L’exposition, après Bruxelles, est à Strasbourg : Changemakers emprunte des œuvres à la collection d’art contemporain du Parlement européen – oui, une partie de notre contribution à l’UE sert à acheter de l’art contemporain – et d’autres toutes récentes. Ça se revendique « artivistes » : contraction d’« artistes » et d’« activistes ». Étiquette plus gratifiante que « artistes officiels », ce qu’ils sont pourtant puisque l’exposition déroule les articles du credo de l’Union européenne.
Vous avez dit liberté d’expression ?
À commencer par « la liberté de pensée et la liberté d’expression », qui sont les « piliers d’une société pleinement démocratique ». On est d’accord sur le principe, moins sur le fait que l’Union européenne en soit le parangon. « Dans toute l’Europe, je crains que la liberté d’expression ne soit en recul », déclarait J.D. Vance, en février dernier. Ce que confirme l’actuel projet Chat Control qui, sous des dehors protecteurs, prétend accéder à toutes les messageries privées.
Parmi les œuvres retenues pour illustrer la liberté d’opinion, une installation de Bozhana Slavkova, « métaphore subtile et tout en légèreté sur la possibilité actuelle de se déplacer librement sur le continent, une liberté qui était inimaginable pour nombre d’Européens, il y a plusieurs générations ». Quelle subtilité, quand on sait que les Européens parcourent leur continent en tout sens depuis des millénaires, hormis peut-être lorsque les communistes y édifient des murs.
La démocratie selon Bruxelles
Le second thème, « Démocratie et vote », laisse une impression mi-figue mi raisin. Car nous avons voté pour élire des eurodéputés en 2024, mais ni vous, ni moi, ni aucun autre simple citoyen de l’Union européenne n’a voté pour Ursula von der Leyen. Et à la tête de l’UE, on n’est pas si à l’aise avec la vox populi dès lors qu’elle ne chante pas en chœur « Petite Maman Leyen ». La Roumanie l’a appris à ses dépens, en décembre 2024.
Pour parler de la démocratie, l’artiviste Sára Bányai présente un jeu de cartes en hommage aux communautés de Malmö, invitées à prendre leur destin en main par les urnes. Quand on connaît le communautarisme et l’islamisme de cette ville suédoise… Mais Sara Banyai ne voit pas si loin, elle dont l’idéal se résume à un « festival « communautif » » (sic) où on a « mangé des croquettes de poisson vegan en dansant au son du djembé ». Authentique.
L’idéal migratoire
Ce qui nous amène au troisième thème : les migrants ! Les œuvres présentées font écho au plan européen dont le but est de « promouvoir l’inclusion pour tous », de reconnaître « l’importante contribution que les migrants apportent à l’Union européenne ». Leur contribution à la clandestinité et à l’illégalité ? Mais peu importe : la culture doit mettre l’accent sur « la coexistence pacifique de diverses entités ». Nous ne sommes plus des peuples mais de vagues « entités ». Quant à la coexistence pacifique, l’UE fait preuve d’irénisme.
Le dernier point invite « à prendre soin des plus vulnérables ». Soudain, l’Union européenne se souvient de ses racines chrétiennes et invoque la reine des vertus théologales : « La charité est au cœur de ce thème. » Va-t-on rendre hommage aux victimes anglaises des groomings gangs pakistanais ? Non. Il s’agit encore de « l’intégration des étrangers et des réfugiés ». Leurs victimes attendront. Et puis, le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’UE.
Il y a eu l’Europe historique et ses courants artistiques, qu’ils aient été nationaux ou continentaux comme le « gothique international » vers 1400 (oui, souvenez-vous, à l’époque où les Européens ne circulaient pas du tout !). Page révolue. Nous sommes dans l’ère de l’Union européenne et de l’art contemporain. Conceptuels et sans racines, ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Il suffit d’un coup d’œil aux collections d’art contemporain du Parlement européen pour saisir la misère intérieure des institutions dont on subit le joug politique et culturel.
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