Le préambule swingue comme l’adolescence: Cath Naylor et Shirley Craigie, 15 ans, se paient une virée entre filles à Glasgow, avec tournée de vodka, chapardage au rayon lingerie, et retour sur l’île de Bute avant 18h. Une seule ombre passe sur cet après-midi d’insouciance: à la lumière des réverbères, Shirley semble soudain plus âgée, «fantôme anticipé de la femme qu’elle ne deviendrait jamais». Parce que le 30 août 2001, Shirley a été tuée par balles, ainsi que sa mère et son petit frère. Le père, John Craigie, une brute, est décédé le même jour dans un accident d’automobile. L’enquête conclut logiquement qu’il s’est suicidé après avoir massacré sa famille.
La quatrième de couverture annonce fièrement la couleur: Les Bons Voisins est le «premier roman noir» de Nina Allan. Qu’on se rassure, l’écrivaine anglaise ne fait pas dans le hard boiled façon Dashiell Hammett, mais approche l’histoire d’un familicide par la tangente, avec la même finesse qu’elle met à relater la mort incertaine d’une adolescente (La Fracture) ou à suggérer l’hypothèse paranoïaque d’une invasion extraterrestre (Conquest). La noirceur est piquetée d’indices telles des étoiles dans le cosmos, l’écriture se déploie, légère et captivante, à la façon d’une toile d’araignée. Le récit, qui avance par à-coups, analepses, courants de conscience, équivoques et incertitudes, s’avère d’une envoûtante subtilité.