Sur le perron de Matignon ou face aux micros, Sébastien Lecornu n’en finit plus de se présenter face aux médias. Ce mercredi soir, il était l’invité du 20 Heures de France 2, et ses déclarations étaient plus qu’attendues.

Ces 48 dernières heures, Sébastien Lecornu a multiplié les échanges. Pendant que les uns et les autres appelaient à une présidentielle anticipée, à une nouvelle dissolution ou à la formation d’un gouvernement de gauche, l’éphémère chef du gouvernement s’entretenait avec les présidents des deux chambres du parlement et les représentants des partis, à l’exception de La France insoumise et du Rassemblement national, qui ont rejeté l’invitation.

Ce mercredi matin, alors que l’idée d’une « suspension » de la réforme des retraites faisait son chemin pour séduire le PS, Sébastien Lecornu disait voir s’éloigner « les perspectives d’une dissolution ».

Et ce dernier estime avoir fait le maximum pour remplir cette mission d’éviter une dissolution. Sans dire s’il avait réussi ou non, mais promettant d’avoir « fait le maximum ».

Une majorité à l’Assemblée ?

Sébastien Lecornu avait 48 heures pour éviter une dissolution. Et visiblement, ce dernier, qui se présente comme un « moine-soldat », semble écarter la perspective de législatives anticipées : « Une majorité absolue à l’Assemblée refuse la dissolution », a affirmé le Premier ministre démissionnaire. « J’avais ce réseau qui me permettait en 48 heures de mener d’ultimes négociations ou plutôt discussions. J’ai présenté ma démission lundi matin, je pense démontrer que je ne cours pas après le job de Premier ministre. J’ai accepté la mission que j’estime terminée ce soir ». Et Sébastien Lecornu d’ajouter : « Je pense que la dissolution s’éloigne. La situation permet de nommer un Premier ministre dans les 48 heures ».

Un Premier ministre de gauche ?

Un Premier ministre oui, mais de quel bord ? « On n’est pas en Allemagne, on ne va pas réussir à faire une coalition à l’allemande », rappelle Sébastien Lecornu, qui n’écarte pas pour autant un Premier ministre issu des rangs de la gauche. « Cela appartient au chef de l’État, rappelle-t-il. Au terme de ces 48 heures, il y a 210 députés qui veulent une plate-forme de stabilité et plus ou moins la même chose sur le budget. Vous avez quelque chose qui converge et constitue l’endroit dans lequel le président de la République peut nommer. Et après, vous avez aussi la gauche, que le président peut choisir », a-t-il détaillé.

Rouvrir le débat sur la réforme des retraites

Sur la réforme des retraites, Sébastien Lecornu estime que le débat est inéluctable : « C’est l’un des dossiers les plus bloquants et difficiles. On a plusieurs problèmes à régler. On n’est pas dans un déni démographique. Si on se compare avec les autres pays européens, c’est compliqué. Mais il faut quand même être sourd pour ne pas entendre les Français qui ont le sentiment qu’il n’y a pas eu de vote. C’est une source de blocage au parlement. Il faudra trouver un chemin pour que le débat ait lieu sur la réforme des retraites. Le débat aura lieu, il faudra travailler sur le système des retraites, par répartition ou capitalisation. »

Mais abandonner la réforme d’Élisabeth Borne peut coûter cher aux finances publiques, rappelle ce dernier. « Globalement, renoncer à cette réforme coûtera pas moins de 3 milliards d’euros en 2027. »

Un budget l’an prochain ?

« Nous ne pouvons pas faire comme si le démarrage était un texte définitif, mais j’ai veillé à ce qu’une proposition soir présentée », d’ici lundi. « Ce n’est pas un budget qui sera parfait, prévient Sébastien Lecornu. C’est une copie à 4,5 % du déficit ». Et ce dernier de mettre en garde : « Mais ça veut dire aussi qu’il faut que le débat démarre. Aucun budget n’a été présenté dans un Conseil des ministres et c’est bien l’urgence. Il faut que la crise politique se dénoue, qu’un gouvernement soit nommé, qu’un projet de budget soit débattu et que les travaux ouvrent à l’Assemblée nationale ».

Une hausse d’impôts à venir ?

Pour Sébastien Lecornu, il faut agir sur la fiscalité, sans faire « n’importe quoi ». Ce dernier semble comprendre l’injustice ressentie par certains contribuables : « Pourquoi quand on est sur une courbe, il y a un tassement qui donne l’impression qu’au fond la fiscalité n’est pas également répartie ? La réalité, c’est qu’en trois semaines, on a montré qu’on ne pouvait pas faire n’importe quoi, car cela a un impact sur l’emploi et la croissance. Si des impôts augmentent, d’autres doivent diminuer ».

« La hausse des impôts en un totem pour les Français », rappelle encore Sébastien Lecornu. qui évoque la nécessité d’un « choc de croissance » et détaille ce qu’il avait imaginé : « Si certains impôts pouvaient augmenter, il faudra le justifier, mais d’autres pouvaient diminuer, comme la CVAE sur les petites entreprises », détaille ce dernier.

Une démission de Macron ?

En référence aux propos d’Edouard Philippe qui a évoqué la démission d’Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu a un avis tranché : « Ce n’est pas le moment de changer de président de la République ». Et il s’en explique : « La priorité, c’est qu’il faut un budget. Dans la démocratie dite représentative, si on commence dès qu’il y a un peu de tempête, a dire qu’il faut s’en aller, si c’est vrai pour un président aujourd’hui, ça pèsera sur les prochains présidents, puis sur les maires. Le visage de la France à l’étranger, c’est le président de la République. Cette institution présidentielle doit être protégée. »

VidéoLes ministres d’une « nuit » toucheront-ils une indemnité de 30 000€ ?

Cet entretien à la télévision publique clôt une intense séquence pour Sébastien Lecornu. Nommé Premier ministre le 9 septembre, ce proche d’Emmanuel Macron s’était laissé du temps pour consulter partis et syndicats et imprimer une méthode nouvelle avant de dessiner un gouvernement. Retour sur les privilèges d’anciens ministres, mise en retrait de l’article 49.3 de la Constitution : l’ex-ministre des Armées a voulu se démarquer de ses prédécesseurs, mais n’a pas su convaincre au-delà des macronistes et de leurs alliés.

À peine nommé, dimanche soir, son gouvernement a implosé en quelques heures seulement. Reconduit à l’Intérieur, Bruno Retailleau n’a pas supporté l’arrivée aux Armées de Bruno Le Maire, symbole à ses yeux des dérives des finances du pays. Un tweet du patron des Républicains (LR) a suffi. Le lendemain, Sébastien Lecornu remettait à la surprise générale sa démission à Emmanuel Macron. Et devenait le chef de gouvernement au mandat le plus court de l’histoire de la Ve République. Ce mercredi soir, Emmanuel Macron entrevoit peut-être le bout du tunnel.

Mais si la dissolution s’éloigne à en croire les propos du chef de gouvernement démissionnaire, il n’y a en revanche toujours pas de Premier ministre.