Champagne, expérimente l’arrondissement depuis un an et demi depuis son petit studio de 10 m2. Elle abonde : « C’est ultra-bourgeois ici. Tous les jours je vois des gens qui ont plus d’argent dans leurs habits que moi dans tout mon appart’, électroménager compris. Si elle veut se faire réélire, elle a intérêt à bien se “saper” comme elle dit. Vu la sociologie de l’arrondissement, je doute que vous trouviez des gens pour lui cracher dessus. » Ce n’est pas le but.

Tout aussi jeune, Léon a, lui, grandi dans l’arrondissement. Il n’en est pas moins taquin à l’égard de l’accusée. « Franchement, on est dans l’arrondissement de l’avenue Montaigne, du luxe français. The Kooples ou Eric Bompard, c’est limite “juste” comme marques. Il faut viser plus haut », lâche-t-il dans un grand rire.

Baptiste, 46 ans, voit les choses de manière plus sérieuse. Habitant de la rue de Naples, à deux pas de la mairie, il s’indigne à l’évocation de cette affaire : « En soi, les montants ne sont pas scandaleux. Mais ce n’était vraiment pas le contexte pour déblatérer là-dessus. La situation dans le pays est catastrophique et on découvre ce genre de pratiques. »

Pas choqué par les montants, ni par le fait que les élus aient des frais de représentation (lui-même, cadre supérieur dans un grand groupe bénéficie « d’avantages » pour s’habiller et manger dans un cadre professionnel), il défend même son élue : « J’ai entendu parler de restaurants hors de prix, de souvenirs de vacances et de sous-vêtements. Pour Madame d’Hauteserre, je n’ai vu que des vêtements qui collent à ses obligations. Il n’y a pas de drame. »

… si ce n’est qu’il s’agit d’argent public, dans un contexte d’austérité

Une dernière remarque avec laquelle Nadia n’est pas d’accord. Elle-même habillée très chic et exigeante envers « sa » maire, elle s’indigne des révélations sur ces frais d’élus. « Ils sont quand même très bien payés à la base. Pourquoi en plus leur donner une enveloppe supplémentaire pour ces frais ? Ou alors, que cet argent soit directement ajouté à leur salaire. Parce que là ça donne vraiment l’impression que la caisse est grande ouverte et que tout le monde tape dedans à volonté. Ça donne une image déplorable des élus et de l’utilisation de l’argent publique. »

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Raymond n’est pas moins énervé : « On demande à tout le monde de se serrer la ceinture, on dit que les caisses sont vides, et on découvre toujours plus d’argent à disposition de nos élus, sans qu’il n’y ait véritablement de publicité ni de comptes visibles pour les citoyens. On veut baisser les retraites, supprimer les subventions aux associations et fermer des classes dans les écoles et pendant ce temps, madame se paient des gilets et des tailleurs. Ce n’est pas possible ! »

Peut-être a-t-il été entendu par la maire puisque au moment où Raymond nous répondait, Jeanne d’Hauteserre annonçait à nos confrères du Parisien son intention de rembourser tous ses frais de mandat, après avoir déclaré vouloir mettre fin aux privilèges des élus : « Ces dépenses sont légales mais elles choquent nos concitoyens, confie la maire à notre journal. Je vais saisir les services juridiques de la Ville pour voir dans quelle mesure ce remboursement est possible et comment il faut procéder. »