«Mon père, j’ai peut-être voulu le protéger.» Dans un entretien accordé à Paris Match, Hélène Perlant, la fille de François Bayrou, a pris la parole ce mardi 22 avril au sujet de sa scolarité à Bétharram. Elle dénonce des violences subies lorsqu’elle était elle-même élève au sein de l’établissement catholique. Et l’assure à maintes reprises : son père, désormais Premier ministre, n’était pas au courant, quand bien même plusieurs témoignages accusent le politique d’avoir couvert l’affaire.

Hélène Perlant s’apprête à publier, le 24 avril, un livre intitulé le Silence de Bétharram, dans lequel elle retrace plusieurs années de sévices dont elle a été témoin à Bétharram. Elle y relate notamment avoir été elle-même «rouée de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps» par le père Lartiguet, mort en 2000, alors qu’elle n’avait que 14 ans. Une agression la laissant «pleine d’ecchymoses» et avec des «acouphènes sévères».

A la question de savoir s’il y avait déjà eu, par le passé, des signaux d’alerte, Hélène Perlant le certifie : «Non.» «Les victimes de coups et d’agressions sexuelles n’ont pas parlé», dit-elle également, affirmant que «chacun a vécu son drame comme s’il était le seul à le subir».

Un silence qu’elle explique par le fait que «Bétharram était organisé comme une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants, pour qu’ils se taisent». Et la famille ? «Des élèves se persuadaient que chez eux on les accuserait de mentir, ou que leurs parents allaient se faire du souci», explique-t-elle, avant d’assurer encore que son père le premier ne savait rien.

Pourtant, en avril 1996, alors que François Bayrou était ministre de l’Education nationale, une plainte avait déjà dénoncé les violences physiques d’un surveillant à Bétharram sur un enfant de la classe d’un de ses fils, condamné par la suite. Puis, en mai 1998, alors qu’il était redevenu député des Pyrénées-Atlantiques et président du conseil général, un ancien directeur de l’institution avait été mis en examen et écroué pour viol.

Des témoignages de professeurs et parents d’élèves prouvent également que le Premier ministre était bien au courant dès les années 90 des violences, bien qu’il ait tenté de les minimiser, selon une enquête de Mediapart publiée en février. De son côté, Bayrou dément fermement avoir été au courant de quoi que ce soit.

Quand bien même plusieurs témoignages pointent l’inaction de Bayrou, Hélène Perlant le certifie tout au long de son échange avec Paris Match : elle n’avait jamais parlé de ce qu’elle avait vécu à son père. «Le Canard enchaîné a contacté [le Premier ministre] il y a un mois pour réagir, j’imagine, à la sortie du Silence de Bétharram dans lequel ils lui ont appris que j’intervenais. Il m’a téléphoné : «C’est vrai ?» me demande-t-il. On en rigole et il reprend : «Tu dis quoi ? Tu penses quoi ? J’ai un peu la trouille ! Tu me dénonces ? – Je ne te réponds pas ! Tu verras !» Il ne sait pas que je suis victime et il ne sait pas que je vais témoigner comme victime.»

Elle revient également sur le témoignage de R., un ancien élève de Bétharram cité anonymement dans un article du journal local Sud-Ouest en février, qui a porté plainte pour non-dénonciation de crimes et délits contre Bayrou. «Lors d’une étude où R. était assis à côté de moi, un gamin a été violemment frappé par un surveillant. R. a vu mon regard sidéré et il a pensé en toute bonne foi que j’allais forcément raconter la scène à mon père. Jamais !», certifie-t-elle, défendant son père bec et ongles. Jusqu’à l’exonérer de toute responsabilité : «Je pourrais jurer qu’il n’a rien pu comprendre. Sinon, ce serait Dieu ! On ne peut pas comprendre ce système pervers […] Il n’a pas couvert, il est juste paumé au milieu de ce dispositif pervers.»

François Bayrou sera entendu par la commission d’enquête parlementaire sur les violences et les contrôles de l’Etat dans les établissements scolaires le 14 mai en tant qu’ancien ministre de l’Education nationale entre 1993-1997.