Des centaines de milliers de patients au Royaume-Uni qui prennent du Tramadol, un antidouleur puissant de la famille des opiacés, viennent de recevoir un avertissement préoccupant. Selon une récente étude publiée dans la revue BMJ Evidence Based Medicine et relayée par le site internet Mirror, ce médicament prescrit sur ordonnance aurait un effet très limité sur la douleur chronique. Pire encore, ses effets secondaires pourraient largement dépasser ses bénéfices, avec notamment un risque accru de maladies cardiaques et d’insuffisance cardiaque.

Le Tramadol, commercialisé sous différentes marques comme Maxitram, Marol, Zydol, Zamadol, Tramulief et Tramquel, est habituellement prescrit pour traiter des douleurs modérées à sévères, par exemple après une intervention chirurgicale ou une blessure grave. Certains patients le prennent également pour gérer des douleurs chroniques lorsque les médicaments plus faibles ne fonctionnent pas. Mais cette nouvelle recherche remet en question l’utilisation prolongée de ce traitement.

Une efficacité bien en deçà des attentes

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont analysé 19 essais cliniques impliquant 6 506 personnes souffrant de douleurs chroniques. Cinq essais se concentraient sur la douleur neuropathique, neuf sur l’arthrose, quatre sur les douleurs lombaires chroniques et un sur la fibromyalgie. La plupart des participants prenaient le médicament sous forme de comprimés pendant une période allant de deux à seize semaines.

Les résultats montrent que si le Tramadol soulage effectivement la douleur, l’effet reste faible et se situe en dessous du seuil qui serait considéré comme cliniquement efficace. En d’autres termes, le bénéfice pour les patients est insuffisant au regard des standards médicaux. Les chercheurs ont également observé un doublement du risque d’effets nocifs comparé aux médicaments placebo. Ces complications incluent principalement des douleurs thoraciques, des maladies cardiaques et une insuffisance cardiaque congestive. D’autres effets secondaires fréquents ont été rapportés comme les nausées, les vertiges, la constipation et la somnolence.

« L’utilisation devrait être minimisée dans la plus grande mesure possible »

Dans leurs conclusions, les auteurs de l’étude rappellent un chiffre alarmant : environ 60 millions de personnes dans le monde subissent les effets addictifs des opioïdes. En 2019, l’usage de drogues a été responsable d’environ 600 000 décès, dont près de 80 % étaient associés aux opioïdes et environ 25 % résultaient d’une surdose d’opioïdes. Face à ces données et aux résultats de leur recherche, les scientifiques affirment que l’utilisation du Tramadol et d’autres opioïdes devrait être minimisée dans la plus grande mesure possible.

La professeure Kamila Hawthorne, présidente du Royal College of GPs (médecins généralistes britanniques), reconnaît que la douleur chronique peut être extrêmement invalidante et avoir un impact grave sur la vie des patients. Conformément à cette étude, elle confirme que le Tramadol ne s’est pas révélé utile pour la douleur chronique et que les patients peuvent souffrir de ses nombreux effets secondaires. Les médecins généralistes au Royaume-Uni ont donc été conseillés de limiter, réduire et de préférence arrêter la prescription de Tramadol pour la douleur chronique et de ne pas le prescrire aux nouveaux patients atteints de cette pathologie. Elle souligne également que le traitement de la douleur chronique reste souvent difficile car la raison sous-jacente de la douleur est souvent peu claire. Les praticiens sont encouragés à explorer des options non pharmaceutiques pour aider les patients à gérer leur douleur, même si l’accès à ces alternatives, comme les cliniques spécialisées, demeure inégal selon les régions.