Le quotidien L’Humanité a révélé le mois dernier la suppression des 2 millions d’euros de subventions versés depuis 2014 par la région Ile-de-France aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH). Une nouvelle qui soulevé le tollé auprès de nombreuses personnes handicapées qui estiment que les promesses n’ont pas été honorées et que la Région ne se soucie guère d’elles.

En exclusivité pour Sud Radio, Valérie Pécresse a accepté de donner sa version des faits au micro d’Anthony Martins-Misse, de justifier cette mesure et de détailler la réaffectation des fonds alloués.

Valérie Pécresse fait également le point sur les dossiers relatifs à l’Accessibilité pour tous, le service de transport accompagné pour les personnes handicapées, le Métro pour tous et l’accès aux écoles pour les enfants handicapés.

Sans oublier de dire un mot sur la condamnation à 5 ans de prison de Nicolas Sarkozy, dont elle a été la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (de mai 2007 à juin 2011) puis du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État (de juin 2011 à mai 2012).

Suppression des 2M€ versés aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) : « l’Etat nous a privés de 230M € »

« J’ai eu l’occasion de dire que c’était une polémique purement politique, qui masque totalement l’ampleur de l’engagement de la Région en faveur du handicap. Il faut bien comprendre le contexte : nous étions la seule région de France à financer les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées). Or, ces structures relèvent de la compétence des départements, pas de la Région. Nous avions choisi d’aider les MDPH parce que la Région a la compétence « transport » – et donc la mobilité, qui est au cœur de la vie des personnes handicapées. Les MDPH gèrent un fonds destiné à financer les fauteuils roulants ou les aménagements des véhicules. C’est ce fonds que nous abondions à hauteur de 2 millions d’euros chaque année. Mais la situation budgétaire a évolué. L’État nous a privés de 230 millions d’euros de recettes fiscales, et nous avons dû réaliser 750 millions d’euros d’économies.

 » Dans ce contexte, nous avons examiné chaque dépense, y compris sociale.
Nous avons alors constaté trois choses :

  1. Certaines MDPH ne réclamaient pas la totalité de l’aide.
  2. Les fauteuils roulants seront remboursés à 100 % par la Sécurité sociale à partir de décembre 2025.
  3. Les MDPH disposent de trésoreries importantes. Nous avons donc décidé de redéployer ces fonds. Mais nous ne les avons pas retirés aux personnes handicapées : nous les avons réaffectés autrement. »

Comment ces fonds seront réaffectés ? « Métro pour tous et budget participatif handicap »

« Sur les 2 millions, 700 000 euros vont désormais au projet « Métro pour tous », et 1 million alimente le Budget participatif handicap, qui soutient des centaines de micro-projets inclusifs. L’an dernier, nous avons financé 180 projets, avec 52 000 votes citoyens. Nous avons aussi créé une prime de 2 000 euros pour les personnes en situation de handicap qui suivent une formation régionale. Et au sein de la Région, 10 % de nos agents sont aujourd’hui en situation de handicap, contre 4 % avant 2016. Enfin, notre budget handicap a doublé : de 100 millions d’euros en 2016 à 200 millions aujourd’hui. »

Mobilité pour tous : où en est-on de l’accessibilité en Ile-de-France ?

Malgré des progrès, le PAM (service de transport accompagné pour les personnes handicapées) reste très critiqué pour ses dysfonctionnements : annulations de courses, absences de chauffeurs… Où en est-on aujourd’hui ?

 » Le PAM (service de transport accompagné pour les personnes handicapées), historiquement géré par les départements, a été régionalisé à l’initiative d’Île-de-France Mobilités. C’était nécessaire : les Franciliens franchissent chaque jour les frontières départementales, et les inégalités tarifaires étaient énormes. Grâce à la régionalisation, les 15 premiers kilomètres coûtent 2 euros pour tout le monde. C’est un progrès considérable, et la fréquentation a augmenté de 30 %. Mais, c’est vrai, les débuts ont été chaotiques : nous avons dû reconstruire les fichiers, les outils, les algorithmes. Aujourd’hui, il reste des problèmes : annulations de dernière minute, chauffeurs absents, ou formation insuffisante.
Nous travaillons avec Transkeo pour corriger cela. Nous avons aussi renforcé le parc de véhicules, notamment à l’occasion des Jeux Olympiques, et mieux formé les conducteurs. Transporter une personne en fauteuil ou en fragilité, cela s’apprend. »

Vers un “zéro défaut” ?

« On peut tendre vers, mais il n’existe pas. Ce que nous voulons, c’est la transparence : comprendre pourquoi une course est annulée, ou pourquoi un chauffeur n’est pas venu. Et il faut aussi rappeler que certains usagers réservent sans prévenir d’annulation. Comme dans le médical, cela désorganise le service. Peut-être faudra-t-il, comme pour les rendez-vous chez le médecin, des sanctions pour les “lapins”. »

Quid du “Métro pour tous” ? « Le Grand Paris Express sera 100 % accessible d’ici 2030-2032 »

« C’est un projet majeur. Le Grand Paris Express sera 100 % accessible d’ici 2030-2032. Mais il faut aussi rendre accessibles les stations historiques. Nous avons lancé les premières études, notamment sur la ligne 6, où trois stations pourraient être rapidement adaptées. À terme, rendre tout le métro accessible coûtera 20 milliards d’euros. C’est un défi pour la décennie à venir, car avec l’allongement de la vie, la question du handicap va concerner de plus en plus de Franciliens. »

La place à l’école pour les élèves handicapés ? « Un chantier à long terme »

De nombreux enfants handicapés restent encore sans solution de scolarisation, notamment en Île-de-France. Que fait la Région ?

« Nous avons la responsabilité des lycées, pas des collèges. Et il faut dire qu’en 2016, aucun lycée n’était entièrement accessible. Nous avons depuis mis aux normes 160 établissements, pour un coût de plusieurs dizaines de millions d’euros. Nous adaptons aussi les classes au rez-de-chaussée pour les élèves en fauteuil, et développons les manuels numériques accessibles, grâce à la EdTech Pearltrees, pour les élèves malvoyants ou malentendants. Chaque lycéen reçoit un ordinateur pour y accéder. C’est un chantier de long terme, mais nous avançons. Et d’autres régions commencent à s’inspirer de notre modèle. »

Sur la peine de prison de Nicolas Sarkozy ? « Politique et justice ne vont pas ensemble »

« Je ne commenterai pas les décisions de justice. Mais l’existence même d’un “mur des condamnés” est, selon moi, extraordinairement choquante. La politique et la justice ne vont pas ensemble. Quand il y a un risque, quand il y a un risque de récidive, quand il y a une dangerosité pour la société, quand il y a un risque aussi de fuite et je crois que dans le cas de Nicolas Sarkozy, ces trois risques étaient à mon sens tout à fait écartables. »