• Fin août, la police lyonnaise apprend que des malfaiteurs ont pour habitude de convoyer des produits stupéfiants venus d’Espagne par diverses autoroutes afin d’inonder le très vert bassin stéphanois.
  • Les fins limiers de l’antenne de l’Ofast (office anti-stupéfiants) de la capitale des Gaules vont alors surveiller une équipe qui baigne dans le grand banditisme.
  • Au terme d’une enquête et d’une course-poursuite, ils sont parvenus à faire tomber la petite entreprise de livraison de stups.

Pendant des semaines, les policiers lyonnais vont surveiller, analyser la téléphonie et des heures de vidéosurveillance… Avec ce travail de fourmi, ils vont pouvoir dans un premier temps identifier un véhicule de marque allemande. Une voiture volée et faussement immatriculée, complexifiant encore un peu plus les investigations. Dans un second temps, l’Ofast 69 va se concentrer à matérialiser sur PV les nombreux allers-retours du fameux SUV. Et il ressort de ces enquêtes que la voiture emprunte à chaque fois un même itinéraire : chargement du stup’ de l’autre côté de la frontière pyrénéenne avant de rouler tout le long de l’autoroute A9, de bifurquer sur l’A7 avant de s’arrêter dans l’agglomération stéphanoise pour en décharger le contenu.

Selon les enquêteurs, à chaque voyage transitent près de 500 kg de résine de cannabis. En temps réel, toutes les informations locales sont remontées au niveau national du côté de la Direction nationale de la police judiciaire à Nanterre qui suit les investigations. Et face à ces éléments matériels, le magistrat instructeur stéphanois décide début octobre d’ouvrir une information judiciaire.

Clous et shurikens pour semer la police

Au soir du 3 octobre, le 4×4 est localisé du côté de la frontière franco-espagnole, il vient d’entrer sur le territoire national et file sur l’autoroute A9. Il roule dans un premier temps avec des plaques que les policiers identifient… avant de s’arrêter et d’en changer. « Le conducteur est visiblement très rôdé aux techniques de filature de la police judiciaire », note un fin connaisseur du dossier. Le puissant bolide allemand est repéré quelques heures plus tard sur l’A7. Et c’est à mi-chemin entre Valence et Vienne que le SUV quitte le réseau autoroutier. 

C’est précisément à la barrière de péage de la sortie n°12 que les policiers guettaient l’arrivée de la voiture chargée de drogue. L’homme au volant refuse le contrôle et un refus d’obtempérer débute. Les policiers ont tout juste le temps de lancer sous les roues de la voiture un dispositif permettant d’en crever les pneus. Sur les petites routes de l’Isère, en pleine nuit, une course-poursuite s’engage alors entre les enquêteurs anti-stup’ et la berline de près de 400 chevaux.

Se sentant proche d’être rattrapé, le conducteur n’hésite pas à lancer par la fenêtre des clous… et des shurikens, une arme traditionnelle japonaise en forme d’étoile. Les pneus endommagés par la herse, le bolide perd de la puissance et le conducteur se résigne à abandonner sa voiture en rase campagne. Il se lance alors dans une course à pied désespérée à travers champs avant d’être peu de temps plus tard, rattrapé par les enquêteurs de l’Ofast de Lyon. 

Dans la voiture, la police met la main sur des paquets de résine de cannabis chargés à même la banquette arrière et dans le coffre. Au total, près d’une demi-tonne de résine de cannabis ! 

Des relais bien rôdés

L’OFAST va alors pouvoir présenter cet homme à la justice. Ils arrivent à déterminer que le SUV a effectué près de dix allers-retours entre l’Espagne et Saint-Étienne. Ce week-end, trois personnes proches du conducteur ont été interpellées.

Dans ce dossier, chacun d’eux avait un rôle de surveillant. À chaque voyage, un premier chauffeur était chargé de parcourir une partie de l’itinéraire afin de s’assurer qu’aucun douanier, policier ou gendarme n’étaient présents au niveau des barrières de péages. Un second avait pour mission d’ouvrir la route sur l’autre partie du trajet et ainsi de suite… « Ces petites mains rentraient ensuite chez elles en étant par la suite rémunérées », précise une source proche de l’enquête. 

Un fugitif tombé dans le narcobanditisme pour payer sa cavale

Le conducteur du véhicule interpellé près du péage de Chanas est déjà connu de la police et la justice pour des affaires liées à de l’importation de produits stupéfiants. Il était également recherché dans le cadre de trois mandats (dont un pour évasion) et,  cerise sur le gâteau, devait exécuter diverses peines de prison pour un total de quatre ans. « Il est de plus en plus commun de voir des profils de ce genre, c’est-à-dire des fugitifs qui, pour payer leur cavale, tombent dans le trafic de stupéfiants », analyse un policier. Selon nos informations, un conducteur d’un go fast peut toucher jusqu’à 10.000 euros par voyage.

Mardi, au tribunal judiciaire de Saint-Étienne, les quatre malfaiteurs ont été présentés à la justice. Trois dorment aujourd’hui en prison en détention provisoire. Le dernier est libre sous contrôle judiciaire. 

Raphaël MAILLOCHON