Ses traits et sa voix expriment encore la fatigue liée à ses cinq jours de détention en Israël. Keffieh sur les épaules et tee-shirt « Free Palestine » sur le dos, Marie Mesmeur a fait son retour à Rennes, ce jeudi 9 octobre. Pendant une heure, la députée La France Insoumise d’Ille-et-Vilaine est revenue sur sa participation à la Global Sumud flottilla, son arrestation par l’armée israélienne et sa détention.
Début septembre, elle avait pris la mer, avec environ 470 militants de toutes nationalités, sur le Sirius, un bateau de cette flottille humanitaire composée d’une cinquantaine d’embarcations dont l’objectif était d’atteindre les côtes de Gaza. C’était du moins l’ambition affichée alors qu’aucune flottille n’avait jusqu’ici réussi à briser le blocus. Les militants voulaient-ils surtout, comme l’affirment leurs détracteurs, attirer sur eux les projecteurs afin de provoquer une réaction d’Israël ? « On avait l’espoir de réussir car cette flottille était la plus grande jamais constituée. Mais on était aussi préparé à ne pas y arriver, préparé au pire car on savait qu’Israël n’avait aucune envie qu’on atteigne Gaza ».
« 24 heures sur un bateau sans bouger, manger ni boire »
Le pire n’est pas arrivé, mais Marie Mesmeur et les membres de la flottille n’ont pas atteint Gaza. Partis de Barcelone puis de Tunis, ils ont été arraisonnés au large de l’Égypte et de la bande de Gaza, le 1er octobre 2025, de façon illégale selon les organisateurs et selon Amnesty international. « Nous avons été bombardés plus de dix fois pendant le voyage. On a été arraisonné dans les eaux internationales, à 63 km de la côte palestinienne. J’ai ensuite passé 24 heures sur un bateau sans bouger, manger ni boire », raconte l’élue bretonne.
Durant les cinq jours de détention qui ont suivi dans le désert de Neguev, elle affirme avoir subi « des humiliations », mais aussi « des violences physiques et psychologiques ». « Au port d’Ashdod, où on nous a débarqués, j’ai été balancée au sol, puis on est resté comme ça des heures, mains dans le dos ». Selon elle, les femmes, séparées des hommes en prison, étaient regroupées « à 14 dans une cellule prévue pour cinq. Il y avait des impacts de balle au plafond et sur les murs et du sang séché dans la cour. Une grande banderole avec une image de Gaza en ruines et un message « New Gaza » y était accrochée et on nous a installé deux télés qui diffusaient en boucle des images du 7 octobre ».
Des mauvais traitements « continus » selon elle
La voix étranglée, elle raconte aussi cette soirée durant laquelle elle a voulu défendre deux de ses codétenues. « Elles voulaient prendre deux matelas et ont été jetées au sol par les gardiens. Je suis intervenue mais j’ai pris des coups dont je porte encore les traces », dénonce-t-elle.
De son côté, Israël a qualifié les accusations de mauvais traitements infligés aux membres de la flottille Global Sumud de « mensonges éhontés ». « Tous les droits que la loi accorde aux personnes arrêtées sont pleinement respectés », a écrit le ministère des Affaires étrangères sur le réseau social X, le 6 octobre.
171 additional provocateurs from the Hamas–Sumud flotilla, including Greta Thunberg, were deported today from Israel to Greece and Slovakia.
The deportees are citizens of Greece, Italy, France, Ireland, Sweden, Poland, Germany, Bulgaria, Lithuania, Austria, Luxembourg, Finland,… pic.twitter.com/DqcGLOJov7
— Israel Foreign Ministry (@IsraelMFA) October 6, 2025
Marie Mesmeur, elle, affirme que les mauvais traitements ont été « continus », jusqu’à leur extradition vers la Grèce, sans possibilité d’accès à des médicaments ni de voir un avocat. « Nous avons été libérés face à la pression internationale autour d’Israël, estime-t-elle. Pour être libéré dans les 72 heures, on nous a proposé de signer un papier qui indiquait qu’on était entré illégalement sur le territoire alors que c’est faux, qu’on n’était interdit de revenir sur le sol israélien pendant 100 ans. J’ai refusé de le signer car cela aurait voulu dire que c’était un aveu de culpabilité. Or, on avait le droit avec nous ».
« On a subi un fragment de ce que vivent les Palestiniens »
Cinq jours plus tard, elle a donc été conduite jusqu’à l’aéroport, direction la Grèce. « On a su qu’on nous extradait seulement 15 minutes avant d’arriver à l’aéroport.On nous a mis dans un bus de 6h à 14h sans savoir où on allait, sans eau ni nourriture ni d’endroit où faire nos besoins. Mais on a subi un fragment de ce que vivent les Palestiniens depuis 1948».
Une fois en Europe, la députée LFI n’a pas attendu pour tirer à boulet rouge sur le gouvernement et l’accuser d’avoir « laissé tomber » les militants français. « N
ous avons été abandonnés. L’Espagne a affrété un avion militaire pour ramener ses compatriotes. Emmanuel Macron n’a pas eu un seul mot sur la flottille et le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot a parlé de nous comme des voyageurs». Selon Pascal Confavreux, porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, « l’ensemble de nos ressortissants a pu bénéficier de la protection consulaire, dès leur arrivée à la prison de Ktziot, vendredi dernier, jusqu’à leur départ vers la Grèce ».
De retour à Rennes depuis ce jeudi après-midi, après quelques jours à Paris, la députée LFI se dit aujourd’hui « politiquement combative ». « J’ai vécu cet échec car on n’a pas réussi à briser ce blocus, mais on a plus que jamais parlé de la Palestine et du génocide en cours à Gaza. Tant que la Palestine ne sera pas libre, je continuerai à lutter, on le doit au peuple palestinien. Nous retournerons à Gaza, moi ou d’autres ».