Des soldats russes dans la guerre en Ukraine: ils en ont tiré quelques enseignements.Image: Sergey Pivovarov / reuters
Au début de la guerre en Ukraine, l’armée russe n’était pas en bonne posture. Mais depuis, elle a beaucoup appris, et cela pose des défis à l’Ukraine.
13.10.2025, 05:2713.10.2025, 05:27
Julian Alexander Fischer / t-online
Plus de «International»
Un article de
Quand la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, la première tablait sur une victoire rapide en raison de la supériorité numérique de son armée. Mais elle n’a finalement progressé que très peu.
On a en effet rapidement constaté que l’armée russe était mal préparée à cette guerre. Equipement, formation, tactiques, soins médicaux: tout semblait insuffisant. Dans de nombreux domaines, l’Ukraine dominait nettement la partie.
Une marge de progression passée à la loupe
Par la suite, la Russie a analysé en profondeur son propre comportement pour en tirer des conclusions plus générales. Les entreprises d’armement, les universités et les soldats de toute la chaîne de commandement ont été impliqués dans ce processus. Peu à peu, le Kremlin a repris l’avantage.
L’analyste militaire Dara Massicot a examiné la stratégie russe pour le magazine spécialisé Foreign Affairs. Elle estime que la courbe d’apprentissage laisse présager de nouvelles destructions en Ukraine dans un avenir proche. Cependant, malgré une analyse approfondie, beaucoup de choses ne fonctionnent pas de manière optimale pour le régime de Poutine.
Moscou procède à des changements
Selon la spécialiste, les premiers effets de cette introspection ont eu un effet dès le début du conflit. Les unités ont blindé leurs véhicules, appris de nouveaux motifs de camouflage et adopté des tactiques d’attaque pour les petites unités.
Les soldats russes auraient ensuite partagé ces conseils avec leurs camarades soit via des canaux fermés sur les médias sociaux, soit via des guides publiés par leurs soins. Mais ce type de connaissances se perd rapidement. Il fallait donc les institutionnaliser, raison pour laquelle on a envoyé des officiers d’Etat-major et des experts militaires au front, selon l’article de Foreign Affairs.
Ces personnes ont mené des entretiens avec les soldats, observé les événements et étudié les protocoles des gradés. Les résultats ont été communiqués à l’Etat-major général, mais aussi aux unités et aux entreprises d’armement.
Le président russe Poutine et le chef d’état-major Valery Gerasimov lors d’une réunion.Image: Imago
Selon l’analyse, l’armée s’est ensuite réorganisée et a adapté ses tactiques. Moscou a, de son côté, publié un «ordre du jour mobile» et augmenté le budget de la défense. Désormais, 20 commissions travailleraient à Moscou pour évaluer les rapports et formuler des recommandations. On établit des listes et on organise des ateliers pour les soldats. En outre, les manuels de combat auraient déjà subi 450 modifications depuis le début de la guerre.
L’équipement comme principal objectif
Au début, l’équipement technique a particulièrement freiné l’armée russe. Les composants étaient de mauvaise qualité et mal entretenus, détaille Dara Massicot. L’industrie de l’armement a mis du temps à réagir, et les réglementations bureaucratiques étaient obsolètes.
La situation a néanmoins rapidement évolué ensuite. Le ministère de la Défense a assoupli les normes pour raccourcir les délais de recherche et développement. Il a aussi organisé des réunions avec les entreprises d’armement pour leur transmettre les commentaires des unités au front.
Les entreprises auraient, elles aussi, envoyé des experts en première ligne pour réparer l’équipement et évaluer leur expérience en vue de développements futurs. L’analyse mentionne encore une meilleure mise en réseau des start-ups avec les entreprises publiques, malgré des années d’ignorance mutuelle.
Du point de vue de l’équipement, tout n’a pas fonctionné pour les Russes.Image: Leo Correa / AP / dpa
Moscou a ainsi amélioré le blindage des véhicules, la force de frappe des bombes glissantes et modifié ses drones et ses missiles. De plus, les attaques avec ces deux armes se sont complexifiées, posant des défis majeurs à l’Ukraine.
Du renouveau dans la formation
L’experte indique aussi que le Kremlin a entrepris une profonde refonte de la formation. Les troupes passent désormais régulièrement du champ de bataille au terrain d’entraînement, et des vidéoconférences rassemblent les unités du front, les académies et les centres de formation. On forme les vétérans à devenir instructeurs.
La qualité des simulateurs s’est par ailleurs améliorée et le programme d’enseignement fait une part bien plus belle aux drones. Les instructeurs surveillent l’entraînement des soldats à l’aide de ces engins volants et peuvent mieux évaluer leurs succès et leurs échecs.
Des recrues russes dans une gare de la région de Volgograd (photo d’archive): la formation a été adaptée.Image: AP / dpa
Massicot évoque des changements majeurs dans la formation des cadres. Selon elle, le cursus des jeunes officiers dure deux mois supplémentaires. On les prépare à de nouvelles tactiques d’intervention.
Objectif: leur apprendre à prendre le commandement de petites unités qui reçoivent une mission à mettre en œuvre de manière autonome sans ordres centraux. Cela a représenté un changement majeur pour l’armée russe, et son organisation traditionnellement très pyramidale.
Tout ne fonctionne pas encore parfaitement
Malgré tous les progrès, la courbe d’apprentissage russe semble avoir ses limites. Les cursus manquent par exemple souvent d’uniformité. Les contenus de cours s’avèrent parfois obsolètes et la durée de la formation reste en général trop courte, ajoute l’analyste.
De plus, Moscou semble avoir du mal à mettre en œuvre les nombreuses connaissances acquises jusqu’à présent. Des fonctionnaires auraient ainsi recommandé de réviser le système de contrôle qualité en réponse à de nombreuses pannes et erreurs. Voilà qui reste néanmoins à faire. On aurait par ailleurs laissé de côté les connaissances en matière de médecine de guerre. De plus en plus de soldats contracteraient ainsi le VIH à cause de la réutilisation de seringues.
Et puis on négligerait aussi le moral des troupes alors que la qualité du personnel d’encadrement varierait considérablement. Les unités auraient, quant à elles, du mal à collaborer. Les normes psychologiques ne seraient pas non plus respectées, ce qui n’aiderait pas à évaluer l’état mental des soldats.
Malgré ces lacunes, on constate néanmoins des progrès. La spécialiste estime que l’Otan devrait s’en inquiéter, car le Kremlin partage probablement ses enseignements avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Les pays de l’Otan ne tiennent souvent pas compte de cela au moment d’analyser les avancées russes. Une réaction globale se fait encore et toujours attendre.
(Traduit de l’allemand par Valentine Zenker)
Toute l’actu’ brûlante sur l’Ukraine…