D’ici à 2027, la dette de l’UE pourrait dépasser les 900 milliards d’euros, s’inquiète la Cour des comptes européenne dans son rapport annuel sur le budget de l’UE présenté mercredi. Un montant près de dix fois supérieur à celui de 2020, avant le lancement du plan de relance post-pandémie NextGenerationEU.
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De fait, la dette de l’UE n’a cessé d’augmenter rapidement depuis 2020: 236,7 milliards d’euros en 2021, 348 milliards d’euros en 2022, puis 458,5 milliards d’euros en 2023, avant d’atteindre un nouveau record historique de 601,3 milliards d’euros en 2024.
Le prix élevé de la relance post-covid
Le plan de relance décidé suite à la pandémie de covid-19 a en effet laissé des traces: à lui seul, le total des paiements d’intérêts liés à NextGenerationEU et financés sur la période budgétaire actuelle pourrait excéder les 30 milliards d’euros, soit plus du double du montant initialement prévu par la Commission européenne (14,9 milliards d’euros). Pour la période 2028-2034, ce chiffre pourrait même atteindre près de 74 milliards d’euros.
«Afin de préserver la viabilité des futurs budgets européens, il faudra tenir dûment compte de la charge croissante des obligations liées à l’emprunt», prévient la Cour. «Il importe de disposer de garanties solides et de ressources suffisantes pour la mise en œuvre des programmes de l’UE.»
Une opinion «défavorable» sur les dépenses de l’UE
Par ailleurs, dans un registre plus technique, la Cour a émis pour la sixième année consécutive une opinion «défavorable» concernant les dépenses budgétaires de l’UE du fait d’«erreurs persistantes».
Comme chaque année, la Cour examine les recettes et les dépenses de l’UE. Et si les comptes de l’UE pour 2024 présentent «une image fidèle de la situation financière» et les opérations relatives aux recettes sont «exemptes d’erreurs», ce n’est toujours pas le cas des dépenses.
Pour se faire une idée des montants, le total des paiements de l’UE pour l’année 2024 s’est élevé à 247 milliards d’euros, dont 55,9 milliards au titre de la FRR (facilité pour la reprise et la résilience), le principal pilier de NextGenerationEU.
Les irrégularités de dépenses «trop nombreuses»
Or, le niveau d’erreur concernant les 191,1 milliards d’euros de dépenses budgétaires hors FRR «est à la fois significatif et généralisé», selon la Cour. Le taux d’erreur, estimé à 3,6% (dans une fourchette comprise entre 2,6% et 4,6%), peut au premier regard sembler limité – et il est d’ailleurs à la baisse par rapport à 2023 (5,6%). Il est cependant considéré «significatif» dès lors qu’il dépasse 2%.
«La réduction du niveau d’erreur est une évolution positive, mais les irrégularités de dépenses du budget européen restent encore trop nombreuses», juge ainsi le président de la Cour, Tony Murphy, qui impute cette situation aux «faiblesses persistantes» des structures de surveillance et de reddition des comptes. Les erreurs les plus fréquentes dans le budget européen restent de fait liées aux projets et aux coûts inéligibles, ainsi qu’aux manquements aux règles sur les marchés publics.
19 cas de fraude présumée signalés
Si ce niveau d’erreur n’est pas un indicateur de fraude, de manque d’efficience ou de gaspillage, il représente toutefois une estimation des montants versés qui n’ont pas été utilisés conformément aux règles de l’UE et à celles en vigueur au niveau national. Cela dit, les auditeurs ont recensé en parallèle 19 cas de fraude présumée, qu’ils ont signalés aux autorités européennes compétentes.
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«Alors que s’esquisse le budget européen à long terme pour l’après-2027, les décideurs politiques doivent tirer les leçons de nos conclusions pour garantir la viabilité et la transparence des futurs budgets de l’UE», prévient Tony Murphy.
Des irrégularités dans la mise en œuvre de NextGenerationEU
La Cour a par ailleurs émis une opinion «avec réserve» concernant les dépenses liées au plan de relance post-covid – ce qui signifie que des problèmes ont été relevés dans sa mise en œuvre, sans que cela soit pour autant généralisé. Des irrégularités ont ainsi entaché une partie des 59,9 milliards d’euros dépensés dans ce cadre, avec un impact financier qui «tend à augmenter», quatre ans après la mise en œuvre du programme. Ainsi, en 2024, sur les 28 paiements de la FRR versés, les règles et conditions en vigueur n’ont pas été respectées pour six d’entre eux.
«A l’avenir, de tels modèles de dépenses ne devraient être utilisés qu’à condition que les responsabilités soient clairement établies, que les financements soient directement liés à des résultats mesurables et que la traçabilité des paiements soit assurée jusqu’au niveau des coûts réels», recommande la Cour.