Longtemps conservée en collection privée et présentée pour la première fois depuis 40 ans, « Danse bretonne » de Paul Gauguin sera proposée aux enchères le 9 décembre, avec une estimation comprise entre 500 000 et 700 000 euros.
Redécouverte majeure d’un chef-d’œuvre de la période bretonne de Paul Gauguin (1848-1903), Danse bretonne sera mise en vente par Artcurial lors de la session « Impressioniste & Moderne » du mardi 9 décembre à Paris. Réalisée en 1889, l’œuvre condense toute l’essence postimpressioniste de Gauguin sur la vie rurale. À l’abri des regards pendant plus de 40 ans, la peinture réapparaît aujourd’hui sur le marché, estimée entre 500 000 et 700 000 euros. Elle sera exposée en avant-première chez Artcurial pendant la semaine d’Art Basel Paris.
Une scène en mouvement
À la manière d’une frise horizontale, Danse bretonne s’étire sur plus 80 centimètres. La composition se lit de gauche à droite, comme un théâtre rural divisé en deux temps : d’un côté, une joyeuse farandole de villageois se tenant par la main, de l’autre, une scène plus apaisée, où une paysanne chemine avec ses animaux, un cochon et un troupeau d’oies. Au centre, deux musiciens, assis de dos, marquent la transition entre les deux parties. Avec ses aplats puissants et son horizon d’un jaune vibrant, ce panneau exprime tout l’éclat du coloris de Gauguin.
Paul Gauguin, Danse bretonne, 1889, huile sur panneau, 20,50 x 84,70 cm. Estimation : 500 000 – 700 000 € © Artcurial
Gauguin et la Bretagne
« Cette petite scène pleine d’esprit et de rythme nous replonge à l’époque où Paul Gauguin était en Bretagne », souligne Bruno Jaubert, directeur du département Impressionniste & Moderne d’Artcurial. À la fin des années 1880, las des tumultes parisiens, Gauguin s’exile à Pont-Aven, un village breton déjà prisé par de nombreux artistes. C’est durant son séjour que l’artiste se libère peu à peu des canons impressionnistes.
Paul Gauguin, La vision après le sermon, 1888, huile sur toile, 71,2 x 91 cm, Galeries nationales d’Écosse © Wikimedia / Galeries nationales d’Écosse
Entouré d’un cercle d’amis peintres, il élabore les fondements du synthétisme, un langage pictural nouveau, entre l’impressionnisme et le cloisonnisme, comme dans son œuvre emblématique La vision après le sermon (1888). Danse bretonne incarne pleinement ce basculement et témoigne de l’attache de Gauguin au paysage et au folklore breton.
Une redécouverte tardive
Élément du décor réalisé par Gauguin et ses compagnons Charles Filiger et Meyer de Haan pour l’auberge de Marie Henry au Pouldu, le panneau ornait le linteau de la cheminée. Danse bretonne fut par la suite exposée consécutivement à Paris, chez Barbazange en 1919, puis à New York, chez Zayas, l’année suivante, avant d’intégrer des collections privées où elle resta plus de 40 ans. Une grande partie du reste de la collection Marie Henry fut, quant à elle, placée dans de nombreuses institutions culturelles, tel que le tableau L’Oie de Gauguin (1889), qui a rejoint le Musée des Beaux-Arts de Quimper.
Paul Gauguin, L’Oie, 1889, huile sur plâtre, 61 x 79 cm, Musée des Beaux-Arts de Quimper © Wikimedia / Musée des Beaux-Arts de Quimper
L’histoire ne s’arrête pas là : près d’un siècle après sa réalisation, deux historiens de l’art ont contesté son attribution à Gauguin. En 1983, le panneau est de nouveau exposé à New York, cette fois chez Wildenstein, comme une œuvre de Paul Sérusier (1864-1927). Cette erreur sera ensuite relayée par plusieurs publications avant d’être rectifiée.
Une opportunité unique pour les collectionneurs
Ce n’est qu’en 2020, à l’issue d’un méticuleux travail d’analyses techniques et de recherches historiques, que le Comité Paul Gauguin de Wildenstein Plattner Institute a confirmé définitivement l’authenticité du panneau.
Dance bretonne est un témoignage de l’attachement que portait Gauguin à un territoire et une culture, ici la Bretagne © Artcurial
Présentée aux enchères le 9 décembre prochain, l’œuvre est aujourd’hui estimée entre 500 000 et 700 000 euros. C’est une occasion rare pour les collectionneurs de s’emparer d’une œuvre significative et redécouverte de Gauguin, représentant pleinement l’effervescence de sa période bretonne, moment charnière de sa carrière et prélude à ses années tahitiennes et marquisiennes.
A Paul Gauguin Tahitian Masterpiece Comes to Auction in Paris