Quoi qu’on en pense, il est acquis que Cédric Jubillar n’a pas attendu longtemps après la disparition de Delphine pour nouer d’autres relations intimes. Parmi ses dernières conquêtes, deux ont joué un rôle retentissant dans l’affaire. D’abord Séverine L., 48 ans aujourd’hui, des dreads décolorées attachées en une grosse queue-de-cheval, timbre grave, « grande gueule, comme lui ». Elle a été brièvement placée en garde à vue pour « complicité de recel de cadavre » après l’épisode, « carambolesque » comme elle dit, des confidences qu’aurait faites Cédric Jubillar au repris de justice « Marco » en prison. Sa relation avec l’accusé, chez l’un ou chez l’autre, a duré du 10 avril 2021 à l’incarcération du peintre plaquiste le 18 juin suivant, et s’est poursuivie à distance jusqu’en décembre, lorsque les gendarmes ont débarqué chez elle.

Jennifer a 31 ans. Cheveux noirs, manteau noir qu’elle serre sur elle lorsqu’elle est déstabilisée, débit cotonneux, elle a préféré témoigner depuis le commissariat d’Auch, dans le Gers, où elle a toujours habité. Avant de découvrir qu’il est avec Séverine, elle débute dès le départ de l’enquête une relation « numérique » avec Cédric. Leurs conversations durent parfois toute la nuit. Ils ne se verront en chair et en os que le 9 novembre 2024, au parloir de la maison d’arrêt de Seysses. Des parloirs parfois torrides. Mais l’histoire d’amour, durant laquelle le couple parle d’avoir un bébé et même de se marier, prend fin brutalement quand au mois de juin 2025, à trois mois du procès, Jennifer révèle dans la presse que Cédric lui a avoué avoir étranglé Delphine, mimant même la clé de bras, d’abord sur lui puis sur elle.

Un pull et des messages sur les réseaux

Il y a un point commun entre ces deux femmes. Ce sont elles qui ont pris contact avec Cédric Jubillar via les réseaux sociaux. Séverine parce qu’elle était « curieuse » et participait aux recherches. Pour elle, le prétexte de la rencontre a été un pull trouvé qui, pensait-elle, pouvait contribuer à l’enquête. Jennifer a joint le mari « parce qu’il y avait des enfants petits » et qu’elle voulait « aider ».

Aujourd’hui, à l’heure de témoigner au procès pour meurtre de leur ex, tout les séparent. Séverine ne « regrette pas du tout [sa] relation avec Cédric », et, s’il lui « est arrivé d’avoir des doutes », « aux jours d’aujourd’hui », elle « pense que ce n’est pas lui ». Jennifer croit, elle, aux aveux qu’il lui a passés et on sent bien qu’elle ne veut plus entendre parler de tout ça.

Bouliste et complotisme

Séverine fait tout pour dépeindre le mari de Delphine sous un bon jour. « Ce n’est pas quelqu’un de méchant. Il s’occupait super bien de ses enfants », assure-t-elle. Mais le sang de Me Malika Chmani, un des avocats des enfants, ne fait qu’un tour. Elle lui ressort ses dépositions. Et, oui, Séverine finit par reconnaître que l’accusé pouvait se montrer très violent avec Louis et « c’est, vrai, qu’il ne cherchait pas trop sa femme ». A force de vouloir tout idéaliser et de voir revenir en boomerang ses propres déclarations, Séverine s’énerve, sombre dans le complotisme : « Faudrait quand même qu’on vérifie si c’est bien ma signature sur ces PV »… Avant même de rencontrer le mari, elle avait déjà signalé aux gendarmes un certain « Nick Chakapoum », bouliste de son état, qu’elle avait repéré sur Facebook. « Son profil a disparu quand je suis sortie de la gendarmerie », s’offusque Séverine, laissant une étrange impression. N’y tenant plus, Me Philippe Pressecq, le conseil de la cousine de Delphine, lui lâche : « Vous connaissez le syndrome de Bonnie and Clyde, l’hybristophilie ? Je pense que vous croyiez qu’il était coupable et que c’est ce qui vous attirait chez lui ! ». « Pour me mettre avec quelqu’un de coupable ? Qui a tué sa femme ? », bredouille l’ex-amante.

« C’est du grand n’importe quoi ! »

Et Jennifer alors ? Pourquoi reprendre le fil d’une relation avec un homme désormais en prison, qu’elle n’a jamais vu et qui lui a menti ? « Il me dit que c’est pour concrétiser le lien qu’on a et je me dis que depuis le temps qu’on se parle, je peux pas laisser cette relation comme ça », explique-t-elle. Elle contextualise aussi la « confession ». Les aveux seraient arrivés au fil de trois parloirs. « Il n’arrêtait pas à l’approche du procès de me dire qu’il ne voulait pas que j’y sois parce que j’allais entendre des choses horribles sur lui. « Mais, c’est toi alors ? », j’ai demandé ». Et il aurait avoué, ajoutant au fil de leur rendez-vous les détails techniques du meurtre. « C’est du grand n’importe quoi ! » réagit Cédric Jubillar. « Parce que j’ai beaucoup insisté pour qu’elle me ramène du shit. Elle a dû se trouver manipulée. Et elle s’est vengée », interprète-t-il.

Notre dossier sur l’affaire Jubillar

Alors, bombe atomique pour l’accusé ? Ou vengeance calculée ? Me Laurent Boguet, l’autre avocat des enfants, repère dans les déclarations de Jennifer des détails que seul Cédric Jubillar a pu lui confier : son égratignure au bras qu’il a expliqué être due au maniement de « plancher flottant » lors de l’examen médico-légal qu’il a subi le 16 décembre, au lendemain de la disparition par exemple. « Ce détail, elle ne peut le tenir que de la bouche de Jubillar, analyse aussi Mourad Battikh, l’avocat de proches de Delphine, en marge de l’audience. C’est la démarche d’une jeune femme qui a été attirée par un homme à un moment donné. Ce syndrome de Bonnie and Clyde l’a dépassée et aujourd’hui, elle fait marche arrière, elle se sent la responsabilité de restituer les choses qui lui ont été dites ».

L’audience de vendredi sera entièrement consacrée à l’interrogatoire de l’accusé.