Par
Léa Pippinato
Publié le
22 avr. 2025 à 20h41
Yannick Bouloc n’est pas seulement un commerçant ou un chef d’entreprise. C’est avant tout un passionné qui a su transformer ses obsessions d’adolescent en un projet de vie. Co-créateur et co-gérant de Cartapapa, boutique iconique implantée au cœur de Montpellier, il porte à bout de bras un lieu qui respire la nostalgie et la convivialité.
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Depuis 2007, il incarne avec son associé Nicolas un modèle rare de commerce de proximité : un espace qui vend, oui, mais surtout qui rassemble, transmet, et célèbre la culture geek.
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C’est quoi exactement Cartapapa ?
C’est une boutique physique, avec des vitrines, des étagères remplies de cartes, de boîtes de rangement, de jeux vidéo, de goodies… Mais c’est avant tout une institution à Montpellier pour tous les amateurs de culture geek. On s’est spécialisés, depuis le début, dans deux univers qui nous sont chers : les jeux de cartes à collectionner, et le jeu vidéo rétro. Ce sont deux domaines qu’on connaît bien, qu’on pratique nous-mêmes, et qu’on a toujours eu envie de faire découvrir, ou redécouvrir, au public. Cela fait maintenant plus de 17 ans qu’on est ouverts, et pendant tout ce temps, on a construit une vraie communauté. On a vu des enfants devenir ados, puis adultes, on a vu des joueurs revenir après des années d’absence. C’est une boutique où on peut acheter, mais aussi discuter, jouer, échanger, apprendre. On essaie vraiment d’offrir une expérience complète.
Tu peux revenir sur l’histoire de la boutique ?
Avec Nicolas, mon associé, on se connaît depuis longtemps. On a grandi avec les mêmes références culturelles, les mêmes envies, les mêmes jeux. On jouait à Magic: The Gathering à l’époque du collège, on passait des heures à échanger des cartes, à faire des parties entre copains, parfois avec des règles un peu inventées sur le moment, mais toujours dans une ambiance bon enfant. Ensuite, comme souvent, la vie nous a un peu séparés, chacun a suivi son chemin. Nicolas, de son côté, s’était déjà lancé, on va dire, dans le commerce autour des cartes. Il achetait, revendait, organisait des échanges. Et puis un jour, on s’est retrouvés, on a discuté, on s’est dit : « Pourquoi ne pas créer un lieu à nous ? Un endroit où on pourrait vivre de notre passion, et la partager ? ». Et c’est comme ça que l’idée de Cartapapa est née. Au début, c’était très artisanal. On avait peu de moyens, peu de stock, on faisait beaucoup par nous-mêmes. On était à la fois vendeurs, animateurs, acheteurs, conseillers, réparateurs de consoles parfois. Et petit à petit, on a grandi.
Tu étais déjà dans cet univers avant la boutique ?
Oui, complètement. En fait, ce n’est même pas une reconversion professionnelle, c’est juste la suite logique de ce que j’ai toujours aimé. Moi, je suis né au bon moment pour vivre l’émergence de toute une culture. J’ai grandi avec la Nintendo NES, la Super Nintendo, la Mega Drive. J’ai vu l’arrivée des consoles 3D, la révolution PlayStation. Et en parallèle, j’ai découvert les jeux de cartes. Je me souviens très précisément de mon premier contact avec Magic. J’étais en troisième, c’était pendant les vacances d’été. Des copains ont sorti des cartes que je ne connaissais pas, et on a fait une partie. C’était un joyeux bazar, à sept ou huit autour d’une table, des parties qui duraient des heures. Mais j’ai été immédiatement accroché.
Vidéos : en ce moment sur ActuTu as vu la communauté évoluer ?
Oui, c’est fascinant de voir comment ça a changé, et en même temps, ce qui n’a pas changé. Les jeux de cartes, par exemple, sont devenus un véritable marché, avec une offre très large. Chaque année, de nouveaux jeux sortent, souvent inspirés de licences très populaires. On a vu du Dragon Ball, du Naruto, du Wakfu, du One Piece récemment. Certains durent quelques mois, d’autres arrivent à trouver leur public. Mais au final, trois piliers restent en place : Magic, Yu-Gi-Oh! et Pokémon. Chacun touche un public bien défini. Pokémon attire surtout les plus jeunes, ou les nostalgiques. Yu-Gi-Oh! est très présent chez les adolescents. Et Magic, c’est un peu le jeu des trentenaires et quarantenaires, ceux qui ont commencé il y a 20 ou 30 ans et qui y reviennent toujours. On sent aussi un attachement très fort aux objets, aux souvenirs liés aux cartes, aux parties passées. Et aujourd’hui encore, malgré le numérique, les gens veulent manipuler leurs cartes, les classer, les échanger.
Une carte iconique que tu as eue ?
