Un médecin administre à l’un de ses patients le vaccin anti-Covid que Didier Raoult accuse, à tort, d’être lié à des cancers du pancréas.Le professeur Didier Raoult est un infectiologue marseillais controversé, connu pour ses prises de position provocatrices et souvent contestées depuis la pandémie de Covid-19. © Freepik

Tout est parti d’une publication de Didier Raoult, ex-directeur de l’IHU Méditerranée Infection, relayant deux études récentes, l’une italienne, l’autre coréenne, qu’il présente comme des “preuves” d’une explosion des cancers après la vaccination anti-Covid. Très vite, le message fait le tour des réseaux sociaux, attisant les inquiétudes d’une partie du public.

Mais si l’on prend le temps de lire les fameuses études, on découvre une tout autre histoire. Ni l’étude italienne ni l’étude coréenne citées par le Pr Raoult ne concluent à un lien de cause à effet. Les chercheurs eux-mêmes appellent à la prudence et expliquent que leurs résultats peuvent être influencés par des biais de surveillance ou des différences de profil entre les personnes vaccinées et non vaccinées.

Le vaccin anti-Covid accusé de provoquer le cancer : que disent vraiment les études ? L’étude italienne dément

La première étude, italienne, a été publiée en juillet 2025 dans la revue EXCLI Journal. Elle porte sur près de 300 000 habitants de la province de Pescara, suivis pendant plus de deux ans. Les chercheurs ont comparé la mortalité et les hospitalisations pour cancer selon le statut vaccinal. Ils ont observé que les personnes vaccinées mouraient moins souvent, mais semblaient légèrement plus nombreuses à être hospitalisées pour un cancer.

Cependant, les auteurs rappellent qu’il s’agit uniquement d’une association statistique, pas d’une preuve de causalité. Les personnes vaccinées étaient souvent plus âgées et présentaient davantage de maladies chroniques, autant de facteurs qui augmentent déjà le risque de cancer. Lorsqu’un délai d’un an est appliqué entre la vaccination et le diagnostic, l’association disparaît complètement. Cela signifie que les cancers détectés juste après la vaccination étaient probablement déjà présents, simplement repérés plus tôt.

L’étude coréenne aussi 

La deuxième étude, menée en Corée du Sud et publiée en septembre 2025 dans la revue Biomarker Research, a analysé plus de huit millions de dossiers médicaux. Les chercheurs y ont constaté une légère augmentation de certains cancers (thyroïde, poumon, sein, prostate) chez les personnes vaccinées, mais là encore, aucune preuve de lien direct. 

Les auteurs expliquent eux-mêmes que les personnes vaccinées consultent plus souvent, sont mieux suivies médicalement et que ces résultats “doivent être interprétés avec prudence”. Le cancer du pancréas, lui, n’apparaît d’ailleurs pas dans cette étude.

Cancer : le cas du pancréas

En France, le cancer du pancréas concerne environ 16 000 nouveaux cas chaque année, selon l’Institut national du cancer. Son incidence augmente régulièrement depuis vingt ans, bien avant la pandémie. Cette progression s’explique par plusieurs facteurs bien connus :

Aucune étude, à ce jour, ne met en évidence un lien entre ce cancer précis et la vaccination anti-Covid. Ni les données françaises, ni les bases internationales de pharmacovigilance ne signalent d’augmentation anormale depuis le début des campagnes de vaccination.

Cancer : faut-il quand même craindre les vaccins ?  Les experts appellent à la prudence

Interrogés par les médias, plusieurs spécialistes français de pharmacologie et d’oncologie ont réagi. Tous rappellent la même chose : aucune donnée ne permet de conclure que les vaccins à ARN messager soient cancérogènes. Le Pr Mathieu Molimard, pharmacologue au CHU de Bordeaux, souligne que l’ARN messager “est rapidement dégradé par l’organisme et ne modifie pas l’ADN humain”.

L’Institut national du cancer, de son côté, indique n’avoir observé aucun signal anormal depuis 2021. Même constat du côté de l’Agence européenne du médicament et de l’Organisation mondiale de la santé. Après plus de 13 milliards de doses injectées dans le monde, aucune tendance inquiétante n’a été identifiée.

Pourquoi ces rumeurs persistent-elles ?

L’explication est en partie humaine. Les vaccins suscitent toujours des craintes, et la pandémie a amplifié la défiance envers la parole scientifique. Les études de grande ampleur, complexes à lire, sont souvent réduites à quelques chiffres sortis de leur contexte. Dans ce cas précis, des associations statistiques ont été interprétées comme des preuves, alors qu’elles ne le sont pas.

Il faut aussi rappeler qu’un cancer ne se développe pas en quelques mois. La plupart mettent des années à apparaître. En parler comme d’un effet secondaire rapide d’un vaccin ne correspond à aucune réalité biologique connue.

Les faits, rien que les faits

Aujourd’hui, la conclusion des scientifiques est claire. Aucune étude sérieuse ne montre que le vaccin contre le Covid-19 provoque un cancer, et encore moins celui du pancréas. Les travaux cités par Didier Raoult ne font qu’observer des corrélations fragiles, influencées par des biais de suivi.

Les autorités sanitaires françaises et européennes continuent de surveiller étroitement les effets indésirables, mais aucun signal cancérogène n’a été observé. La science, elle, avance lentement, par vérification et par nuance. Les rumeurs, elles, vont vite. Et entre les deux, il y a un espace, celui de la vérité, qu’il faut prendre le temps de lire.

À SAVOIR 

Une étude menée par l’Institut Gustave Roussy et publiée en 2024 dans le Journal of Clinical Oncology a examiné l’évolution de plusieurs types de cancers pendant et après la pandémie. Les chercheurs ont constaté une hausse des diagnostics tardifs, liée aux retards de dépistage durant les confinements, mais aucune corrélation avec la vaccination.

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