Par

Jean-Marc Aubert

Publié le

8 oct. 2025 à 11h02
; mis à jour le 8 oct. 2025 à 11h45

Spectaculaire et inattendue : le syndicat Un1té a lancé une action de tractage ce mercredi 8 octobre 2025, à 10h30 à Montpellier, dans le cadre d’une opération nationale, pour dénoncer la crise qui frappe les services d’enquête. Objectif : alerter les citoyens sur cette situation critique qui retarde, voire paralyse le déroulement  normal de procédures judiciaires. Ces policiers en colère ont commencé leur présence sur la voie publique devant la gare SNCF Saint-Roch, puis sur la place de la Comédie, avant de se rendre sur les marches de l’ancien palais de justice abritant la cour d’appel, rue Foch, en passant devant la préfecture de l’Hérault.

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« Au commissariat central de Montpellier, chaque enquêteur du Service local de police judiciaire, le Slpj, gère environ 300 dossiers, c’est inadmissible. La priorité est donnée aux affaires urgentes et prioritaires notamment lorsque ces policiers héritent de dossiers durant leur permanence du week-end et des jours fériés et du coup, ils sont dans l’incapacité de traiter ceux qui  s’empilent depuis deux, voire plus de trois ans, des procédures anciennes où il faut poursuivre les investigations par des convocations de personnes et leur audition, faute de temps pour les mener à leur terme. Ces dossiers doivent être remis soit au procureur de la République, soit à des juges d’instruction. Double lenteur donc dans la machine policière et judiciaire qui est grippée, la crise est profonde et n’est pas réglée en dépit de nos alertes régulières au ministère de l’Intérieur », analyse Bruno Bartoccetti, le délégué d’Unité de la zone sud, basé à Montpellier.

Un enquêteur d'un service d'investigation sur le terrain. Ces policiers sont au bout du rouleau
Un enquêteur d’un service d’investigation sur le terrain. Ces policiers sont au bout du rouleau (©Sicop)Policiers au bout du rouleau

Métropolitain a révélé en mars dernier cette grave situation à la direction interdépartementale de la police nationale de l’Hérault -DIPN 34- et évoqué que les enquêteurs du Service interdépartemental de la police judiciaire de Montpellier, le Slpj, rattachés à la DIPN sont également mal lotis. Dans ces unités de terrain, les policiers ne comptent plus leurs heures, diurnes et nocturnes, notamment dans les lourdes affaires de narcotrafic, demandant des surveillances, des planques, des filatures, des perquisitions et des gardes à vue pouvant atteindre 96h. Alors que la lutte contre les narcotrafiquants armés jusqu’aux dents constitue une priorité du ministre de l’intérieur -démissionnaire en pleine crise politique- la mission de ces femmes et de ces hommes qui les traquent devient quasiment impossible. Constat d’Un1té : « les moyens ne sont plus à la hauteur de cette criminalité organisée et dangereuse ».

À gauche, Bruno Mengibar délégué d'Un1té Police 34 devant la gare SNCF Saint-Roch
À gauche, Bruno Mengibar délégué d’Un1té Police 34 devant la gare SNCF Saint-Roch (©Métropolitain)Vidéos : en ce moment sur Actu

Autre réalité qui inquiète : « au Slpj de Montpellier, en raison de ce travail acharné au quotidien, de nombreux enquêteurs usés et au bout du rouleau sont en arrêt-maladie et leur absence se ressent sur son bon fonctionnement. Et les Slpj des commissariats de Béziers, Agde et Sète sont logés à la même enseigne, car ils sont également en manque cruel de personnel chargé des investigations », assurent Bruno Bartoccetti et Bruno Mengibar, délégué d’Un1té de l’Hérault.

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Les deux responsables syndicaux dénoncent, par ailleurs, que les renforts du ministère de l’Intérieur des policiers obtenus dans le département le 1er septembre dernier sont nettement insuffisants : sur les 60, seuls 35 sont opérationnels, notamment en raison de départs à la retraite ».  Sous le slogan « Victimes abandonnées, et si c’était vous ? », ces policiers crient leur colère sur ce manque criant d’enquêteurs qui perdure et des moyens jugés obsolètes, réclamant un plan d’urgence couplé à une réforme structurelle du traitement des enquêtes. « Sans enquête, pas de justice, sans justice, le chaos menace » insiste Un1té.

« La population est victime de nos difficultés à couvrir les procédures dans les délais, avec des conséquences inquiétantes : certains dossiers sont frappés de prescription. Ce n’est plus supportable pour le citoyen, ni pour l’enquêteur. Nous demandons des moyens supplémentaires et un indemnitaire à la hauteur pour encourager les policiers à se diriger vers les services de l’investigation, de moins en moins choisi par ceux qui sortent des écoles de police », souligne Bruno Bartoccetti.

Selon le syndicat, la réalité dans l’Hérault est identique à celle du territoire avec « plus de trois millions de procédures judiciaires en souffrance, car en attente de traitement à l’échelle nationale, avec au moins 2 000 enquêteurs qui manqueraient à l’appel pour faire face aux besoins, sans compter des outils informatiques obsolètes, des procédures toujours plus contraignantes et une charge de travail devenue insoutenable ».

Cette action des policiers survient en pleine crise politique au sommet de l’État : « Peu importe la composition du prochain gouvernement, nous ne sommes pas là pour féliciter les nouvelles fonctions du Premier ministre et des ministres nommés, mais bel et bien pour exiger une reconnaissance de notre métier », préviennent d’une seule voix Bruno Bartoccetti et Bruno Mengibar. Ce mercredi matin, cette action inédite de distribution de flyers n’est pas passée inaperçue dans les rues de Montpellier.

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