Par
Anthony Soudani
Publié le
13 oct. 2025 à 12h24
T-Shirt blanc sur les épaules, gants enfilés… Michel fait la tournée du Tonkin pour le nettoyer avec d’autres habitants. Il vit depuis 43 ans dans ce quartier populaire de Villeurbanne, à proximité directe avec Lyon. Alors que la préfète du Rhône, Fabienne Buccio, affirme que les deux derniers points de deal du secteur ont été éradiqués, Michel donne son avis sur la situation.
Membre du collectif Tonkin Paix-sible, qui lutte contre l’installation des trafiquants dans le quartier et œuvre pour sa propreté, cet habitant est très lucide. Il se méfie de l’ampleur du narcotrafic aujourd’hui.
Les deux derniers points de deal fermés : « Nous ne crions pas victoire »
L’action de la police « commence à porter ses fruits », souligne-t-il en voyant les nombreux effectifs parader au Tonkin, tandis que la préfète est venue les saluer et les féliciter. La représentante de l’État l’affirme : « Les deux derniers points de deal du Tonkin ont été fermés. »
Vraiment ? Il n’y aurait donc plus de trafic de stupéfiants au Tonkin… La préfète, elle-même, s’est montrée prudente au micro d’actu Lyon et de nos confrères : « Nous ne crions pas victoire. On n’est sûr de rien. Il faut de l’humilité. Mais on est là pour dire à nos concitoyens : ‘Vous voyez, c’est possible’. » Fabienne Buccio ne manquant pas de saluer le travail du collectif.
De gauche à droite : le directeur de la police nationale du Rhône, Nelson Bouard, la préfète du Rhône, Fabienne Buccio et le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael. (©Anthony Soudani / actu Lyon)
Michel fait preuve de la même lucidité. « Si l’objectif est d’éradiquer le trafic, je crois que celui-ci, il ne faut pas espérer l’atteindre un jour. Les trafics internationaux sont tellement puissants et la demande des consommateurs est si forte, qu’on n’arrivera jamais à éradiquer le trafic. »
Tenir les enfants à l’écart du trafic de drogue
Il regarde autour de lui. Des jeunes jouent au foot au city stade. L’un d’eux tire dans le ballon qui file en dehors du terrain. Un policier l’intercepte. En rigolant, l’agent leur glisse : « Je sais que vous essayer de faire les intéressants. » Un enfant rétorque : « Ce n’est pas moi, c’est lui. Il l’a fait exprès. » Le policier relance le ballon et les voilà repartis dans leur match.
« L’enjeu du collectif, c’est de faire en sorte que ce trafic se fasse le plus discrètement possible et qu’on arrive à tenir à l’écart les enfants », souligne Michel qui pointe l’allée piétonne qui longe le stade : « Or, les trafiquants se mettent sur ce mail piéton. Ces dealers sont présents de 11h à 4h du matin. »
« C’est la drogue préférée des gamins »
Michel montre une bonbonne de protoxyde d’azote au sol et évoque ce nouveau fléau : « C’est la drogue préférée des gamins. Ils respirent ce gaz dans des ballons, qui leur détruit le cerveau. » Et d’ajouter : « On a aussi des pics de consommation en soirée et pendant la nuit de tous les produits qu’on puisse imaginer dans le trafic, y compris du protoxyde d’azote. »
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Cet habitant du Tonkin est plutôt mesuré dans son analyse de l’évolution du quartier. Loin du caricatural « c’était mieux avant », Michel aime toujours le Tonkin. « Je considère que c’est un bon quartier« , clame-t-il haut et fort.
Les patrouilles de police ont été renforcées au Tonkin, quartier sensible de Villeurbanne, près de Lyon. (©Anthony Soudani / actu Lyon)Le Tonkin « évolue dans le bon sens »
« L’aménagement de l’espace public a bien évolué. Depuis quelques années, on a une municipalité qui s’est investie dans le quartier beaucoup plus qu’avant », glisse-t-il. Et ce n’est pas le maire PS Cédric Van Styvendael, régulièrement en contact avec le collectif, qui va le contredire sur ce point.
« On a maintenant un espace plus accueillant, plus agréable, moins fermé. On a un investissement municipal et métropolitain dans le quartier qui est indéniable. L’équipe d’éducateurs a été renforcée depuis le mois de septembre », constate Michel.
Pour lui, les choses « évoluent dans le bon sens ». Mais tout n’est pas rose, loin de là. « Les fractures qui traversent la société française, on les sent ici. Ce qui compte, c’est d’essayer de réduire les causes de ses fractures et le trafic de drogue est une cause importante », conclut celui qui se réjouit de voir une présence policière et un quartier un peu plus propre.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.