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Woking Theater, Londres, Grande-Bretagne. 26-IX-25. Matthew Bourne : Swan Lake – The Next Generation. Chorégraphie : Sir Matthew Bourne. Musique : Tchaïkovski. Scénographie : Let Brotherston. Lumières : Paule Constable. Avec Rory Macleod (le Cygne), Harry Ondrack-Wright (le Prince), Carla Contini (la Reine), Bryony Wood (la Girlfriend)
Et avec Matthew Amos, Benjamin Barlow Bazeley, Alistair Beattie, Ben Brown, Carla Contini, Jade Copas, Anna-Maria de Freitas, Perreira de Jesus Franque, Jamie Duncan-Campbell, Alexander Fadayiro, Savannah Ffrench, Cameron Flynn, Louis Fukuhara, Louis Harris, Kurumi Kamayachi, Aristide Lyons, Callum Mann, Eleanor McGrath, Jarrod McWilliams, Maisie Mwebe, Mukeni Nel, Eve Ngbokota, George-Murray Nightingale, Harry Ondrak-Wright, Barnaby Quarendon, Molly Shaw-Downie, Nikolas Shikkis, Xavier Andriambolanoro Sotiya, Tom Standing, Christina Walters.
30 ans après sa création au Sadler’s Wells à Londres, Swan Lake, la relecture exemplaire du chef-d’œuvre de Tchaïkovski par Matthew Bourne revient en France ! A la veille de son arrivée à La Seine Musicale à Boulogne-Billancourt, nous avons vu à Londres la reprise de ce ballet mythique.
Déjà 30 ans d’âge, et le Swan Lake de Matthew Bourne n’a toujours pas perdu une seule plume. Mieux : ses volatiles sont plus modernes que jamais, et sa dramaturgie toujours aussi bouleversante.
C’est en 1995, pour le centenaire de la version de Marius Petipa, que le Britannique Matthew Bourne, auteur encore méconnu de six ballets (dont une relecture de Casse-Noisette dans un orphelinant à la Dickens) s’était attaqué à cet Everest qu’est Le Lac des cygnes. L’itinéraire choisi ? Respecter scrupuleusement le livret et la composition musicale, mais relire totalement le contexte. Renoncer aux tutus et aux pointes, et oser faire de ses cygnes des oiseaux masculins. Matthew Bourne n’était pas le premier à masculiniser les cygnes, contrairement à ce que la presse et le public anglais aiment à croire. Le Suédois Mats Ek l’avait tenté dès 1987. Mais aujourd’hui, force est de reconnaître que Le Lac des cygnes de Mats Ek a bien vieilli. Celui de Matthew Bourne est formidablement actuel et même prémonitoire du monde d’aujourd’hui.
Son idée ? Sortir le prince Siegfried de sa cour du Moyen-Âge et en faire un Prince Charles contemporain, terrorisé par les paparazzis (Diana était alors toujours en vie), les filles trop aguicheuses, une mère toute puissante, un personnel trop étouffant, et des devoirs royaux trop oppressants… Le prince (qui n’a ici pas de nom) souffre de maux divers, entre une sorte d’autisme social, de dégoût de soi, et de complexe d’Œdipe. Il lui faut bien tuer la Mère pour être Roi, ce qui le révulse néanmoins. C’est là toute l’intelligence et la subtilité de la version Bourne. Parce que le chorégraphe a développé une palette d’étude sociale, psychique et littéraire d’une richesse folle, le tout avec un humour décapant.
