Que reste-t-il de l’interprète des Marchés de Provence, Je reviens te chercher ou bien encore Et maintenant à Toulon ? Peu, voire plus rien. Tout juste une plaque, rue d’Antrechaus, vient, elle, rappeler que le chanteur que l’on surnommait « Monsieur 100 000 volts » est bien né ici et a vécu ici pendant neuf ans. Mais sinon, rien dans la ville ne vient rappeler que l’homme aux cravates à pois et aux pianos inclinés est un enfant de la rade.

Quand Bécaud est à Toulon

Jean-Pierre Pasqualini, directeur des programmes pour la chaîne Melody et qui a interviewé Bécaud à la fin de sa vie, explique pourquoi ce dernier ne parlait pas trop de sa ville natale : « Quand Line Renaud vient d’une petite ville comme Armentières dans le nord de la France, c’est facile de devenir l’ambassadrice nationale de cette dernière. Mais Bécaud vient d’une plus grande ville, c’est difficile de s’autoproclamer son ambassadeur alors que d’autres chanteurs comme Mayol ou la famille Sardou sont passés avant. »

Lors d’un entretien sur sa péniche Aran à Paris, Bécaud apprend que Pasqualini était de Marseille. Deux sudistes à la capitale ! Et, en lui montrant la Seine, il lui dit : « Regarde ça, ce n’est peut-être pas notre port de Toulon, mais c’est pas mal non plus ! ». Encore un signe qu’il était attaché à sa bonne vieille rade !

Pour le chanteur toulonnais Pierre Béloni, il ne fait aucun doute que le nom de Bécaud doit revenir dans les mémoires toulonnaises : « On a mis Raimu au centre des hommages avec des statues et des fresques. Mayol a le stade et le centre commercial, mais Bécaud n’a rien. »

Dans ses spectacles, Béloni reprend son répertoire car il souhaite rappeler aux Toulonnais que l’homme derrière Et maintenant était l’un des leurs. « Je reprends sa silhouette avec un costume bleu et une cravate à pois, mais je garde ma voix. C’est un clin d’œil, pas de l’imitation », explique-t-il.

Des actions culturelles à mener dans la ville

Dans les archives de l’association Les amis du vieux Toulon, seuls subsistent des coupures de presse datant de la mort du chanteur.

« On aurait aimé en avoir plus, c’était un symbole pour la jeunesse de l’époque comme Johnny Hallyday, regrette Jean Michel Delcourte, son président. Je pense qu’on aurait pu organiser un festival de musique portant son nom, ça l’aurait remis un peu en avant dans son pays. Même donner son nom à une rue aurait été pertinent. »

Pour la Ville, « l’occasion ne s’est pas présentée »

Mais pour la Ville de Toulon, nommer une rue à son nom n’est pas possible pour l’instant. « L’occasion ne s’est pas présentée et il faut faire attention à quelle personnalité on la donne, explique Yann Tainguy, adjoint au maire délégué aux affaires culturelles. Nous devons avoir l’aval des descendants et que les citoyens fassent une demande. »

En effet, la nomination ou la modification d’un nom de rue émane d’abord d’une proposition, souvent associative ou citoyenne. Celle-ci est ensuite étudiée par une commission municipale, avant un vote en conseil.

Pourtant, le nom du chanteur revient régulièrement avec celui de Mireille Darc dans les suggestions. Une réhabilitation du chanteur varois est donc toujours possible.

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« Papa avait son jardin secret »

Emily Bécaud, la fille du chanteur, regrette elle aussi, qu’il n’y ait pas plus de reconnaissance de la part de la commune : « J’apporterai mon soutien si la Ville veux donner un jour le nom de mon papa à une rue. Il n’est pas assez représenté de nos jours, tant à la radio qu’à la télévision. Chaque événement organisé en son honneur me permet de me reconnecter avec lui d’une façon ou d’une autre. »

Son père ne lui parlait pas de son enfance : « Je savais qu’il était entré dans la Résistance dans sa jeunesse et, comme tous les résistants, on lui a appris l’art de se taire, de ne pas parler. Je pense que c’est peut-être dû à cette omerta que papa ne parlait pas de son enfance. »

En 1993 paraît l’album Une vie comme un roman enregistré à Los Angeles avec, entre autres, la chanson Quand t’es petit dans le Midi dans laquelle il écrit : « Tu chantes avant de dire maman, et avant de parler, tu mens. Et tes colères magistrales te viennent tout droit du mistral. » Chanson autobiographique et qui permet d’en savoir un peu plus sur cet homme qui n’aimait pas parler de lui au passé. « Papa avait son jardin secret, mais cette chanson est, je pense, le meilleur moyen d’en savoir plus sur son enfance toulonnaise. Toutes les clefs de sa vie sont là, au soleil du Midi. »

Un spectacle hommage en 2026

Depuis 2022, c’est elle, épaulé par sa mère, qui gère les droits moraux de l’œuvre de son père alorsd que la société de production Nouvelles éditions Rideau rouge, qu’il avait créée de son vivant, est gérée par Laurent Balandras.

Le jeune François Silly, qui apprenait la musique à Nice et qui vivait à Toulon, était à mille lieues de savoir qu’il allait devenir le grand Gilbert. Celui qui cassait les pianos, a fait soulever les foules de l’Olympia qui fracassaient des chaises en son honneur.

Dans deux ans, la France s’apprête à célébrer le centenaire de Bécaud. Pour l’occasion, le spectacle hommage Et maintenant, interprété par Jules Grison (Formidable ! Aznavour) partira en tournée mondiale. Une date est déjà prévue dans la région : le 11 octobre 2026 au Cannet (06). Rien à Toulon pour l’instant…

Maxime Massoneau