Des personnes âgées jouant aux échecs, preuve que leurs capacités intellectuelles restent bien actives.Le cerveau garde sa capacité d’apprendre tout au long de la vie. © Freepik

Si l’on devait résumer les dernières décennies de recherche sur le cerveau, on pourrait dire qu’il n’existe pas un âge d’or unique de l’intelligence. En réalité, notre cerveau est un ensemble de capacités qui n’évoluent pas toutes au même rythme. La rapidité d’analyse, la mémoire de travail, la capacité à résoudre des problèmes nouveaux, ce qu’on appelle l’intelligence fluide, atteignent leur apogée assez tôt, souvent entre 20 et 30 ans. C’est l’âge où l’esprit est le plus agile, le plus prompt à réagir.

Mais ce n’est qu’une facette. L’intelligence cristallisée, celle qui s’appuie sur les connaissances accumulées, le vocabulaire, la culture générale, continue de se développer pendant encore plusieurs décennies. Autrement dit, si la vitesse diminue, la profondeur s’enrichit. Des études récentes publiées dans Psychological Science ont d’ailleurs montré que certaines compétences linguistiques et sociales culminent autour de 40, voire 50 ans.

35 ans, le sommet ? Pas si vite !

Une étude allemande, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), a analysé plus de 24 000 parties d’échecs professionnelles jouées sur plus d’un siècle pour comprendre comment la performance évolue avec l’âge. Les chercheurs ont comparé les coups joués par les maîtres à ceux proposés par un algorithme, considéré comme « optimal ». Résultat, la qualité moyenne du jeu augmente jusqu’à environ 35 ans, avant de connaître un lent déclin autour de 45 ans.

Des médias comme Futura Sciences ont relayé ces travaux en parlant d’un « pic cognitif » vers 35 ans. Mais il faut garder la tête froide. Cette étude mesure des performances dans un domaine très spécifique (le jeu d’échecs) qui mobilise surtout la mémoire de positions, la planification stratégique et la concentration prolongée. Ce n’est donc pas un reflet global de l’intelligence humaine, mais l’expression d’une forme très spécialisée de cognition. En d’autres termes, l’âge d’or des grands maîtres n’est pas nécessairement celui de toutes nos capacités intellectuelles.

Jusqu’à quel âge peut-on vraiment apprendre ? Des cerveaux qui continuent de progresser après 40 ans

L’idée d’un déclin inéluctable après la trentaine est aujourd’hui largement remise en cause. Une étude allemande récente (PIAAC-L, 2024), analysant des milliers d’adultes suivis sur plusieurs années, a montré que les compétences cognitives (en lecture, en raisonnement et en calcul) continuent d’augmenter jusqu’à environ 40 ans, avant de décliner très lentement.

Les chercheurs y voient un effet de la stimulation quotidienne. Les adultes actifs, qui utilisent régulièrement leurs capacités de réflexion, conservent des performances élevées plus longtemps. En revanche, ceux dont le métier ou le mode de vie sollicitent peu la cognition voient leurs scores chuter plus tôt. C’est ce que les scientifiques résument par la célèbre formule : « Use it or lose it », « utilise-le ou tu le perdras ».

Apprendre toute la vie, c’est donc une vérité établie

Pendant longtemps, on croyait que la plasticité cérébrale (la capacité du cerveau à créer de nouvelles connexions) disparaissait à l’âge adulte. Les neurosciences ont balayé cette idée. Des travaux en neuro-imagerie montrent qu’un adulte qui apprend une langue étrangère, joue d’un instrument ou reprend des études voit son cerveau se réorganiser. Même à 60 ou 70 ans, l’apprentissage modifie encore les réseaux neuronaux.

Bien sûr, apprendre à 50 ans n’a rien de commun avec apprendre à 20 ans. La mémoire de travail se fatigue plus vite, le rythme d’acquisition est plus lent, mais les avantages de l’expérience compensent souvent cette lenteur. On apprend autrement, en reliant le nouveau à ce que l’on sait déjà, en donnant du sens, en consolidant mieux. Le cerveau adulte n’est pas moins efficace, il est plus sélectif.

Capacités intellectuelles : ce que la science française en dit

Les synthèses publiées par l’Inserm rappellent que le cerveau n’a pas de date de péremption. Certes, la vitesse de traitement et la mémoire immédiate déclinent progressivement à partir de la quarantaine. Mais la mémoire sémantique (celle des connaissances) et la mémoire procédurale (celle des gestes, des automatismes) résistent souvent jusqu’à un âge avancé.

Autrement dit, même si l’on oublie parfois où l’on a mis ses clés, on continue d’apprendre, de raisonner, de créer, et de prendre des décisions complexes avec justesse. Ce qui compte, selon les chercheurs, ce n’est pas tant l’âge biologique que l’entretien quotidien du cerveau : lecture, interactions sociales, activité physique et curiosité intellectuelle. Ces facteurs stimulent la neurogenèse et ralentissent le déclin cognitif.

Alors, à quel âge est-on « au sommet » ?

La vérité est simple, il n’y a pas de sommet universel. Chaque fonction cognitive a sa propre trajectoire. Certaines culminent tôt, d’autres se maintiennent, d’autres encore s’améliorent grâce à l’expérience. Un jeune adulte est plus rapide, un quadragénaire plus précis, un senior plus stratège. L’intelligence n’est pas un pic, c’est un paysage.

L’apprentissage ne s’arrête jamais. On ne perd pas son intelligence, on la transforme. Et tant que l’on continue de la nourrir, de la défier, de la cultiver, le cerveau reste un formidable terrain d’évolution à tout âge.

À SAVOIR 

Selon une étude publiée dans la revue Neurology, les personnes qui dorment entre 7 et 8 heures par nuit conservent de meilleures fonctions cognitives après 40 ans que celles qui dorment moins ou davantage.

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