Cette semaine, l’Américain Richard Linklater rejoue la légende du jeune Godard, rien que ça. Sergueï Loznitsa filme le hors-champ de la guerre en Ukraine du côté des civils, et Hubert Charuel (Petit Paysan) tente de capter l’asphyxie d’une jeunesse sans horizon dans la France de la désindustrialisation, entre autres.

Les chefs-d’œuvre sont comme tout le monde : ils vieillissent. Enseveli sous des décennies de célébration internationale, A bout de souffle avait peut-être besoin que quelqu’un souffle sur la poussière accumulée. On pourrait arguer qu’il y aurait plus urgent à filmer en 2025 qu’une bande de jeunes mecs un peu misogynes (comme leur époque) qui réussissent avec brio leur hold-up sur le cinéma de papa en donnant des leçons (méritées) à tout le monde. Arguer aussi qu’il y avait là une sorte de film impossible à réussir, entre écueil de la carte postale pop, de la reconstitution nostalgique du Quartier latin ou du biopic hagiographique sur le génie en devenir. Puisant charme et légèreté dans son casting de jeunes inconnus, le long métrage de l’Américain Richard Linklater parvient à relever son pari ludique. Lire la critique de Laura Tuillier et notre interview du cinéaste.

Pendant la guerre, la vie continue. Truisme que Sergeï Loznitsa figure avec une idée formelle éloquente dans ce documentaire. Le cinéaste ukrainien, résidant à Berlin, est retourné dans son pays pour filmer, durant deux ans, les populations civiles dans le péril de l’offensive russe sur leur territoire. Dans ces tableaux, la masse se meut dans toute sa puissance et sa liberté, comme la plus décisive affirmation de son indépendance, de sa légitimité à former une nation. En résulte une œuvre puissante sur l’arrière des lignes de front en Ukraine, immersion dans la vie quotidienne de la population civile autant que portrait composite. Lire la critique d’Olivier Lamm.

Sam Rice-Edwards et Kevin Macdonald déplient le quotidien médiatique et culturel intense de l’iconique duo John Lennon et Yoko Ono, pendant les dix-huit mois, de l’automne 1971 à mars 1973, où ils vécurent dans un appartement de Greenwich Village. Soit la période la plus intense de leur engagement. Monté en patchwork autour des images du concert et d’une éphéméride d’extraits d’émissions télé et publicités, One to One est un beau documentaire sur l’ère politique du rock anglo-saxon à son pinacle de bruit, de fureur et de violence larvée. Lire la critique d’Olivier Lamm.

Ils sont six et ont arrêté d’y croire. Tous ont exercé dans la fonction publique, sinistrée par les restrictions budgétaires : flic, enseignantes, soignante, magistrate, facteur ont bataillé jusqu’au burn-out, cassés dans leur vocation à en perdre le sommeil et les cheveux, suffoqués par la perte de sens. Leur désillusion est politique. Ils ne se connaissaient pas avant que Jean Boiron-Lajous les caste dans un film au dispositif semi-théâtral. Ça raconte ce que le démantèlement de l’Etat fait au travail, l’effondrement humain derrière la crise budgétaire qui continue d’alimenter la valse détraquée des gouvernements, et d’obséder la rentrée politique. A l’heure critique où sort le film, tout porte à croire que son actualité brûle les doigts. Lire la critique de Sandra Onana.

Bienvenue à Saint-Dizier l’industrielle (Haute Marne), travailleuse historique du métal et de la crème glacée. Le film de Hubert Charuel l’arpente comme un désert, avec ses longueurs, ses mirages. La soif, c’est son thème, son drame. La petite ville est un décor et un motif ressassés du cinéma, et l’inaugurale scène de bowling, assez similaire à celle qu’on trouvait dans le premier hit de Charuel, Petit Paysan (2017), donne le ton en se plaçant à l’intersection de l’autobiographie locale et du cinéma américain, du connu par cœur et du projeté en grand, du familier et du fantasmé. Mais le cinéaste ne trouve pas l’équilibre dans ce buddy movie, où un duo d’amis de tous les excès (Paul Kircher et Idir Azougli) survit comme il peut. Lire la critique de Luc Chessel et le portrait du par ailleurs excellent comédien Salif Cissé.

