On dit le marché du livre compliqué, mais il sera réjouissant d’apprendre que si Rochefort comptait neuf librairies en 1911, la ville en compte autant aujourd’hui. Pas les mêmes évidemment, sauf pour la librairie Pierre-Loti, qui sous un autre nom bien sûr, est une librairie générale depuis au moins 140 ans. Sise au 111, rue de la République (1), Gaëlle La Priol la tient même depuis trente ans, pile poil cette année. Elle représente ces libraires indépendants qui se battent pour que vivent les livres et la lecture !
Belle longévité
Toute jeune, et c’est drôle, elle était un peu dégoûtée des bouquins. « J’ai toujours connu ma mère, libraire, avec un livre à la main, à table, dans le bain, j’en avais marre », se souvient-elle, amusée. Pourtant, lorsque Danielle Francisco propose à sa fille, alors étudiante de 23 ans, d’acheter avec elle la librairie générale du 58 rue de la République, la quinqua d’aujourd’hui dit banco. Elle débarque dans le métier du livre, mais sait que sa mère la mettra sur les rails.
Car dès l’âge de 14 ans, Danielle Francisco a travaillé en librairie. À Paris d’abord, mais aussi à La Rochelle, à Limoges, à Saintes, avant de prendre la responsabilité du beau rayon livre de la maison de la presse de Rochefort à partir de 1989. « Elle a 60 ans de librairie derrière elle et c’est le Covid qui l’a conduite à arrêter », raconte Gaëlle Le Priol qui, depuis 2021, s’est associée à Anne-Sophie Gagnol.
En 1995, la Librairie Atlantique de M. Estève est à vendre. La mère et la fille se lancent, « c’était mieux de racheter une librairie existante que d’en créer une », se rappelle Gaëlle Le Priol. Aussitôt, le duo rebaptise le commerce « librairie Pierre-Loti », comme du temps de M. Remazeille, prédécesseur de M. Estève pendant 40 ans. C’est M. Bauret, le libraire des années 30, qui avait adopté le nom de l’Académicien, après sa mort en 1923. Et pour cause : « lorsqu’il était à Rochefort, Loti venait acheter ses livres ici », justifie Gaëlle. Du temps de M. Rateau, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, c’était tout simplement la librairie papeterie, articles de Bordeaux et journaux du 58 rue des Fonderies.
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Posted by Librairie Pierre Loti on Thursday, October 9, 2025
Depuis 30 ans, Gaëlle Le Priol ne regrette rien. Tombée amoureuse des livres et avide de lecture, elle ne se voit pas faire autre chose. « C’est le plus beau métier du monde que l’on ne fait pas pour l’argent, mais par passion, pour l’amour des livres. En tant que libraires indépendantes, on s’accroche, mais les livres donnent tellement de joie, de bonheur. Lire, c’est sortir de son corps, s’extraire du monde et ça nous sauve d’une actualité souvent anxiogène », poursuivent les deux associées.
La librairie Pierre-Loti est un peu une ruche où on peut lire et échanger avec deux libraires qui conseillent leurs clients.
KHARINNE CHAROV
Car forcément, elles lisent. « Pour vendre les livres, il faut lire. On ne lit pas tout bien sûr, d’autant que les clients savent souvent ce qu’ils veulent. Mais notre rôle, c’est aussi de conseiller et de guider. En commandant les bouquins, on pense au goût de nos lecteurs », explique Gaëlle Le Priol. « Mais, on veut aussi les surprendre, les emmener parfois sur d’autres chemins avec nos coups de cœur par exemple », complète Anne-Sophie Gagnol qui tient aux rayons « féminisme » et « écologie ». « C’est dans l’air du temps, mais c’est aussi notre éthique. »
Lieu de vie
Ici, pas de fiche trombonée en couverture. « On préfère discuter avec nos clients. C’est un vrai échange, c’est génial, d’autant qu’ils sont fidèles », se réjouissent les deux libraires qui pensent souvent « dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es ». Forte de 8 800 références et de 11 000 livres avec des colis qui arrivent chaque jour, la librairie Pierre-Loti est fournie, mais bien sûr, ici comme ailleurs, il n’y a pas tous les livres de la terre. En revanche, en commandant, on peut tout trouver, sauf ce qui n’est plus édité évidemment. Et à prix unique puisque rappelons-le, depuis 1981, le prix d’un livre est le même partout en France.
On préfère discuter avec nos clients. C’est un vrai échange, c’est génial
Parce qu’une librairie, c’est un lieu de vie, les libraires organisent régulièrement des lectures et des dédicaces d’auteurs. Sans oublier d’animer leurs pages Facebook et Instagram, ni de poster une newsletter. Elles se mettent au goût du jour pour des lecteurs de tous âges, et pour convaincre les jeunes en particulier qui viennent, mais de moins en moins. Pour autant, Gaëlle Le Priol reste optimiste : « les gens liront toujours. »
Longtemps, la librairie afficha à sa porte le slogan « travailler moins pour lire plus », quelle belle invitation pour soutenir le livre et la lecture qui devraient être remboursés par la Sécu.
(1) La librairie originelle était au 58 rue de la République, mais après un incendie en 2015, elle s’est installée juste en face.