Les derniers trains viennent d’arriver. Les derniers métros sont partis. Il est un peu plus de 1 heure du matin, dans la nuit de jeudi à vendredi, et la gare SNCF Saint-Lazare ferme ses portes. La bulle de verre et d’acier qui trône à la sortie de la station RATP du même nom a été interdite d’accès aux usagers quelques minutes plus tôt. Le parvis, sur lequel un vaste périmètre de sécurité a été délimité, est désormais désert. Les opérations peuvent commencer.

« Attention, ça décolle », lance Vincent Goleau, le président de la société yvelinoise Cleanalta, sa tablette de pilotage dans les mains. Devant lui, un drone à l’allure massive équipé d’un tube nettoyeur haute pression, relié au sol par un tuyau de 100 m de long, s’élève dans les airs en émettant un léger vrombissement. Le pilote positionne l’engin au-dessus de la « bulle » de sortie du métro… et une pluie de mousse nettoyante commence à s’abattre sur l’édicule. C’est parti pour une bonne heure de « douche » sur l’infrastructure, propriété de la RATP.

La régie a fait appel à la société Cleanalta, filiale du groupe Télépilote SAS, leader français du drone civil, pour tester une méthode inédite de nettoyage de l’emblématique entrée de métro. Une infrastructure – baptisée la Lentille par son concepteur, l’architecte Jean-Marie Charpentier – construite en 2003 lors du prolongement jusqu’à Saint-Lazare de la ligne 14 (qui a été largement agrandie depuis). Belle, design, en principe lumineuse… mais très difficile à entretenir.

Lessivage, rinçage, lustrage... Il a suffit de trois passages du drone-nettoyeur pour traiter l'intégralité de la bulle.Lessivage, rinçage, lustrage… Il a suffit de trois passages du drone-nettoyeur pour traiter l’intégralité de la bulle.

L’édifice ovoïde qui surplombe un puit de lumière plongeant à 25 m sous terre culmine en effet à 4 mètres. Impossible d’atteindre les panneaux de verre les plus hauts depuis le sol… et pas question de marcher dessus sous peine de les endommager.

« Pour le nettoyage de la Lentille, que l’on doit effectuer une à deux fois par an, on fait donc appel à des prestataires qui mettent en place des échafaudages ou utilisent une nacelle d’où interviennent des cordistes », résume Gil Riemerschneider, responsable de la coordination des projets dans les espaces ferroviaires de la RATP.

Problème : ces opérations, qui nécessitent la fermeture de la principale sortie d’une station où se croisent 4 lignes de métro dont la 13 et la 14 (les plus chargées), ne peuvent être effectuées que la nuit, durant les quelques heures de fermeture du réseau aux voyageurs.

« Compte tenu du temps de mise en oeuvre et de démontage du chantier, ça laisse peu de temps pour le nettoyage en lui-même qui doit être étalé sur plusieurs nuits », rappelle le responsable des projets RATP, en soulignant qu’il a cherché des solutions technologiques moins chronophages, moins onéreuses et plus simples que le recours à des nacelles et des cordistes pour nettoyer la Lentille de Saint-Lazare. « Celle de Cleanalta nous paraît la plus aboutie », estime-t-il.

« En 1 ou 2 heures, c’est réglé »

« A Paris, dont le survol est interdit, il y a une petite difficulté supplémentaire. On doit demander une autorisation à la préfecture de police et leur fournir notre protocole d’intervention », reprend Vincent Goleau. « Mais à part ça, notre technologie, sans contact avec les bâtiments, est effectivement simple à mettre en œuvre. On a un camion qui comprend un compresseur, une chaudière pour l’eau de rinçage, des cuves… On sort le drone, on nettoie, on range notre matériel et on repart. En 1 ou 2 heures, c’est réglé », explique le pilote de drone entre deux de ses trois « vols » de la nuit. Le premier pour asperger la mousse nettoyante, le deuxième pour rincer la bulle à l’eau claire, le troisième pour la « lustrer » à l’eau déionnisée.

A bonne distance de la bulle sur laquelle le drone projette une eau à 250 bars de pression, Gil Riemerschneider, l’œil de la RATP, observe l’opération dans ses moindres détails. « Pour l’instant, ce n’est qu’une expérimentation », s’empresse-t-il de préciser. « Comme pour toutes les innovations technologiques que l’on teste, on va d’abord voir si c’est efficace, si la qualité est au rendez-vous… avant de l’adopter pour nettoyer d’autres de nos infrastructures difficiles d’accès », conclut-il en énumérant les sites qui pourraient être nettoyés par les airs. De la nouvelle station aérienne de Coteaux-Beauclair, sur l’extension de la ligne 11, aux nouvelles gares de la ligne 14 sud et de leurs verrières monumentales.