Goûtez le vin comme à Rome et à Athènes
Le vin et la philosophie sont de vieux compagnons. À Rome, à Athènes, boire le vin en philosophant était un signe de civilisation. Brice de Beaudrap renoue avec cette tradition de façon originale. Sa pratique de la philosophie et sa culture du vin lui ont fait saisir la similitude entre les deux disciplines. La connaissance du vin apporte des réponses aux questions que l’homme se pose sur lui-même. L’auteur établit ainsi 42 analogies qui mettent en relation les expériences et les interrogations du dégustateur avec un point de philosophie. Chacune fait l’objet d’un développement prolongé, pour pousser plus loin la réflexion, par un court texte plus difficile d’accès, extrait de l’œuvre d’Aristote ou de saint Thomas d’Aquin, le plus aristotélicien des théologiens chrétiens. Dans cet essai réjouissant, l’auteur nous apprend à savourer notre pensée : « Puisse cet ouvrage, dit-il, être ce que le verre est à la dégustation, à savoir ce qui met en bouquet un vin – ici une pensée – qui mérite d’être dégustée ! ». Il y parvient magistralement. Paul Claudel affirmait que le vin était professeur de goût, Brice de Beaudrap nous fait comprendre qu’il est aussi professeur de philosophie. Si la dégustation satisfait les sens, elle s’adresse aussi à l’esprit.
Légère dégustation philosophique : Grands crus, grands textes
Brice de Beaudrap, Salvator 2025, 15,90 euros
Les jeux de mains de Krug et Peyrus
Dorian Chauvet est neurochirurgien. Il sait mieux que quiconque combien la main, selon la formule d’Aristote, est « l’instrument des instruments », douée d’une finesse que nulle machine ne concurrence. Il a fait appel, pour en témoigner, à une pléiade d’auteurs, du boulanger qui pétrit la pâte au chef d’orchestre qui agite la baguette. Parmi eux, trois hommes du vin : le Bordelais Loïc Pasquet, le Champenois Olivier Krug et le Languedocien Christophe Peyrus. Celui-ci explique que c’est avec les mains qui tiennent les outils que le vigneron crée le vin qu’il a en tête. Le travail des mains ne laisse aucune place au laisser-aller. Une erreur dans les gestes et tout est compromis. C’est la grande leçon que les mains donnent à l’esprit. Un livre captivant illustré par des dessins qui mettent en scène le langage des mains.
Histoires de nos mains – En quatre-vingt-dix portraits étonnés
Ouvrage collectif sous la direction de Dorian Chauvet, Le cherche midi, 24,50 euros
À lire ou à relire…Le fer dans la plaie
Pierre-Marie Doutrelant fut le meilleur critique de vin français des années 1970-1980. Il n’avait pas son pareil pour porter le fer dans la plaie. “Les bons vins et les autres” est un livre sans concession. L’auteur égratigne les bigots qui idolâtrent le monde du vin ainsi que les pouvoirs publics qui encouragent le productivisme. Toutes les régions viticoles sont passées au crible de sa critique. Il ne craint pas de s’attaquer aux mythes, dénonçant, par exemple, le champagne-business, l’antagonisme entre le Médoc et Saint-Émilion ou encore le fractionnement excessif du vignoble bourguignon qui le rend difficilement lisible. Il est également sans pitié pour certaines pratiques qui privilégient la technique aux dépens de l’intuition : « Lorsque l’œnologue supplanta le maître de chai, la technicité tua le génie ». Parions qu’aujourd’hui, Pierre-Marie Doutrelant trouverait de nouvelles raisons d’exercer sa verve caustique. Contre les ayatollahs de l’hygiénisme, il nous rappellerait que : « Quand le vin est bon, nous ne connaissons qu’une manière de lui faire nos dévotions, c’est lever le coude ».
Les bons vins et les autres
Pierre-Marie Doutrelant, éditions du Seuil, 7 à 10 euros sur les sites de livres d’occasion