Par
Anaelle Montagne
Publié le
8 oct. 2025 à 20h35
« Je vais la tuer, je vais l’enterrer et personne ne la retrouvera. » Cette phrase, lâchée par Cédric Jubillar à sa mère Nadine le mois précédant la disparition de l’infirmière de 33 ans, est restée gravée. Peut-être lui est-elle revenue en mémoire lorsque la maman s’est « quasi agenouillée pour supplier Cédric » de dire la vérité, en garde à vue, la dernière fois qu’elle l’a vu.
La quinquagénaire a livré un témoignage accablant en ce 11e jour du procès de son fils, ce mercredi 8 octobre 2025. Ensuite, son mari, peu loquace, lui a succédé à la barre, suivi par d’anciens codétenus de l’accusé : il aurait avoué à certains avoir tué Delphine. Retour sur cette « journée noire pour Cédric Jubillar »– comme le résume l’un des avocats de la famille de la disparue, Me de Caunes.
#1. « Ce n’était plus le même Cédric »
Longtemps déchirée entre son amour pour son fils et ses doutes sur sa culpabilité, Nadine livre un témoignage qui risque de peser lourd dans ce procès. Elle raconte son changement de comportement, l’année précédant la disparition de Delphine. Ses cris, son attitude colérique, impulsive. « Ce n’était plus le même Cédric. »
La mère de Cédric Jubillar s’est livrée devant les jurés. (©Anaëlle Montagne / Actu Toulouse)
Elle parle aussi des difficultés du trentenaire à accepter la séparation désirée par Delphine, sa peur de perdre sa maison, « son statut social, familial, son statut d’homme ». Et puis Nadine justifie, comme elle peut, les tentatives de géolocalisation du téléphone de Delphine fin septembre 2020 – instiguées par son fils, avoue-t-elle.
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#2. « Je culpabilise d’avoir pris pour argent comptant tout ce que me disait mon fils »
Ensuite, c’est le moment de relater ce qui s’est passé sur ce parking, début novembre 2020. Cédric la rejoint alors à sa pause, il est en colère. « J’en ai marre de Delphine. Je vais la tuer, je vais l’enterrer et personne ne la retrouvera. »
Devant la cour, il est évident que Nadine a du mal à prononcer ces mots. « Je n’ai pas compris leur portée au départ. […] Aujourd’hui, je regrette de ne pas avoir donné plus de sens à cette phrase. » Elle confiera ensuite : « Je culpabilise d’avoir pris pour argent comptant tout ce que me disait mon fils. »
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Cédric reste impassible, tout le long de son témoignage. Souhaite-t-il prendre la parole ? « Je n’ai rien à déclarer », répond-il, avec moins d’aplomb qu’à son habitude.
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#3. Les violences d’Olivier
Place ensuite au témoignage du beau-père de Cédric, Olivier. En tous points, il semble diamétralement opposé à son épouse. Véritable armoire à glace, très peu loquace – voire particulièrement indisposé à parler -, Olivier livre des bribes de réponse face à la présidente.
Les heures précédentes, elle avait questionné Nadine sur les violences qu’il aurait perpétrées sur Cédric, enfant. Hésitante, la quinquagénaire a fini par relater un épisode marquant. « Au collège, Cédric a commencé à fumer ». Les parents désapprouvent. Olivier décide alors d’acheter un paquet de gauloises. « Il lui a fait fumer tout le paquet dans l’après-midi dans l’espoir de lui couper l’envie de fumer. » Silence dans la salle.
« Oui, Olivier a pu être vindicatif, admet Nadine. Le mot ‘violent’ ne me plaît pas… mais il a pu corriger Cédric par moments. »
Ce mot ne plaît visiblement pas non plus à Olivier. Il se dit « autoritaire, oui », mais pas violent. C’est à peu près tout ce que la magistrate tirera du quinquagénaire.
