Quelques jours après la sortie de son premier album, la chanteuse Miki, annoncée comme la future championne de la scène française, foulait hier la scène de l’Olympia. Et livrait un concert touchant et plutôt convaincant.

Miki sur la scène de l’Olympia le 10 octobre 2025.

Miki sur la scène de l’Olympia le 10 octobre 2025. Charlotte Mabille-Lamy / DALLE aprf

Par Johanna Seban

Publié le 11 octobre 2025 à 10h56

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Est-ce parce qu’elle est annoncée depuis des mois comme la future reine de la scène française que la chanteuse Miki divise autant ? Il y a ceux, d’un côté, qui prédisent à la jeune femme le succès commercial d’Angèle, dont, pour ne rien arranger au raccourci, elle partage le label et l’équipe artistique. Et puis il y a, en face, une armée de détracteurs, comme souvent virulente sur le Net, qui voit dans la proposition – image débraillée mais ultra-travaillée, vidéos taillées pour faire le buzz – la marque d’une cynique stratégie marketing.Pour leur répondre, Miki a publié il y a quelques jours un premier album baptisé Industry Plant, surnom donné aux artistes fabriqués de toutes pièces par l’industrie musicale… Pied de nez, vraiment ? Ou preuve supplémentaire que le projet repose sur une communication bien ficelée ? Son passage hier, sur la scène de l’Olympia à Paris, donnait l’occasion de trancher.

Premier constat une fois franchie la porte de la salle du boulevard des Capucines : nous ne sommes ni les seuls – le lieu est plein à craquer – ni les plus jeunes à avoir répondu à l’appel. Une grande partie des fans de Miki n’a pas encore passé son bac. Coïncidence ? La jeune femme, sur les premiers morceaux, donne aussi l’impression de passer un examen, entamant son set avec le timide Yes et ses paroles en forme d’aveu. « Je vomis tous les mots qu’on dit sur moi sur Internet […] Yes, bien sûr que ça me blesse. »

Une armée de fans (et d’oreilles de lapins)

Il faudra quelques titres pour qu’elle prenne ses aises. Entourée de deux musiciens (un batteur et un second partenaire-couteau suisse, qui passe de la guitare à la basse selon les chansons), Miki enchaîne ses morceaux, pour la plupart très, voire un peu trop courts, qu’une armée de fans reprend en chœur comme si leur vie en dépendait, les accompagnant d’attitudes mystérieuses – certains portent des oreilles de lapin, possible référence au titre Roger Rabbit, d’autres, collégialement, exhibent des feuilles en papier… Ce qu’on comprend d’emblée, en revanche, c’est qu’il nous sera difficile de cataloguer la chanteuse : ses compositions empruntent aux codes pop, rap et electro sans jamais vraiment choisir, avec un art de brouiller les pistes typique de sa génération.

Cet éclectisme, sa propriétaire le doit en partie à son parcours. Née à Nice d’une mère coréenne et d’un père français, Miki a grandi au Luxembourg où elle a pratiqué pendant des années le violon et le piano jazz. Partie étudier à Londres, elle a finalement découvert les musiques électroniques. Résultat : son répertoire oscille entre une pop taillée pour le grand public et des échappées électroniques plus rugueuses. Sur scène, la chanteuse prolonge le grand écart, n’hésitant pas à citer la figure new-yorkaise pointue de l’electro Oneohtrix Point Never dans une chanson, pour enchaîner, seule au piano, avec le tube planétaire Tom’s Dinner de Suzanne Vega.

Pop joueuse et formules choc

Si l’enveloppe musicale est pop et joueuse, le propos reste sombre. Avant d’être confiées à une poignée de producteurs, les compositions de Miki sont nées dans sa tête, d’un imaginaire qu’elle situe au carrefour « du naïf et du malsain » et qu’on géolocaliserait pour notre part au croisement de l’intime et de l’air du temps. La toxicité des réseaux sociaux, les mains baladeuses d’un ancien prof de sport, les amours contemporaines bancales, tout y passe…

Cela suffit-il à séduire ? Plutôt. Certes, il y a, sur album comme sur scène, de quoi alimenter le courroux de ses adversaires : un maniérisme dans la voix, des bandes instrumentales qui semblent s’échapper des amplis ainsi qu’une débauche de formules choc qui frise le systématisme. Mais l’énergie déployée par la chanteuse est contagieuse et certains de ses morceaux, irrésistibles (le trouble Roger Rabbit, comme si l’Aigle noir de Barbara était passé chez Disney, la déclaration bricolée de jtm encore, la balade Hana One ou les impeccables Particule et Échec et mat). L’ensemble, quoiqu’encore fragile, reste d’autant plus prometteur que Miki le fait fonctionner sans les artifices en vogue dans bon nombre de shows contemporains (nul changement de costume, nulle pyrotechnie inutile). De quoi, s’il faut choisir un camp, opter pour celui de ses supporters.

Album Industry Plant (Structure)

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