Alors s’il faut vraiment retenir une carte qui a marqué notre parcours à Cartapa, c’est, sans la moindre hésitation, le Black Lotus. C’est la carte mythique par excellence dans Magic: The Gathering. Il n’y a pas de débat là-dessus. Même ceux qui ne connaissent pas grand-chose à Magic en ont souvent entendu parler. C’est une carte qui dépasse le cadre du jeu, qui est entrée dans la culture populaire. Elle symbolise à elle seule tout un pan de l’histoire du jeu de cartes à collectionner. C’est une légende. Ce n’est pas forcément la plus rare si on regarde les chiffres bruts aujourd’hui, parce qu’il existe des cartes éditées en un seul exemplaire, comme « l’Anneau Unique » de la collection Seigneur des Anneaux, mais le Black Lotus, c’est autre chose. C’est une carte qui a 30 ans, qui a été jouée dans les premiers tournois, qui a été vue et rêvée par des générations entières. Et puis, bien sûr, on a vu passer d’autres pièces d’exception : des Dracaufeu première édition chez Pokémon, qui font toujours frissonner les collectionneurs ; ou encore des Blue-Eyes White Dragon en première édition japonaise chez Yu-Gi-Oh!
Es-tu encore collectionneur toi-même ?
C’est une question que je me suis longtemps posée, et à laquelle j’ai longtemps eu du mal à répondre franchement. Pendant des années, je disais non. Parce qu’être dans ce métier, c’est manipuler des objets de collection en permanence. Et fatalement, on développe une certaine distance. Les cartes, les jeux, les consoles qu’on reçoit, on les trie, on les nettoie, on les étiquette, on les vend. On apprend à ne pas trop s’attacher, parce que sinon, on ne vend plus rien. Mais en réalité, avec le temps, je me rends compte que cette boutique, c’est ma collection, mais offerte au public. Et puis, ces dernières années, j’ai recommencé à garder des choses pour moi. J’ai aussi commencé à rassembler des objets Star Wars, parce que c’est un univers que j’adore. Et puis des mangas complets, des intégrales que je voulais avoir sous la main. Je ne cours pas après la pièce manquante à tout prix. Mais c’est affectif. Ce sont des objets qui me rappellent des souvenirs précis, des moments de ma vie.
Ton avis sur le marché numérique des cartes ?
C’est un sujet complexe. Le numérique progresse, c’est indéniable. Il y a une dynamique forte autour des NFT, des cartes virtuelles, des plateformes en ligne. Il y a même des projets très sérieux, comme Cross The Ages, qui est développé par un ami à nous, un entrepreneur marseillais très talentueux, Sami Chlagou; Mais en ce qui nous concerne, chez Cartapapa, on reste attachés au physique. Le plaisir de toucher une carte, de la sentir, de l’observer sous tous les angles, de la ranger dans un classeur ou de l’aligner dans un deck… c’est irremplaçable. Je pense que les deux univers vont coexister. Certains joueurs vont préférer le tout numérique, d’autres resteront attachés au papier, à l’encre, à la matière. Et il y aura peut-être des ponts entre les deux. Mais pour nous, et pour la majorité de nos clients, l’objet reste essentiel. C’est lui qui donne envie de revenir.
Pourquoi Cartapapa fonctionne encore ?
Je pense que si Cartapa est encore là après 17 ans, c’est parce qu’on a toujours été sincères. On a toujours mis la passion en avant. On n’a jamais vu ça comme une simple entreprise. Bien sûr, c’est du commerce. Mais c’est aussi un lieu de vie. On aurait pu basculer dans la vente 100 % en ligne, se contenter de stocker et d’expédier. Mais ce n’est pas notre vision. On a voulu un lieu où les gens peuvent venir, poser des questions, rencontrer d’autres joueurs, participer à des événements, découvrir de nouveaux jeux. On veut créer du lien, du souvenir, de l’émotion. Et je crois que ça se sent. Les gens reviennent pour ça. Pour l’ambiance, pour le conseil, pour la passion. Il y a aussi un contexte favorable. On vit une époque très nostalgique. Les vinyles reviennent, les maillots vintage aussi, et les cartes Pokémon ou les consoles rétro suivent le même chemin.
Questions geek pour finir…
Un univers de jeu vidéo à habiter ?
Ce serait sûrement GTA. Oui, c’est un univers absurde, déjanté, souvent violent… mais c’est justement cette liberté folle qui me fascine. On peut y faire tout et n’importe quoi, croiser des personnages improbables, se retrouver dans des situations invraisemblables. C’est un immense terrain de jeu.
Un univers de cartes ?
Magic. Sans hésiter. C’est un monde immense, foisonnant, avec des continents entiers à explorer, des créatures, des sorts, des civilisations. C’est un univers très inspiré par la fantasy classique, avec un petit côté Donjons & Dragons qui me touche beaucoup. Et puis c’est mon premier amour de joueur.
Un super pouvoir ?
La téléportation de Son Goku. C’est un pouvoir que j’ai toujours trouvé génial. Pouvoir être instantanément où tu veux, éviter les embouteillages, gagner du temps, partir en vacances en une seconde. Ce serait un vrai game changer dans la vraie vie.
Une anecdote marrante ?
On a eu quelques moments mémorables. Un jour, Vald est venu au magasin, incognito, pour acheter des cartes. Il est resté super simple, très cool. Kev Adams aussi, qui collectionne les Pokémon. Et puis les joueurs du MHB, notamment Nikola Karabatic, qui ont eu leur période Magic. Ils jouaient dans le bus entre deux matchs. C’est marrant de se dire que des sportifs de haut niveau, des célébrités, retombent eux aussi dans les plaisirs simples de notre enfance. Comme quoi, la carte, ça touche tout le monde.
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