Des lapins. Des petits, des gros, des moyens. Des familles de lapins comme on en voit s’égayer au printemps dans les champs, à cette nuance près qu’ici, les petits mammifères sautillants ont été figés dans la céramique, formule gigogne. Invitée à donner forme à 12 multiples, Sophie Lécuyer en a ainsi produit 48 !

La série, ou plus exactement le multiple, c’est un principe inscrit dans l’ADN de la galerie Ergastule. Une galerie associative qui défend ce qu’Hélène, l’un de ses membres, appelle « la porosité entre l’artisanat et l’art contemporain ». Avec six artistes permanents, et quelques invités en prime. Accueillis en résidence « multiple-éco ».

Dans ce cas, l’invité profite des équipements et du savoir-faire Ergastule, mais s’engage en contrepartie à créer un « objet multiple ». Un objet 12 fois reproduit.

Financement de la galerie

La moitié en revient à l’artiste et l’autre à la galerie. « Sur les six qui nous restent, on en garde un à titre de collection inaliénable, précise Hélène. Et on met en vente les cinq autres pour contribuer au financement de la structure. »

Depuis deux mois, Sophie Lécuyer s’est ainsi lancée dans une forme singulière d’élevage de lapins. En modelant des moules à terrine. Par série de quatre qui s’emboîtent du plus petit au plus grand, façon poupées russes. Et ce à douze reprises, atteignant ainsi le nombre de 48. Il y a prolifération dans l’atelier !

Animal Totem

« C’est une façon de démultiplier encore la notion de multiple, s’amuse l’artiste. Qui plus est autour d’une espèce animale réputée, elle-même, pour sa proportion à se démultiplier… »

Quant au choix du lapin, il est guidé par deux émotions contraires. L’attachement que Sophie a toujours nourri à son égard. « C’est même un peu mon animal totem. Je trouve ça hyper beau, ces grandes oreilles, hyper graphiques. »

Qu’il finisse sous forme de terrine suscite en revanche un peu moins l’émerveillement. « Il y a là quelque chose de morbide, effectivement. » Ce qu’on retrouve au mur, sur l’une de ses anciennes eaux-fortes, Trophées , où les lapins exposés après la chasse sont figés dans le sommeil de l’éternité…

Femme potiche en morceaux

Outre ses récentes réalisations céramiques, Sophie complète en effet son exposition de plusieurs réalisations passées, susceptibles d’entrer en écho avec le thème du multiple. « Ce qui est déjà dans la nature de l’estampe, de toute façon », son domaine de prédilection. « Toutes les versions sont censées y être identiques. » Sauf si l’artiste s’amuse à introduire suffisamment de variations pour mettre le personnage en mouvement.

Et Sophie ne s’en prive pas. La femme prise dans sa «  Mue  » par neuf fois semble ainsi littéralement se débattre pour se libérer de son enveloppe d’écailles. Quant à la femme «  Potiche  », elle se brise en morceaux… errants d’un tirage à l’autre. Et ce, au-dessus des lapins, justement. Qu’il faudra manier avec tout autant de précautions !

« À Foison », galerie Ergastule, 24 rue Drouin, jusqu’au 19 octobre (du vendredi au dimanche, de 14 h à 18 h et sur rendez-vous). Entrée libre.