On pourra y trouver pêle-mêle une pincée d’Hamlet autant que de Louis II de Bavière, la série « The Crown » (avant l’heure) ou Kenneth Brannagh, voire un peu de Monthy Python… Concernant la danse même, Matthew Bourne sait efficacement théâtraliser et cinématographier (sa grande passion) la danse de façon très moderne. Il faut voir les solos du Prince, bras en l’air appelant à l’aide ou autour du ventre, cerné par la douleur, corps en extension ou recroquevillé… Quant à la Reine, il sait lui donner une posture royale immédiatement suivie d’une arabesque très classique. Bourne sait formidablement visualiser le langage non verbal du quotidien pour le marier au geste dansé. Sans doute est-ce une spécificité bien britannique, lorsqu’on voit comment Frederick Ashton, Kenneth Mc Millan ou Christopher Wheeldon font aussi cela à merveille…
Il y a donc tout ce sous-texte éblouissant d’intelligence, et il y a l’image, d’une grande clarté, et d’un grand humour aussi. Lorsque le rideau se lèvre sur un lit démesurément grand, agrémenté d’une couronne immense sur la tête de lit, l’image est totalement claire : on comprend tout de suite que le pauvre prince recroquevillé est mal en point. Et les décors intemporels sont à l’avenant : biscornus comme sortis d’un cauchemar à la Tim Burton. S’ensuivent une foultitude de gags parfaits pour un jeune public, où les corgis de la reine courent sur roulettes, où les serviteurs deviennent escaliers pour descente de lit du Prince, où fans et paparazzis s’excitent, où la jeune fofolle qui l’aguiche s’assied avant la Reine, et fait sonner son portable pendant le spectacle.
Mais la gravité s’installe lorsqu’arrivent ceux qui lui permettent de s’évader enfin : ces cygnes, qui lui apparaissent dans un parc londonien. Rien que des hommes en bermudas à plumes blanches, le crâne rasé et une raie noire sur le front, à l’image même des vrais cygnes. Ils forment une meute effrayante, sautent, courent, poussent quelques cris rageurs… Le Prince (bouleversant Harry Ondrack-Wright) en est effrayé autant qu’irrémédiablement attiré, parce que jaloux de leurs libertés. Peu à peu, le voilà qui épouse leur danse, s’essaye à devenir cygne, s’émancipe en quelque sorte. Et ce, pour son plus grand malheur, tant son destin le lui interdit.
Le 3ème acte se déroule dans un bal qui vire mal, entre meurtre, beuverie et trahison. Ce n’est sans doute pas le meilleur des actes de ce Lac. On retrouve ensuite avec la même admiration et fascination, ces cygnes refuge et fruits de sa malédiction, dont on ne saura jamais vraiment qui ils sont. Simple visualisation picturale ? Objets de rêverie comme dans les mythes et légendes séculaires ? Concrétisation d’une attirance homoérotique du Prince ? Libre à chacun de se faire son idée. La fin, absolument bouleversante, vous tirera des larmes… Grâce à la conception brillante du spectacle, grâce à la musicalité de la version enregistrée de Tchaïkovski, mais grâce aussi à ses interprètes, autant danseurs qu’acteurs, eux qui ont travaillé le mouvement dansé, mais aussi toute une mythologie cinématographique fournie par le chorégraphe. Un patient travail de fond, dont les danseurs classiques, souvent trop figés dans leurs émotions, pourraient bien s’inspirer.
Crédits photographiques : © Johan Persson
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Woking Theater, Londres, Grande-Bretagne. 26-IX-25. Matthew Bourne : Swan Lake – The Next Generation. Chorégraphie : Sir Matthew Bourne. Musique : Tchaïkovski. Scénographie : Let Brotherston. Lumières : Paule Constable. Avec Rory Macleod (le Cygne), Harry Ondrack-Wright (le Prince), Carla Contini (la Reine), Bryony Wood (la Girlfriend)
Et avec Matthew Amos, Benjamin Barlow Bazeley, Alistair Beattie, Ben Brown, Carla Contini, Jade Copas, Anna-Maria de Freitas, Perreira de Jesus Franque, Jamie Duncan-Campbell, Alexander Fadayiro, Savannah Ffrench, Cameron Flynn, Louis Fukuhara, Louis Harris, Kurumi Kamayachi, Aristide Lyons, Callum Mann, Eleanor McGrath, Jarrod McWilliams, Maisie Mwebe, Mukeni Nel, Eve Ngbokota, George-Murray Nightingale, Harry Ondrak-Wright, Barnaby Quarendon, Molly Shaw-Downie, Nikolas Shikkis, Xavier Andriambolanoro Sotiya, Tom Standing, Christina Walters.