Le 16 septembre dernier, un drôle de personnage médiéval est apparu sur le balcon situé au-dessus de l’entrée du Palais des beaux-Arts de Lille, déposé grâce à une nacelle. Vêtu d’une tunique rouge ornée de fleurs de lys, et portant un faucon sur l’épaule, le géant Lydéric, fondateur de la ville de Lille selon une légende locale, surplombe la place d’un air confiant du haut de ses 3,70 mètres – une taille relativement modeste par rapport aux 7 mètres que peuvent atteindre certains de ses congénères !

À la suite de l’exposition « Fêtes et célébrations flamandes », qui vient de se terminer, le musée lillois met à l’honneur ces effigies gigantesques qui font depuis la fin du Moyen Âge la gloire des carnavals des Flandres (région commune à la Belgique et au nord de la France), tels ceux de Cassel ou de Dunkerque, et de fêtes populaires comme celles de Gayant à Douai. Souvent inspirés de légendes locales, ces personnages folkloriques forment toute une cohorte haute en couleur, qui parade et danse dans les rues au milieu de la foule au moins une fois par an au son des fanfares.

Un élément essentiel du patrimoine flamand

Processus de fabrication d’une tête, d’abord en argile puis en papier mâché peint

Processus de fabrication d’une tête, d’abord en argile puis en papier mâché peint, 2025

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Durant quatre mois, Lydéric va « se promener » dans le bâtiment pour aller à la rencontre du public. Plusieurs de ses camarades, créés par l’association franco-belge La Ronde des Géants, ont aussi été installés dans le hall du musée. Parmi eux, Saint Nicolas à dos d’âne, le Père Fouettard, trapu mais effrayant avec sa barbe hirsute, et Marianne, 4 mètres de haut et 60 kilos, créée en 1992 par Stéphane Deleurence pour le bicentenaire de la République.

À l’étage, l’exposition décortique le processus de fabrication de ces géants, mis sur pied avec peu de moyens : d’abord modelés dans de l’argile, le buste et la tête sont déclinés en papier mâché peint, avec l’adjonction de cheveux humains ou en crin de cheval, puis placés au sommet d’une structure portative légère en osier ou rotin, qui est ensuite habillée avec des vêtements et des accessoires.

Vue des géants Louise, Père Fouettard, Marianne derrière et Saint Nicolas à l’exposition « Une petite histoire de géants » au Palais des Beaux-Arts de Lille

Vue des géants Louise, Père Fouettard, Marianne derrière et Saint Nicolas à l’exposition « Une petite histoire de géants » au Palais des Beaux-Arts de Lille, 2025

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On compte près de 1 500 de ces géants en Belgique, et 450 en France. « C’est quelque chose de très important pour les gens du nord », affirme Franck Hanoh, adjoint au maire de Lille. « Chacun a des souvenirs intimes, d’enfance, liés à eux », renchérit Juliette Singer, directrice du Palais des beaux-Arts de Lille et du musée de l’Hospice Comtesse. « Une dizaine sont fabriqués dans la région chaque année. C’est à chaque fois l’occasion pour les gens de se rassembler, d’occuper les associations locales », rappelle Dorian Demarcq, « facteur de géants » (qui les imagine, les fabrique et les restaure) et fondateur en 2000 de l’Atelier des géants, basé à Ronchin.

Marcel Vieillot, Gand, Charlemagne

Marcel Vieillot, Gand, Charlemagne, 1956

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Coll. Musée de l’Hospice Comtesse, Lille • © Ville de Lille / Musée de l’Hospice Comtesse / Photo Anthony Vanbaelinghem

Ces colosses et leurs fêtes célèbrent cette année les 20 ans de leur reconnaissance comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. « Les musées s’intéressent de plus en plus à ce patrimoine qui a aussi une matérialité, relative aux beaux-arts », soulignent les commissaires de l’exposition, Juliette Singer et Florence Raymond. Un musée spécialisé a d’ailleurs été créé en Belgique en l’an 2000 : la Maison des géants à Ath. Mais « la culture populaire est moins mise en avant en France qu’en Belgique. On va poursuivre ce travail de reconnaissance. Ce qui ne veut pas dire que les géants sont faits pour être dans des musées ! », glisse un facteur de géants.

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La passion des géants retracée à travers de nombreux objets et documents

Dans le parcours, photographies anciennes, cartes postales, assiettes publicitaires, statues en bois polychromes, affiches, gravures et dessins racontent l’histoire de cette passion locale, désormais exportée dans des festivals internationaux à travers toute l’Europe.

François Boucq, Projet d’affiche pour la Légende de Lydéric et Phinaert (détail)

François Boucq, Projet d’affiche pour la Légende de Lydéric et Phinaert (détail), 1999–2000

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Coll. Palais des Beaux-Arts, Lille • Don François Boucq / © GrandPalaisRmn / Lille, Palais des Beaux-Arts / Photo Mathieu Rabeau / Presse

S’y ajoutent une quarantaine de planches de l’auteur de bande dessinée François Boucq, récompensé en 1998 pour l’ensemble de sa carrière par le Grand Prix de la ville d’Angoulême. Issus du don de 380 planches fait par l’artiste au musée en 2021, ces œuvres sur papier, préparatoires à un court dessin animé sorti en 2003 (réalisé avec Fred Greneron), racontent avec force mouvements, détails et couleurs la légende des géants Lydéric et Phinaert. La rencontre de deux arts populaires qui fait des étincelles.

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Petite histoire de géants

Du 18 septembre 2025 au 5 janvier 2026

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