Le rapport au Parlement des exportations de biens à double usage 2024 révèle une augmentation des autorisations accordées par rapport à l’année précédente, ainsi qu’une hausse des licences à destination de la Russie – en quasi-totalité pour le nucléaire civil.

Ce sont des drones de loisirs modifiés pour transporter des charges explosives, des souches virales qui peuvent être transformées en armes biologiques, des technologies de cybersurveillance ou encore des fibres de carbone pour clubs de golf qui vont servir à des pales d’hélicoptères…

Les biens à double usage font l’objet d’autorisations pour être exportés, et ces exportations ont explosé en 2024. Selon le rapport de la Direction générale des entreprises (DGE) remis au Parlement le 6 octobre, en 2024, la France a accordé 3.407 autorisations d’exportation de ces biens à double usage, représentant un total cumulé de 15,7 milliards d’euros – une somme en augmentation de 41% par rapport à l’année précédente, qui était elle-même en hausse de 26% par rapport à 2022.

Interrogé sur le sujet lors d’une audition parlementaire en février 2025, le ministre délégué chargé de l’Industrie de l’époque, Marc Ferracci, avait déclaré que les PME et les très petites entreprises représentaient la moitié des 590 exportateurs de biens à double usage. Et ce sont les domaines du nucléaire, de l’aéronautique et du spatial qui tirent ces exportations, avec une part prépondérante pour le nucléaire, qui représente 48% des autorisations d’exportation, selon Marc Ferracci. Le trio de tête des pays importateurs de ces biens à double usage français comprend la Chine (6,1 milliards d’euros), la Corée du Sud (2,2 milliards d’euros) et les États-Unis (1,8 milliard d’euros).

Du nucléaire pour la Russie

Fait notable, les autorisations d’exportation vers la Russie ont plus que triplé entre 2023 et 2024: elles sont passées de 62,1 millions à 205,6 millions en 2024, après avoir chuté de 90% entre 2021 et 2023. Ces autorisations d’exportations de biens à double usage « relèvent exclusivement du secteur nucléaire civil, pour lequel le régime européen de sanctions vers la Russie prévoit notamment une dérogation relative à l’exploitation, l’entretien, le retraitement du combustible et la sûreté des capacités nucléaires », précise le rapport.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, l’Union européenne a en effet imposé plusieurs salves de sanctions économiques à la Russie: au total, les interdictions d’exportations vers la Russie représentent plus de 48 milliards d’euros, tandis que l’interdiction touchant les importations de biens russes se monte à 91,2 milliards d’euros, indique la Commission européenne. Le propre des biens à double usage, c’est justement leur propension à pouvoir être utilisés aussi bien dans le civil que le militaire, « y compris tous les biens qui peuvent intervenir de quelque manière que ce soit dans la fabrication d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs », précise un règlement européen en la matière.

Or, si les exportations en matière de nucléaire civil vers la Russie sont relativement peu importantes en matière de volume financier, elles représentent tout de même un défi en matière de suivi, notamment au vu des risques de détournement de l’usage initial et aussi de réexportations vers des pays tiers. Le rapport au Parlement de la DGE évoque « une vigilance accrue » en amont, ainsi qu’une « analyse systémique des contournement suspectés » post-vente.