Premier long métrage du cinéaste grec, Nos jours sauvages sinue en roue libre sur les routes de Grèce, dans le camping-car d’un groupe de hippies modernes. Les dix premières minutes sont la meilleure part du film, et c’est la part violente. Le reste enchaîne, à vitesse réduite et constante, chromos souriants, fêtes pour le fun vite éclipsées, paysages de posters, alternance dosée de caresses panamoureuses et d’agressivité d’amochés… Ce qui cloche rapidement, c’est le déséquilibre du traitement entre Daphné Patakia et les autres, figure en majesté de l’actrice chouchoutée par le cinéaste qui ne peut la quitter des yeux et la laisse beaucoup tirer la couverture à elle. En bref, ce road-movie ne transporte pas. Lire la critique de Camille Nevers.

Couvert de prix et lauriers en Italie, beau succès au box office, Berlinguer, la grande ambition débarque sur une terre moins familière, dans cette France où le Parti communiste, historiquement campé sur la ligne de l’Union soviétique, avait peu en commun avec son frère transalpin. Le Parti communiste italien (PCI) est en effet le seul, à la suite d’Antonio Gramsci, qui se soit démarqué du bloc communiste en tentant, au milieu des années 70, «le compromis historique» avec la Démocratie chrétienne, celle d’Aldo Moro, mais aussi de Giulio Andreotti. Cela échoua. Un peu comme ce biopic sur Enrico Berlinguer, sage, fade et marron, qui loupe son objectif didactique émancipateur, et se borne au scolaire, à l’appliqué, au dogmatique. Lire la critique de Camille Nevers.

Quarantenaire du milieu de la fashion, Kosuke décide de se remettre au sport pour reconquérir ses biceps et son narcissisme, et tombe amoureux de son très jeune coach, Ryuta – en tout cas dans la mesure de ses capacités à aimer quelqu’un d’autre que lui-même. Des événements dramatiques qu’on ne spoilera pas tout de suite font bientôt basculer la romance dans le mélodrame. Lequel a tout d’un film de «gaysploitation» qui se regarde le nombril, réalisé entre hétéros (épaulés par un «responsable de l’inclusivité LGBTQIA+» pour les aider à s’immerger sans faux pas dans cet univers étranger). Sans interroger sa tendance à traiter l’homosexualité comme un sujet et un sujet vendeur… Lire la critique de Luc Chessel.

Sorti en 2010, Tron : l’héritage, suite tardive à un classique de science-fiction des années 1980, déployait un univers assez génial. Quatorze ans plus tard, avec ce troisième opus, l’émerveillement en prend un coup. Joseph Kosinski, réalisateur de l’Héritage depuis hissé au sommet d’Hollywood par Top Gun : Maverick, laisse sa place à Joachim Ronning, dont un des derniers faits d’arme est l’infâme cinquième volet de Pirates des Caraïbes. Et il faudra faire avec la présence de Jared Leto, cabotin égocentrique que de récentes accusations d’agressions sexuelles avaient mis sur la touche. Le résultat exaspère par sa trame de blockbuster parfaitement générique et son écriture balourde. Lire la critique de Clément Colliaux.

Dans ce documentaire à la première personne, filmé vraiment avec trois fois rien, Philippe Petit n’hésite pas à s’inventer un personnage : si c’est sa vie, avec son lot de chagrins et d’emmerdes, celui qui déambule devant nous est une version burlesque de lui-même, sans cesse en train de se gourer de chemin. A l’annonce de la maladie neurodégénérative de sa mère, il décide d’aller lui rendre visite dans un Ehpad du sud de la France. C’est ce voyage aux multiples stations que Détours retrace, laissant peu à peu la place à une émotion vivace et douce, tombant le masque pour laisser la place à cette mère qui ressemble à chacune des nôtres. Lire la critique de Laura Tuillier.

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