Ces activités devraient contribuer à apporter à l’Europe un savoir-faire critique dans le domaine du transport spatial que seuls trois pays – les États-Unis, la Russie et la Chine – maîtrisent aujourd’hui. Les effectifs du site, d’une centaine de personnes actuellement, devraient monter à terme à environ 300 salariés. Il s’agit pour l’heure d’un premier investissement estimé à environ une dizaine de millions d’euros… Qui devrait en appeler de plus significatifs. «On compte investir plus de 200 millions d’euros sur les trois années qui viennent entre 2026 et 2028 », ambitionne la dirigeante, sous réserve de l’obtention de certains financements publics attendus côté français.
Le centre de contrôle aura pour objectif de vérifier le bon déroulé des missions de ses capsules spatiales qui doivent se docker à la station spatiale internationale et aux futures autres stations privées afin de les ravitailler en cargo. «C’est la première fois qu’un centre de contrôle de mission d’une société privée sera connecté à celui de la NASA», se félicite la dirigeante. Il pourrait être également mis à profit pour les forces armées françaises pour des missions d’inspection ou d’action dans l’espace.
C’est d’ailleurs le cas aussi de l’activité de production de protections thermiques puisque ces protections peuvent équiper des missiles. Quant à l’activité de fabrication des moteurs, elle sera étendue à l’ensemble du périmètre de la société : soit des moteurs pour les navettes mais pareillement pour les véhicules lunaires et les fusées. «Tous les moteurs sont produits made in France», précise Hélène Huby.
Déjà deux vols de démonstrateurs
Au-delà de Bordeaux, The Exploration Company est également présente à Munich et à Turin. Avec des activités complémentaires. En Allemagne, ses équipes sont responsables des développements logiciels, des boitiers avioniques et de l’assemblage final des véhicules spatiaux. En Italie, elles assurent les activités liées aux mécanismes et de support à la vie dans l’espace.
Récompensée du prix de l’innovation industrielle de l’année dans le cadre des trophées des industriels 2024 de L’Usine Nouvelle, la start-up accélère sur tous les fronts. En 4 ans, ses effectifs sont passés de 4 à près de 400 salariés. Sa recette : sans attendre des financements publics ni les commandes des agences spatiales, elle a développé ses capsules en fonction de ses propres spécifications, et en levant de l’argent auprès des investisseurs privés.
À la fin 2024, elle a ainsi réalisé une levée de fonds record de 150 millions d’euros, l’une des plus importantes jamais réalisées dans le secteur spatial en Europe. Surtout, The Exploration a déjà fait voler deux démonstrateurs de capsules en quatre ans ! En juin dernier, une fusée de SpaceX a effet lancé son deuxième démonstrateur à échelle réduite, à l’occasion d’un vol baptisé Mission Possible. La première partie du vol s’est bien passée et la capsule a pu réaliser son entrée atmosphérique comme attendu.
Toutefois, le véhicule s’est crashée en mer après l’échec de l’ouverture de son parachute, perdant les expériences réalisées à bord par ses clients. «Le résultat a été toutefois honorable. Cela nous rend beaucoup plus fort pour faire la capsule suivante», estime Hélène Huby. Comme les dirigeants du newspace, elle partage la philosophie de l’apprentissage et de progression par itération successive.
Selon elle, cette capsule a même été «constitutrice» pour The Exploration Company. «Grâce à elle, on a embauché les ingénieurs, on a mis en place les process. On a appris à fabriquer un premier ordinateur de bord, à coder notre logiciel, à coller la protection thermique, indique Helene Huby. On a créé tout une chaîne de fournisseurs autour de nous. Ce sont des énormes actifs que nous n’aurons pas à refaire pour la capsule suivante». Sur le terrain commercial, la société a déjà fait une percée impressionnante. «Au total, nous avons signé 850 millions d’euros de contrats à travers des commandes fermes», se réjouit la responsable.
«Nous sommes moins chers que SpaceX»
Il faut dire que la société se veut compétitive en facturant chaque mission de l’ordre de 150 millions d’euros. «À ce prix-là, nous sommes moins chers que SpaceX», affirme Hélène Huby, expliquant qu’aux États-Unis, les ingénieurs du secteur spatial sont payés deux à trois fois plus cher que leurs homologues européens. Résultat : la NASA, qui est en passe de lui apporter sa certification, et d’autres sociétés américaines lui ont commandé cinq missions de ravitaillement pour leur station spatiale !
L’an dernier, la start-up a également remporté une compétition et le financement associé auprès de l’Agence spatiale européenne (ESA) pour développer sa capsule. Au titre de la phase 1 de cette opération, la start-up a investi 75 millions d’euros, recevant par ailleurs 15 millions d’euros de la France (France 2030, CNES…).
La société indique répondre à tous les critères de la phase 1 : un vol avant juin 2029, une maturité technologique, un apport financier privé significatif… «Nous faisons mieux que les Américains en matière de financement privé. Notre société assure plus de 45% du financement de notre capsule. SpaceX avait bénéficié d’un financement à plus de 85% par la NASA, détaille la dirigeante, évoquant un financement global de l’ordre de 450 millions d’euros pour sa capsule. Nous avons un besoin de cash de la puissance publique pour financer la fin du développement du premier véhicule».
The Exploration Company attend donc beaucoup de la grande conférence des ministres européens de l’espace qui aura lieu en novembre prochain à Hanovre en Allemagne. D’une part, une contribution de la France au financement de la navette estimé à environ 100 millions d’euros et d’autre part un possible contrat pour l’achat de trois missions de la part de l’agence spatiale européenne. Le vol de la première capsule à l’échelle réelle pourrait intervenir dans l’été 2028.