ÉTATS-UNIS – De quoi inquiéter encore plus les personnes LGBTQ+ aux États-Unis. La Cour suprême a étudié ce mardi 7 octobre le cas des « thérapies de conversion » pour les mineurs, qu’elle pourrait réautoriser à l’échelle nationale. Ces « traitements », qui ont pour objectif de changer l’identité de genre ou l’orientation sexuelle des patients, sont évidemment controversés puisqu’il n’y a rien à « soigner ». Ils sont même interdits en France depuis 2022, mais aussi dans plusieurs États américains… pour le moment du moins.

Tout part du cas de Kaley Chiles, une thérapeute en psychologie qui exerce dans le Colorado. La justice américaine a rejeté à deux reprises la requête de cette chrétienne évangélique, qui conteste l’interdiction des thérapies de conversion dans cet État au nom de la « liberté d’expression ». Au gré des contestations en appel, son dossier a fini par atterrir devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays à majorité conservatrice, qui rendra sa décision d’ici la fin juin 2026.

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La soignante veut la suspension d’une loi de 2019 qui interdit aux thérapeutes du Colorado de conseiller à un mineur de « changer son expression de genre » ou « d’éliminer ou réduire son attirance […] envers des personnes du même sexe ». Cette loi va dans le sens d’un rapport de 2020 de l’expert indépendant de l’ONU sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, qui décrivait les thérapies de conversion comme « intrinsèquement discriminatoires, cruelles, inhumaines et dégradantes ».

Ces « thérapies » sont aussi contestées par les professionnels de santé, comme en témoigne le rapport adressé à la Cour suprême par plusieurs organisations dont l’Association américaine de psychologie. Elles appellent les soignants à « aider les minorités à faire face à la stigmatisation » et font un constat sans appel : non seulement « les thérapies de conversion sont inefficaces », mais elles exposent aussi les patients à « un risque considérable de dommages psychologiques ».

Une défense du droit d’« éliminer » certaines attirances sexuelles

Ces arguments ne convainquent visiblement pas Kaley Chiles, qui a appris la psychologie au Séminaire de Denver, une institution conservatrice proposant sur son site plus de formations théologiques que psychologiques.

Citée par le New York Times, Kaley Chiles assure qu’elle ne cherche pas à « guérir » ou « changer » l’orientation sexuelle de ses patients et affirme qu’elle veut juste les aider à atteindre leurs « objectifs »… parmi lesquels peuvent figurer « la réduction ou l’élimination des attirances sexuelles indésirables ». Le cas de cette thérapeute peut sembler anecdotique, mais il a une importance nationale.

Si la Cour suprême juge inconstitutionnelle la loi du Colorado sur les thérapies de conversion, sa décision sans appel s’appliquera à toutes les lois du même genre dans l’ensemble des États-Unis. D’après le média Axios, les thérapies de conversion sont « partiellement » interdites dans 5 États et complètement dans 23 autres (auxquels s’ajoute le district de Columbia). Autant de législations qui protègent les personnes LGBTQ+, mais sont à la merci de la Cour suprême.

Les conservateurs ont la main sur la Cour suprême

Les associations et les spécialistes ne sont pas très optimistes, à l’image d’Hugo Bouvard, enseignant chercheur à l’université Paris-Cité interrogé par Le HuffPost. Spécialiste de la politique américaine, il estime qu’« il n’y a pas grand-chose à attendre de la Cour suprême en matière de protection des personnes LGBTQ+ », puisque six juges sur neuf ont été nommés par des présidents républicains et « adoptent une posture très conservatrice sur les questions de genre et de sexualité ».

La Cour suprême a ainsi remis en question en 2022 le droit fédéral à l’IVG et en juin dernier, les six juges conservateurs ont confirmé une loi du Tennessee interdisant aux mineurs les soins liés à la transition de genre. Une décision qui a impacté les droits des personnes trans dans plus d’une vingtaine d’autres États, avait alors relevé la BBC. « Il n’y a pas de signaux positifs quant aux décisions à venir sur ces sujets », résume Hugo Bouvard.

La situation est à l’avantage des conservateurs américains, qui ont volé aux secours de Kaley Chiles pour permettre la réintroduction des thérapies de conversion. La thérapeute est représentée par l’Alliance Defending Freedom (ADF), une puissante organisation chrétienne coutumière des actions en justice pour contester des lois sur les droits LGBTQ+, mais aussi sur l’IVG ou le remboursement des contraceptifs.

Des droits LGBTQ+ toujours plus fragilisés

Sincère ou non, la procédure entamée par Kaley Chiles pourrait avoir un réel impact sur les personnes LGBTQ+, d’autant plus que « leurs droits, et en premier lieu ceux des personnes trans, sont remis en cause aux États-Unis depuis près de dix ans », selon Hugo Bouvard. Auprès du HuffPost, l’enseignant-chercheur cite les lois mises en place dans certains États pour « forcer les personnes trans à se rendre dans les toilettes qui correspondent au sexe qui leur a été assigné à la naissance », ou encore celles qui interdisent de mentionner l’homosexualité ou la transidentité à l’école.

« Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, tous ces phénomènes se sont amplifiés et, surtout, ont reçu le soutien du gouvernement fédéral », poursuit Hugo Bouvard, pointant que les personnes trans ont été « effacées des documents et sites internet officiels » et « exclues de l’armée américaine », comme lors du premier mandat du républicain à la Maison-Blanche. Dans ce contexte, un retour en force des thérapies de conversion porterait un coup sévère aux droits déjà fragiles des personnes LGBTQ+.

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