Près de cinq ans après la mort de Christophe Dominici, la justice se penche sur les zones d’ombre entourant le projet avorté de rachat du club de Béziers. À la demande de sa veuve, Loretta Denaro, une enquête pénale pour abus de faiblesse a été ouverte. En toile de fond : des soupçons de manipulation autour de l’ex-star du XV de France, fragilisé au moment des faits, et utilisé comme figure de proue d’un projet jugé opaque.

Enquête pénale pour abus de faiblesse, procédure au civil pour dommages et intérêts : à la demande de sa veuve, la justice cherche à savoir si l’ex-star du XV de France Christophe Dominici, disparu en 2020, n’aurait pas été manipulé dans le rachat avorté du club de Béziers en 2020.

C’est à Paris mi-septembre que l’enquête au pénal a véritablement démarré entre les murs de la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA). Et c’est à Clermont-Ferrand, au premier trimestre 2026, que devrait être tranché le volet civil, selon les avocats du clan Dominici.

Pourquoi tous ces mouvements judiciaires, près de cinq ans après la disparition de l’ex-international ? Pour rappel, le corps de la star du rugby, alors âgé de 48 ans, avait été retrouvé fin novembre 2020 en contrebas d’un muret bordant une route montant vers l’entrée du parc de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Sa veuve, Loretta Denaro, explique à l’AFP qu’elle ne veut pas « qu’il y ait d’autres personnes qui puissent être mises en détresse », confiant que « s’il n’y avait pas eu ce feuilleton de Béziers, Christophe serait encore là ». Et d’ajouter, pour entrer dans le vif du sujet, que l’ex-star du rugby « connaissait beaucoup de monde, et donc, intéressait les gens derrière Sotaco pour en escroquer d’autres ».

Sotaco, société incarnée par les hommes d’affaires Samir Ben Romdhane et Philippe Baillard, portait le projet de rachat du club de rugby de Béziers, au nom d’investisseurs étrangers, dont Christophe Dominici était la vitrine médiatique.

« Nobody »

L’opération avait été stoppée en juillet 2020 par le gendarme financier du rugby, faute de garanties suffisantes de Sotaco. Cinq ans plus tard, la justice va examiner ce dossier sous plusieurs angles. Le parquet de Paris a confirmé à l’AFP avoir été saisi le 23 décembre 2024 par Mme Denaro, qui a porté plainte pour faux, usage de faux, tentative d’escroquerie et abus de faiblesse contre X, aux dépens de Christophe Dominici.

L’ex-compagne du sportif a donc été entendue le 16 septembre pendant plusieurs heures par la BRDA, selon une source proche du dossier, confirmant Le Figaro. Mme Denaro vise ceux qui ont essayé de profiter de l’aura, et aussi de l’argent, de son ex-compagnon. Elle assure ainsi avoir évité de justesse que Christophe Dominici ne verse 327.000 euros à Sotaco, société qui disait avoir du mal à débloquer des fonds.

« On s’est renseigné aux Emirats pour savoir si M. Romdhane était connu : on nous a dit, en gros, c’est un « nobody » (personne) », explique à l’AFP Me Frédéric Simon, avocat du club de Béziers, pour qui M. Dominici, « fragile, a été manipulé ». Le rugbyman avait confié dans un livre en 2007 ses épisodes de mal-être ou de dépression. –

« Fautes professionnelles »

 M. Baillard, qui se présente comme chargé « d’intermédiation » à l’époque du projet de rachat, a indiqué à l’AFP « porter plainte pour dénonciation calomnieuse » en riposte à la plainte de Mme Denaro. M. Ben Romdhane « est résident à Abou Dhabi (Emirats arabes unis), il se réserve le droit de porter plainte pour diffamation contre Loretta et tous ceux qui l’ont diffamé », a répondu de son côté par écrit Sotaco, contactée par l’AFP, conseillant de « joindre son avocat Thierry Braillard ».

Me Braillard n’a répondu à l’AFP que sur un autre volet, une procédure qui le vise au civil, déclenchée par les ayants droit de Christophe Dominici. « Dans le dossier de la reprise du club de rugby de Béziers, je n’ai fait que mon travail dans l’intérêt de la société Sotaco », a rétorqué Me Braillard, également ancien secrétaire d’Etat aux Sports en 2017.

Me Jean-Hubert Portejoie, un des avocats de Mme Denaro dans une procédure distincte au civil, accuse donc, comme il le mentionne à l’AFP, Me Braillard de « fautes professionnelles en tant qu’avocat » et sollicite « plus de 3,5 millions d’euros de dommages et intérêts ». Me Braillard indique aussi avoir « fait une demande de dommages et intérêts pour faire condamner » Mme Denaro pour « préjudice » en « termes d’images ».