Cinq ans après la crise du covid, les antivaccins sont toujours aussi présents sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, ces derniers jours, certains d’entre eux affirment, études à l’appui, qu’il y a un lien entre le vaccin de la covid et une augmentation des cas de cancer du pancréas. Une théorie repartagée par le professeur Didier Raoult sur son compte X, ce lundi 6 octobre, dans un post vu plus de 600.000 fois. « Chez les vaccinés en Corée [du Sud], le plus inquiétant est l’augmentation des cancers du pancréas (+ 157 %) chez les personnes ayant eu 2 injections ».

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

J’accepte

Dans cette affirmation, il s’appuie sur l’une des « 2 études » qu’il évoque dans ses propos. Plus précisément celle « sud-coréenne », qui s’appuie « sur 8 millions » de données. Plus loin dans la publication, Didier Raoult estime que « ces études doivent être reproduites », ciblant un pays comme le Danemark. Les propos du professeur ont été relayés par Cyril Hanouna dès le lendemain de la publication du tweet, le 7 octobre, dans son émission « Tout beau, tout n9uf ».

FAKE OFF

L’étude dont il est question observe bien une hausse du rapport de risque de cancer du pancréas (2,25 par rapport à une base de 1). Cependant, ce chiffre est à prendre avec des pincettes. Dès le début de l’étude, les auteurs précisent que les résultats sont proposés « de manière hypothétique », et ne sont que « des associations » de données. Aucune preuve scientifique donc. La conclusion est d’ailleurs écrite au conditionnel : « la vaccination contre la COVID-19 pourrait être associée à un risque accru » de cancer.

Cette étude « ne démontre » donc, en aucun cas, « que la vaccination contre la covid cause des cancers », note l’oncologue Jérôme Barrière, dans un thread X. Joint par téléphone, il ajoute : « il faut se méfier de ces études statistiques, qui établissent des liens entre deux phénomènes – une corrélation donc – mais qui ne parlent jamais de causalité. Là où c’est très fallacieux, trompeur et mensonger, c’est quand Didier Raoult ne parle pas du tout de cette différence entre causalité et corrélation, et profite de cette complexité pour partir sur un délire ».

Plusieurs biais dans ces études

Par ailleurs, l’oncologue note qu’il existe de nombreux biais dans cette étude sud-coréenne. Premièrement, « les chances de découvrir un cancer préexistant ou naissant » chez les personnes vaccinées sont plus importantes que les personnes non-vaccinées. Tout simplement car les personnes vaccinées sont « plus en contact avec le système de santé (suivi post-vaccinal, dépistages) ». C’est ce qu’il appelle le « biais de détection ».

Deuxièmement, l’étude observe un lien entre vaccins et cancers seulement « un an après la vaccination contre la COVID-19 ». Or, « c’est impossible que les deux soit liés, puisqu’un processus cancéreux met des dizaines d’années à se développer », explique Jérôme Barrière. « Toutes les supputations d’aujourd’hui, basées sur des observations immédiates, sont fausses. Toutes les études épidémiologiques faites quatre ans après la vaccination n’établissent aucune augmentation, aucune accélération du nombre de cas. Il n’y a aucune causalité établie scientifiquement ».

Une théorie lancée avant une campagne vaccinale

Alors que démarre une nouvelle campagne vaccinale antigrippe et antiCovid dans quelques jours, l’oncologue s’inquiète de la « temporalité » des propos tenus par Didier Raoult. D’autant plus que ces derniers ont été partagés par Cyril Hanouna, dans son émission, sans qu’il n’y ait « aucune contradiction » de la part des chroniqueurs. « Les patients qui ont un cancer sont, encore une fois, les plus fragiles aux infections, et ce sont eux qu’on doit prioriser dans cette campagne vaccinale. A un moment donné, ces personnes vont forcément entendre » ces propos, et il y aura cette « suspicion que les vaccins entraînent le cancer, alors qu’il n’existe aucune preuve ».

Rappelons que ce n’est pas la première fois que le professeur Didier Raoult établit un lien entre la vaccination du covid et les cancers. En janvier 2024, alors invité sur un plateau télé, il avait affirmé qu’il existait un lien entre les vaccins et les lymphomes. Là encore, aucune preuve n’a été « établie scientifiquement ».

Nos articles santé

Par ailleurs, l’ancien directeur de l’IHU de Marseille est, depuis le 1er février dernier et « pendant deux ans », sous l’interdiction « d’exercer la médecine ».