#4. Le passage chaotique des codétenus à la mémoire courte
Dans l’après-midi, place aux témoignages des codétenus de Cédric Jubillar, enfermés dans des cellules adjacentes à la sienne dans le quartier d’isolement de Toulouse-Seysses. Ils ne se voyaient pas, mais peuvent discuter par la fenêtre.
Les trois premiers à témoigner, Aymen, Michael et Sofiane, ne comprennent pas bien pourquoi ils sont là. Ils n’ont jamais entendu Cédric avouer avoir tué sa femme, assurent-ils.
Michael, imposant et parfois véhément, précise : « Je suis désolé pour la famille de Delphine, mais je ne vais pas dire quelque chose que je n’ai pas vu. Jubillar, c’est une vie aussi. »
Sofiane, quant à lui, avait relaté lors d’une audition en 2021 une blague de l’accusé : « Il disait qu’il avait commis le crime parfait. » Une phrase dont se souvient très bien un quatrième codétenu, Erwan : « Il l’a dit à la fenêtre, 40 détenus l’ont entendu. »
Pourtant, aujourd’hui, Sofiane n’en a plus le souvenir. À vrai dire, il ne se rappelle de rien. Sauf du fait que Marco, à qui Cédric aurait avoué avoir tué sa femme, serait « un mythomane, complètement malade ». Il lui succède d’ailleurs à la barre.
#5. Il l’appelait « l’autre »
Marco (Marc-Aurèle, de son prénom), est arrivé aux assises tout droit du Portugal. Corse d’origine, il a les traits fins, les cheveux noir ébène, porte une doudoune sans manches. Son témoignage est éparpillé. Cédric était son voisin direct à l’isolement et rapidement, en discutant par la fenêtre, Marco est frappé par la froideur du Tarnais à l’égard de sa femme.
« Il ne l’appelait jamais par son prénom. C’était toujours « l’autre ». Le psychiatre qui l’a expertisé en détention l’a d’ailleurs aussi noté. Questionné sur les autres noms qu’il donnait à sa femme, Marco refuse de les relater. Trop grossiers. Erwan, lui, n’hésite pas (« il faut que Cédric assume »). « Il disait que c’était une traînée, une pute. » Il confiera par ailleurs que l’accusé se surnommait lui-même « l’homme le plus cocu de France ».
#6. « J’ai pété les plombs et je m’en suis débarrassé »
Cette froideur et cette violence auraient poussé Marco à relater à la gendarmerie ses confessions d’une nuit d’été. Cédric lui aurait dit : « Je m’en suis débarrassé de l’autre. Je suis descendu dans la cuisine chercher mon chargeur et j’ai vu qu’elle envoyait des messages à l’autre PD (sic). J’ai pété les plombs et je m’en suis débarrassé. Ils n’ont même pas trouvé le couteau, ces abrutis. »
Il lui aurait également parlé d’une voiture utilisée pour se débarrasser du corps de la disparue, « à côté d’un endroit où ça a brûlé » (la ferme à côté du domicile des Jubillar, ndlr). Vérifiés par les gendarmes, ces éléments ont mené à des culs-de-sac.
La fameuse ferme, fouillée par les gendarmes. (©Anaëlle Montagne / Actu Toulouse)#7. Le violeur plaide la cause des femmes
La défense doute des raisons invoquées par Marco, sur ses confessions (d’abord anonymes) aux gendarmes. Culotté de plaider la cause des femmes, répond Me Franck, avocat de la défense, pour un détenu condamné pour viol et actes de torture et de barbarie. « Ce n’était pas une femme, c’était un garçon, un enfant », s’enfonce Marco avec un aplomb paradoxal.
Pour avoir rapporté les propos présumés de Cédric, Marco a-t-il pu bénéficier d’un droit de sortie de prison plus rapide ? C’est ce que les avocats de la défense ont voulu démontrer. La tension monte, les avocats généraux s’offusquent, on indique que ça ne colle pas avec la chronologie de son dossier judiciaire. « Je suis surprise des personnages auxquels la justice accorde du crédit« , tranchera Me Franck à la sortie de l’audience.
