Des drones au-dessus de la Pologne, des pays Baltes, du Danemark, en Roumanie ou encore en Allemagne, des aéroports fermés… Depuis quelques semaines, Moscou multiplie les incursions dans l’espace aérien de l’Otan, provoquant une agitation sans précédent dans les capitales européennes. “La Russie teste l’Occident”, titre ainsi The Economist le 3 octobre. “Dans le piège de l’ours”, surenchérit l’édition hebdomadaire du Guardian la même semaine. En Pologne, l’hebdomadaire Polityka se demande s’il est temps “d’avoir peur”. Mi-septembre, Der Spiegel, en Allemagne, consacrait sa couverture à Vladimir Poutine, “guerrier des drones”.

Que cherche vraiment le président russe ? Pourquoi une escalade maintenant ? Comment faire face à la menace ? Un mur antidrone suffirait-il ? C’est à ces questions que nous tentons de répondre dans notre dossier cette semaine. Ce que la Russie teste avant tout, c’est la cohérence et la solidarité des Européens. Jusqu’où sont-ils prêts à aller ? Et surtout, sont-ils capables d’apporter une réponse commune ? Au lendemain du sommet informel de Copenhague sur la question, on est en droit d’en douter. “Même l’ombre de la guerre n’a pas empêché ce sommet de sombrer dans le blabla habituel”, s’agace Politico Europe.

Il y a pourtant urgence, martèle Edward Lucas dans les colonnes du Times. Pour ce journaliste britannique, spécialiste des questions de sécurité, l’escalade est inévitable. Dès lors, l’Otan doit riposter fermement, quitte à envisager des sabotages et même des attaques en profondeur dans le territoire russe. “Sinon, alerte-t-il, nous ne pourrons qu’accepter la désintégration de nos alliances et laisser la Russie redessiner l’Europe selon ses propres intérêts, et à son image.”

Même tonalité dans Politiken, où Michael Jarlner dénonce des années d’errements dans la politique de défense du royaume. “Peut-être nous sommes-nous préparés à la mauvaise guerre. À une forme de guerre que nous connaissions plutôt qu’à la guerre hybride qui nous a frappés sous la forme de drones hostiles.”

Sommes-nous de facto déjà en guerre contre la Russie ? se demande, provocateur, Mark Galeotti dans The Spectator. “La perspective d’un conflit ouvert entre États reste éloignée”, rassure ce spécialiste du Kremlin. Mais ce qui se joue en fait pour les dirigeants de l’UE, c’est de faire comprendre à leur population que la guerre en Ukraine, financée par l’Europe, est aussi la leur, et qu’il y a un prix à payer.

Retour en France. Bousculée à l’est, la cohésion européenne risque d’être aussi éprouvée par la crise politique qui n’en finit plus dans l’Hexagone. Et qui inquiète les journalistes étrangers, sidérés une fois de plus après la démission de Sébastien Lecornu. Avec trois Premiers ministres essorés en un an, la France connaît sa plus grave crise politique depuis la fin de la IVe République, écrit The Times, qui évoque “un certain désamour de la démocratie”.

C’est l’autre temps fort de ce numéro. Trois pages de réactions de la presse étrangère, tantôt moqueuses, souvent empreintes de gravité. Si, en Angleterre, The Independent titre sur “la farce en France”, Politico Europe évoque “un théâtre de l’absurde”.

Le principal responsable de ce désastre, vu de l’étranger, est Emmanuel Macron. Jupiter est à terre, et il n’a plus trop d’options. “Le ridicule ne tue peut-être pas ceux et celles qui le provoquent, mais le chaos et l’irresponsabilité politique sont en train de torpiller la démocratie française”, écrit Béatrice Delvaux dans Le Soir. Pour l’éditorialiste belge, ce n’est pas un boulevard mais bien une autoroute qui s’ouvre pour l’extrême droite. “Cette folie politique collective, qui donne l’image d’un pays qui ne tournera plus jamais rond, est en train de parer le Rassemblement national des vertus de la stabilité, et donc de la capacité à gouverner.”

Est-il encore temps de faire machine arrière ? Pour le quotidien danois Politiken, le chantier est immense : “C’est la culture politique qui pose problème et qui doit changer. Macron n’a plus que de mauvaises cartes en main, mais, quoi qu’il choisisse de faire, la seule solution pour que la France sorte de sa crise politique et économique est que ses politiciens s’engagent sérieusement à travailler ensemble.” On en est loin.