À la suite de manifestations qui avaient déjà rassemblé le 3 octobre plusieurs dizaines de milliers de personnes de Berlin à Stuttgart, les militants allemands de la paix se réunissent de nouveau ce samedi 11 octobre à proximité de la base aérienne de Nörvenich, près de Cologne.
Celle-ci doit être le théâtre à la mi-octobre des manœuvres « Stedfast noon » (midi implacable). Particularité : cette répétition grandeur nature est destinée à tester comment les bombes atomiques états-uniennes, stockées à proximité, peuvent être au plus vite sorties de leurs bunkers et chargées sur des chasseurs-bombardiers allemands tornados. Au nom de la clause dite de « participation nucléaire » de l’Otan, ces engins auront alors la tâche de larguer leurs funestes cargaisons « sur zone ».
Ces manœuvres ont lieu habituellement à Büchel, non loin de la frontière mosellane, sur une autre base militaire. Mais l’achat par Berlin de 35 chasseurs-bombardiers furtifs F 35 a changé la donne, la piste et les infrastructures de Büchel devant être adaptées d’urgence et agrandies d’ici 2026, pour le bon usage des nouveaux vecteurs états-uniens d’un éventuel bombardement atomique par l’armée de l’air allemande.
Un « arrêt complet de ces manœuvres de guerre atomique »
Les manifestants, qui devraient répondre à l’appel d’une trentaine d’organisations, exigent « un arrêt complet de ces manœuvres de guerre atomique » et demandent à Berlin de s’inscrire au contraire dans le respect du contrat adopté en 2021 par l’ONU pour l’abolition des armes nucléaires, sous l’égide de l’initiative internationale ICAN.
Ce qui implique un retrait de toutes les bombes atomiques stationnées en Allemagne, la fin du principe de « participation nucléaire de l’Otan » et un rejet de l’installation de nouveaux missiles de moyenne portée sur le territoire allemand, comme stipulé par une décision de l’Otan et de l’administration états-unienne précédente.
La situation est d’autant plus préoccupante, relèvent les pacifistes allemands, que certains « stratèges » du pentagone envisagent désormais ouvertement l’usage du nucléaire non comme instrument de dissuasion, mais comme recours à des « frappes préventives » capables de terrasser l’adversaire sans que celui-ci n’ait la moindre chance de répliquer.
Au grand dam du chef du SPD, vice-chancelier et ministre des Finances, Lars Klingbeil, de nombreux militants sociaux-démocrates ont décidé de répondre présents à la mobilisation de Nörvenich. La plupart sont signataires d’un « Manifest » pour la paix et la détente en Europe adopté le 11 juin dernier.
L’un des coauteurs de ce texte, Michael Müller, ex-député SPD, ex-secrétaire d’État d’un des gouvernements Merkel, dénonce « l’abandon délibéré du dialogue et de la diplomatie, telles que pensés par les accords d’Helsinki », pour y substituer une logique de puissance militaire qui enjoint à l’Ukraine rien moins que de « gagner la guerre ».
35 000 personnes dans les rues de Berlin
Le courage politique de ces personnalités est d’autant plus remarquable qu’il vient contredire la pensée unique, véhiculée par tous les médias dominants, en faveur d’une montée en flèche des dépenses militaires. Le chancelier Merz et son partenaire du SPD entendent faire de l’Armée allemande la plus forte du continent, quitte à exiger de l’État fédéral qu’il accepte de consacrer, d’ici 2029, 5 % de son PIB aux engins de destruction, en pleine conformité avec la nouvelle norme trumpiste adoptée fin juin par le dernier sommet de l’Alliance atlantique à La Haye.
Il reste que malgré ces tirs de barrage médiatiques, voire les insultes réduisant les pacifistes à des « agents de Moscou », les manifestations anti-guerre de ce début octobre connaissent toutes un étonnant succès. Ainsi le 3 octobre quelque 35 000 personnes se sont retrouvées dans les rues de Berlin – 20 000 dans celles de Stuttgart – pour dénoncer « l’hystérie militariste et le besoin d’une vraie structure de sécurité en Europe incluant la Russie. »
Au Bundestag, Die Linke, dans l’opposition, ne cesse de dénoncer des choix budgétaires qui se font « forcément au détriment de l’État-social et des intérêts du plus grand nombre. » Le non-alignement du parti de gauche sur les politiques dévouées au surarmement et aux logiques de puissance affirmées par Friedrich Merz lui vaut d’être régulièrement vilipendé par les verts, qui lui reprochent curieusement « de ne pas être vraiment à gauche sur le plan international. »
Faut-il y voir un signe, le parti dirigé par Ines Schwerdtner, qui a suscité beaucoup d’attention à la dernière fête de l’humanité, est désormais donné à 12 % dans les enquêtes d’opinion (contre 8,7 % aux élections anticipées de février dernier), devant… les écologistes ?
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