Dans le milieu du trafic de drogues, on les baptise les « jobbeurs ». Derrière l’anglicisme, utilisé pour désigner cette armée visible de petites mains venue de tout le pays pour vendre des stupéfiants à Rennes (Ille-et-Vilaine), pointent les profils de deux Tourangeaux mis en examen dans le sillage des fusillades du 17 avril 2025.

Débarqués d’Indre-et-Loire, appâtés par la promesse de « salaires » plus généreux, ces jeunes hommes âgés de 22 et 23 ans ont été mis en examen respectivement pour « tentative de meurtre en bande organisée » et « association de malfaiteurs en vue de commettre un crime ». Originaires de La Riche et de Tours, ils ont été incarcérés après leur présentation à un juge d’instruction.

Grosses quantités et armes lourdes

D’après des éléments concordants, ils avaient rejoint la capitale bretonne en début d’année pour un poste de « charbonneur » ou de « chouf » (1), affectés dans les cités de l’ouest de Rennes. À l’heure de publier ces lignes, un seul des deux aurait reconnu sa présence sur les lieux de la fusillade, jeudi.

Sans bornage ni ADN, l’enquête n’a pour le moment pas permis d’aboutir à des certitudes. Le signe d’une expédition minutieusement préparée, mise à exécution par des silhouettes encagoulées et gantées. « Ce sont des délinquants déjà intégrés au trafic de stupéfiants, attirés par l’idée d’évoluer sur un marché par lequel transitent de grosses quantités de drogue et où l’on n’hésite pas à sortir des armes lourdes pour conserver sa part de territoire », explique un observateur averti.

On ignore si l’argument a pesé dans la candidature des deux Tourangeaux, qui auraient été recrutés par le truchement des réseaux sociaux et le bouche-à-oreille. Leur profil validé, ils étaient ensuite dirigés vers des appartements mis à disposition pour le trafic local, le temps de leur « mission ». Une expérience précaire aux yeux du duo, qui s’imaginait en « intérimaire » avant un retour en Indre-et-Loire.

Douze mentions à deux

C’est dans un de ces logements décrits par les enquêteurs comme « conspiratifs », que les deux suspects ont été découverts dans la soirée de jeudi. L’adresse avait été confirmée au service de police judiciaire rennais après qu’un premier suspect avait été arrêté plus tôt à proximité d’un véhicule en flammes : le SUV gris aurait servi à l’expédition punitive menée plus tôt dans un fast-food du quartier Villejean-Beauregard.

D’après un communiqué diffusé mardi 22 avril 2025 à la presse par le procureur de Rennes, Frédéric Teillet, les deux hommes « sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d’individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy [dans l’ouest de la ville], depuis le mois de janvier ».

Selon les éléments communiqués par le magistrat du parquet, « après plusieurs jours d’assauts violents, ce clan a été évincé par le groupe des Villejeannais, qui a repris possession du terrain qu’il estimait être le sien ». Quatre personnes avaient été blessées, dont trois par arme à feu.

Dans ce contexte de lutte pour un territoire et de règlement de compte lié au narcotrafic, une source proche de l’enquête indique à La Nouvelle République que les deux suspects tourangeaux cumulent à eux deux une douzaine de mentions. Pour le plus jeune des deux, l’encre n’est pas encore sèche sur son casier judiciaire, noirci de neuf condamnations, essentiellement pour des violences et sa participation au trafic de stupéfiants.

(1) Revendeur de drogues au détail et guetteur.