Me Emmanuelle Franck. (©Maréva Laville / Actu Toulouse)#8. Recel de cadavre
La présidente revient aussi sur la rencontre entre Marco et Séverine, avec qui Cédric s’est mis en couple après la disparition de Delphine. Alors qu’il est détenu, en vue de la sortie de prison de Marco, l’accusé lui confie deux lettres destinées à Séverine. La première est une lettre codée, que Marco doit transmettre à l’avocate du Tarnais. « Les codes, c’était pour s’échanger des mots un peu crus entre nous », justifie Cédric Jubillar, vêtu cet après-midi d’un pull gris léger.
Marco transmet une seconde missive directement à Séverine, début octobre. Là, il lui parle de la ferme où Cédric aurait avoué avoir caché le corps. « Elle ne reçoit pas l’étagère sur le gros orteil quand vous lui en parlez ? », questionne Me Boguet. « Non, répond Marco, elle ne semble pas surprise ».
Il la rencontrera quatre fois en deux mois. À la barre, il confirme qu’elle lui a transmis des photos de l’amant de Delphine, son adresse, celle de son travail. « Pour y placer de l’ADN » – et détourner les soupçons. La nouvelle compagne de l’accusé aurait aussi évoqué l’idée de déplacer le corps de l’infirmière. Ce qui lui vaudra d’être mise en examen pour recel de cadavre, avant que les charges contre elle ne soient abandonnées.
Séverine et Cédric, s’affichant sur les réseaux sociaux. Elle était à l’époque la nouvelle compagne du plaquiste (©Facebook)#9. 95% des témoignages sont faux
Cédric Jubillar est formel : 95% du témoignage relaté par ses codétenus est faux. Et les 5% restants ? « En effet, j’ai dit que j’étais le mec le plus cocu de France. Et quand on m’a demandé où j’ai mis le corps, j’ai dit, à la ferme qui a brûlé. »
Sauf que le corps de son épouse ne s’y trouve pas. Pourquoi mentir ? « Parce qu’il me gavait à me poser tout le temps la question. J’ai dit la même chose à Séverine, quand elle n’arrêtait pas de me le demander. […] C’était une blague, de mauvais augure, mais ça reste une blague. »
L’ancienne compagne de l’accusé sera entendue aux assises ce jeudi 9 octobre. L’après-midi, Jennifer, la dernière petite amie de Cédric Jubillar – à qui il aurait aussi avoué le meurtre de Delphine – pourrait, elle aussi, témoigner. Si elle le fait, ce sera en visio, étant donné que son état de santé ne lui permet pas de se présenter aux assises, indique la présidente.
Les phrases marquantes du jour 11
–> »J’espère qu’il n’a pas fait une connerie » : un message, envoyé par le beau-père de Cédric à sa mère, le matin suivant la disparition de Delphine.
–> « Je lui ai envoyé des photos pour lui rappeler qu’il avait des enfants » : Nadine Jubillar relate qu’elle a transmis des photos de Louis et Elyah à son fils incarcéré via sa plus récente compagne, Jennifer, car il ne prenait pas de nouvelles de ses enfants.
–> « Tu ne vas pas faire comme ton père » : prononcée par Nadine sur le ton de l’humour, lors d’un repas chez des amis, alors qu’Elyah frappait gentiment sur le visage de quelqu’un avec un coussin.
–> « Vous avez dit que vous n’aimiez pas les médias, je vous ai vu chez Hanouna », lance Me Martin à Marco, que l’on surnommait d’ailleurs Cyril Hanouna pour son appétence pour l’émission TPMP
–> « Vous êtes un mouton » : Me Martin conclut ainsi l’interrogatoire de Marco, insinuant qu’il a été aposté par la justice pour soutirer des confessions de Cédric.
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