De faux diplomates envoyés par Budapest à Bruxelles. La Hongrie a tenté d’espionner les institutions européennes entre 2012 et 2018 pour « être informée en amont de toute mesure susceptible de nuire à ses intérêts », selon une enquête journalistique publiée jeudi.

« Chaque citoyen hongrois travaillant à la Commission qui avait une valeur potentielle en matière de renseignements était considéré comme une cible de recrutement et faisait l’objet d’un profilage », a expliqué le centre d’investigation hongrois Direkt36.

Direkt36, ayant le média hongrois Telex comme partenaire de publication, a enquêté avec son homologue allemand Paper Trail Media et le quotidien belge De Tijd. Le média a expliqué que sous couverture diplomatique auprès de la représentation officielle de la Hongrie à Bruxelles, des faux diplomates avaient approché ces fonctionnaires de l’UE de nationalité hongroise.

L’UE en alerte

La Commission européenne a indiqué jeudi « examiner » ces allégations d’espionnage. L’exécutif européen « prend ces allégations très au sérieux et reste déterminé à protéger la Commission, son personnel, ses informations et ses réseaux contre toute collecte illicite de renseignements », a réagi un porte-parole de la Commission européenne, Balazs Ujvari.

« Il s’agit ici d’une question de sécurité (…) nous allons mettre en place un groupe interne pour examiner » ces allégations, a-t-il ajouté devant la presse à Bruxelles.

Un espionnage agressif ?

Il leur avait demandé de faire fuiter des informations sensibles ou d’influencer les rapports de la Commission. « Réécris ceci, supprime cela », a expliqué l’un d’entre eux à Direkt36, l’objectif étant « que les textes reflètent la vision du monde du gouvernement Orban ».

À l’époque des faits, la représentation hongroise était dirigée par Oliver Varhelyi, devenu en 2019 commissaire européen. « Il était certainement au courant des activités d’espionnage menées à son ambassade » et « il était lui-même l’un des utilisateurs finaux des informations recueillies », selon Direkt36.

Les activités d’espionnage sont même devenues « particulièrement agressives » pendant la période où il était ambassadeur auprès de l’UE, assure le centre hongrois d’investigation. En contrepartie, Budapest proposait de l’argent ou une aide à l’évolution professionnelle aux fonctionnaires européens de nationalité hongroise.

Une mystérieuse « Maison hongroise »

Direkt36, qui dit ignorer si ces activités ont réussi ou non, affirme qu’elles ont été portées à la connaissance des dirigeants de l’UE. En 2024, le gouvernement de Viktor Orbán a inauguré une « Maison hongroise » à Bruxelles, « juste en face du bureau du Premier ministre belge ».

Ce centre culturel est, selon le collectif d’investigation, perçu comme un « risque » par les services belges de renseignement. Ni le gouvernement hongrois, ni la représentation de la Commission européenne à Budapest n’ont immédiatement répondu à la demande de commentaire.

Le dirigeant nationaliste hongrois Viktor Orbán est en conflit avec les autorités européennes depuis son retour au pouvoir en 2010, accusé d’avoir porté atteinte à l’État de droit. Ce qui lui vaut plusieurs procédures de la part de Bruxelles, dont le gel de plusieurs milliards d’euros de fonds européens.